Comprendre l'Islam

Débuts des mois lunaires : Est-il permis de les déterminer juridiquement à l’aide du calcul astronomique ?

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 Il est incontestable que les Arabes avant l’Islam et aux premiers temps de l’Islam n’avaient pas de connaissance scientifique exacte de l’astronomie. Ils étaient un peuple illettré, ne sachant ni écrire ni calculer. Ceux qui avaient quelque connaissance de l’astronomie n’en possédaient que des rudiments déduits par l’observation ou par la transmission orale sans être fondés ni sur des règles mathématiques ni sur des arguments catégoriques fondés sur des prémisses incontestables. C’est pourquoi, le Prophète (saws) a fixé comme la référence permettant de déterminer le début du mois pour la pratique religieuse, un moyen que l’on observe d’une manière incontestée qui était à la porté de tous ou de la plupart d’ente eux, à savoir, la vision de la nouvelle lune à l’œil nu. Ceci était plus sage et plus à même à déterminer avec précision les temps légaux des rites et des pratiques religieuses. C’était le seul moyen dont ils disposaient pour parvenir à la certitude et à la confiance : Dieu n’impose à aucune âme une charge supérieure à sa capacité.

Il n’aurait pas été conforme à la sagesse du Législateur de lier la détermination des mois au calcul et à l’astronomie alors que les gens, dans les villes, n’y connaissent rien. En effet, nombreux parmi eux étaient des bédouins qui ne recevaient que rarement des nouvelles des villes, à des moments parfois rapprochés, parfois éloignés. Si le Législateur avait lié la détermination des mois lunaires au calcul et à et l’astronomie, il leur aurait imposé un peine. Rares auraient été les bédouins qui auraient pu être informés par audition si l’information leur parvenait, et les citadins ne l’auraient su qu’en se référant à certains connaisseurs du calcul appartenant pour la plupart aux gens du Livre.

Puis, les musulmans conquirent le monde et prirent les commandes des sciences en développèrent toutes ses branches. Ils traduisirent les connaissances des Anciens. Ils excellèrent dans ces sciences, dévoilèrent beaucoup de leurs secrets et les préservèrent pour les générations futures. Parmi ces sciences figurait l’astronomie.

Or, la plupart des juristes et des traditionnistes ne connaissait pas l’astronomie ou en n’avait que quelques notions. Pour certains, ou pour beaucoup d’entre eux, ils n’avaient aucune confiance en ceux qui détenaient cette science et n’étaient aucunement rassurés à leur égard. Au contraire, celui qui s’adonnait à ces sciences était accusé taxé d’égarement et d’hérésie, pensant qu’elles servaient comme prétexte pour ceux qui les pratiquaient pou prétendre la connaissance des évènements à venir (l’astrologie). D’ailleurs, certains le prétendirent effectivement, faisant du tort à sa propre personne et à sa science. Les juristes sont excusables, et ceux d’entre eux qui connaissaient ces sciences n’étaient pas en mesure de déterminer sa véritable position par rapport à la religion et au droit musulman. Ils y faisaient allusion avec appréhension.

Telle était leur situation étant donné que les sciences cosmiques n’étaient pas répandues comme l’étaient les sciences religieuses, et leurs règles n’étaient pas jugés catégoriques par l’ensemble des savants.

Or, la Loi divine dans sa splendeur et sa souplesse, est valable éternellement, jusqu’à ce que Dieu veuille mettre fin à la vie d’ici-bas. Il s’agit d’une législation pour toutes les nations, et pour toutes les  époques. C’est pourquoi nous trouvons dans les textes du Coran et de la Sunna des allusions précises à des choses qui apparaitront. Lorsque celles-ci se vérifient, elles sont expliquées et saisies, même si les plus anciens en donnaient une explication qui ne correspondait pas à leur réalité.

D’ailleurs, la Sunna authentique fait allusion à ce que nous sommes en train d’évoquer. En effet, al-Boukhari rapporte d’après Ibn ‘Omar (rad) que le Prophète (saws) dit : « Nous sommes une communauté qui ne sait ni écrire ni calculer, le mois est comme ceci ou comme cela, c’est-à-dire vingt-neuf ou trente jours ». L’imam Malik, ainsi qu’al-Boukhari et Mouslim, et d’autres rapportent ce hadith avec les termes suivants : « Le mois est composé de vingt-neuf jours. Ne jeunez pas avant d’avoir vu la nouvelle lune, et ne rompez pas le jeûne avant de l’avoir vu à nouveau. Si elle vous est cachée par les nuages, alors estimez-la »

Nos anciens savants, que Dieu leur fasse Miséricorde ont eu raison dans l’explication du sens du hadith, mais ils se sont trompés dans son interprétation. Parmi les avis les plus complets à ce sujet, figure celui da al-Hafidh Ibn Hajar qui dit : « Le calcul désigne ici le calcul des positions des astres et de leur mouvement, dont ils ne connaissaient que peu de choses. Aussi, la prescription du jeûne fut liée à la constatation visuelle afin de leur éviter toute gêne liée la difficulté de l’étude des mouvements des astres. Cette prescription a continué à s’appliquer au jeûne, même s’il y a eu par la suite des gens qui connaissaient ce calcul. D’ailleurs, le sens littéral du texte réfute l’idée de lier la prescription au calcul. Le hadith précédent clarifie ceci puisqu’il dit : « Si elle vous est cachée par les nuages, alors compléter le mois à trente jours ». Il n’a pas dit : demandez à ceux qui connaissent le calcul. La sagesse réside ici dans le fait que le chiffre en cas où le ciel est couvert, met tous les « astreints » (moukallafin) à égalité et évite la divergence et les querelles. Certains ont permis, dans ce cas, le recours aux connaisseurs des mouvements des astres : ce sont les « rafidites » (les chiites ou les ismaéliens). On rapporte que certains juristes partagent cet avis, mais al-Baji dit : « L’avis consensuel des pieux-prédécesseurs est un argument contre eux ». Ibn Baziza dit : « Cette position est fausse, car la Loi divine interdit de s’adonner aux sciences tirées des astres car elles ne sont que conjecture et approximation, ne comprenant ni des données catégoriques ni une forte probabilité ; en plus, lier cette question à cette science impose une restriction, car peu de gens la connaissent. »

Cette explication est correcte, dans le sens où la considération est accordée à la constatation visuelle et non pas au calcul. Mais, l’interprétation est fausse, à savoir, que s’il existe des gens qui connaissent cette science, la prescription continue à s’appliquer au jeûne (c’est-à-dire, en considérant uniquement la constatation visuelle) car l’injonction de se référer uniquement à la constatation visuelle est liée à une cause expressive : le fait que la communauté est une « communauté qui ne sait ni écrire ni calculer ». Or, l’application ou la non-application de la prescription est en fonction de l’existence ou de l’absence de sa raison d’être « ‘illa ». Ainsi, si la communauté est sortie de son illettrisme et a appris l’écriture et le calcul, j’entends par-là qu’elle compte parmi ses membres des connaisseurs de ces sciences, tous les gens, initiés ou pas, seront en mesure de déterminer le début des mois d’une manière certaine et catégorique, et ils pourront avoir confiance au calcul comme ils ont confiance en la constatation visuelle, et plus encore. Si tel est le cas et si la cause l’illettrisme a disparu, ils devront se référer à ce qui est sûr et formellement établi et déterminer les débuts du mois sur la seule base du calcul. Ils ne pourront se référer à la constatation visuelle que s’ils n’ont pas accès à la connaissance du calcul, à l’instar des bédouins ou des habitants des villages isolés, auxquels les informations formellement établies par les spécialistes du calcul ne parviennent pas[1]

Et s’il faut se référer uniquement au calcul étant donné la disparition de la cause de l’interdiction, le fait de se référer au calcul réel de la naissance de la nouvelle lune sans tenir compte de la possibilité ou de l’impossibilité de la voir. Ainsi, le mois commencera réellement la première nuit où la nouvelle lune disparaîtra ne serait-ce qu’une seconde, après le coucher du soleil.

Mon avis n’est pas une innovation : le fait qu’une prescription puisse changer en fonction de la situation des astreints, a de nombreux exemples dans la législation, connus des savants et des autres. Par exemple, pour la question qui nous intéresse : le hadith : « Si la brume vous empêche de la voir, estimez-la » a été relaté selon d’autres termes dont : « Si le brume vous empêche de la voir, compétez le compte à trente jours » Les savants ont expliqué la version « estimez-la » dont la portée est générale, par la version explicative « complétez le compte à trente ». Mais un immense imam parmi les imams shafi’ites, leur référence à son époque, à savoir, Abou al-‘Abbas Ahmed ibn ‘Omar ibn Sourayj (m 306H) a concilié les deux versions en les appliquant à deux situations différentes : l’expression « estimez-la » signifie : déterminez-la selon le calcul des phases de la lune et s’adresse à ceux à qui Dieu a donné la connaissance de cette science, tandis que l’expression « complétez le compte » est un discours adressé au commun des gens.

Mon avis se rapproche de celui d’Ibn Sourayj, sauf que lui l’applique particulièrement au cas où la brume empêche la vision de la nouvelle lune, et considère que l’usage du calcul astronomique est réservé à une minorité de gens, étant donné le petit nombre des connaisseurs de ce calcul, en plus de la non-confiance en leurs dires et leurs calculs et de la lenteur de la transmission des informations d’une région à une autre si le début du mois a pu être vérifié dans l’une d’elles. Mon avis, par contre, il implique l’adoption du calcul astronomique précis et fiable d’une manière générale, l’application de ceci à tout le monde étant donné la rapidité de la transmission et de la diffusion des informations de nos jours. Se fier à la constatation visuelle concernera alors qu’une minorité, parmi ceux auxquels les nouvelles ne parviennent pas et qui n’ont pas une connaissance fiable de l’astronomie et des phases du soleil et de la lune.

Mon avis me parait être le plus juste et le plus proche du droit musulman « fiqh » sain et de la compréhension authentique des hadiths rapportés à ce sujet »

Dhoul-hijja 1357H/ 1939
Par sheikh Ahmed Shakir – Traduit par Moncef Zenati


[1] – A noter que cheikh Ahmed Chakir dit ceci en 1939, les moyens de communication n’étaient pas encore développés

10 Comments

  1. Pourquoi dites-vous que les Arabes ne savaient ni lire ni écrire avant l’avènement de l’Islam?
    Si c’était le cas, comment se fait-il alors qu’à Hodeibia, un compagnon du Prophète a rédigé le parchemin du « solh »?
    Par ailleurs comment est-ce que ces mêmes compagnons ont réussi à écrire le saint Coran?
    Enfin, pourquoi les premies prisonniers faits par les Musulmans ont-ils été obligés d’apprendre à lire et à écrire à 10 Musulmans pour gagner leur liberté, sachant que ces prisonniers étaient Arabes de la Mecque?

  2. Waliyoullah Reply

    S’appuyer sur les prouesses de la science pour parfaire son adoration est loin de ce qu’on appelle hérésie. Faisons un effort pour bien connaitre l’hérésie. Que Dieu renforce le Havre du savoir et renforce ses animateurs, ses partenaire-donatuers et surtout ses initiateurs.

  3. salam
    il y a un moyen d’allier la sunna (observer la nouvelle lune à l’oeil nu) et les calculs astronomiques, à voir dans le site moonsighting com que voici : http://moonsighting.com/

  4. Merci pour votre site et vos articles très intéressants. Grâce à vous je comprend mieux l’intérêt du calcul astronomique. Le savoir est la nourriture de l’âme.

  5. J’ai du mal à comprendre.
    Toute l’année vous n’observez pas la Lune à l’oeil nu. Toute l’année vous faites vos prières selon un calendrier qui repose sur le calcul astronomique.
    Mais pour déterminer le début de Ramadan là vous retournez en mode #bedouin.
    Bravo la oumma !!!

  6. Salam Aleykoum barackAllahoufik pour cette explication. c’était triste l’année entre les adeptes de la « sounna », qui constate à l’oeil nu la pleine lune et les innovateurs, qui ont recours aux calculs astronomiques,(je suis ironique bien-sur, il faut être sur que la constation visuel soit une sounna ou un moyen d’atteindre. Un bel éclaircissement dans cette confusion qui dessert à tous les musulmans au final.

  7. Ibn Hubert Reply

    une dernière chose

    si tu es contre le calcul astronomique
    enlève ton calendrier d’horaires de prière de ton mur et regarde dehors pour déterminer les horaires de salat
    je te souhaite bonne chance les jours ou le ciel est orageux…

  8. Ibn Hubert Reply

    triste et alarmant sont les commentaires que je vois.
    MAIGA tu es de ceux qui ne comprennent pas l’Islam dans sont intégralité…
    L’islam n’est pas contextuelle mais intemporelle.
    certes les compagnons (que Allah les agrés) savaient calculer mais on parle de calculs scientifique basé sur l’astronomie qui est une sciences à part entière…
    il faut plutôt s’interroger sur le but du calcul astronomique? pratiquer notre religion au plus proche des enseignements du Coran et de la Sunna et donc éviter de jeûner des jours interdits ou fêter l’Aid alors que c’est pas le moment…
    MAIGA sais tu ce qu’est un hadith contextuel, Dâ if ou Moutawatir?
    apprends de ta religion avant de laisser parler tes émotions, soit rationnel dans tes propos

  9. Craignez Dieu Ne modifier pas la religion de Dieu Exalté même au temps du Prophète Paix et salut sur lui les gens savaient écrire(les compagnons écrivaient certains versets du Coran sur des pierres et omoplates des animaux) et calculer mais n’ont pas fait recours a cette stratégie et se référent sur le croissant lunaire seulement .L’islam reste intacte et n’évolue pas dans le temps ni dans l’espace car elle a été déjà parachevée par Dieu et son Prophète Paix et salut sur lui.

  10. Un grand merci à Moncef Zenati et Havre De Savoir de nous avoir traduit cet avis juridique.
    À quelques semaines du Ramadan, il est très important d’aborder le sujet pour éviter les divisions de l’année dernière.

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