Comprendre l'Islam

La réfutation des hadiths authentiques

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A l’opposé de ceux qui ont inventé des hadiths mensongers et de ceux qui se réfèrent aux hadiths incertains, d’autres ont réfuté des hadiths dont l’authenticité est formellement établie.

Les premiers ont introduit à la Sunna ce qui ne lui appartient pas, alors que les seconds ont exclu de la Sunna ce qui en fait partie.

Ceux qui réfutent les hadiths authentiques forment plusieurs courants et tendances. Leur point commun est le suivant : la réfutation des hadiths, dont l’authenticité est formellement établie, pour des raisons qui habitent l’esprit de la personne qu’elle considère comme des vérités alors qu’il s’agit de simples conjectures qui ne tiennent pas face à la critique scientifique.

L’histoire de la pensée musulmane a connu un certain nombre de ces groupes, mais les savants de l’orthodoxie sunnite leur ont répondu. Notre époque connaît également des groupes et des individus de ce genre qui réfutent des hadiths authentique pour diverses raisons.

Réfutation des hadiths authentiques sous prétexte qu’ils contredisent le Coran

Certains réfutent des hadiths authentiques parce qu’à leurs yeux, ils contrediraient le Coran. Or, ce qui contredit le Coran est caduc.

Certes, ce qui contredit le Coran est caduc, sauf que ce qu’ils imaginent contredire le Coran ne le contredit pas vraiment.

Par exemple, les mou’tazilites réfutèrent la notion d’intercession « shafa’a » en faveur des coupables de grands péchés, sous prétexte qu’elle contredit les versets coraniques niant l’intercession. Alors qu’en réalité, le Coran rejette l’intercession polythéiste que les idolâtres attribuaient à leurs idoles ou encore l’intercession en faveur des polythéistes. De la même façon que le Coran a rejeté cette intercession, il a établi une autre intercession aux monothéistes : « Et ils n’intercèdent qu’en faveur de ceux qu’Il a agréés »[1], et après Sa permission : « Qui peut intercéder auprès de Lui sans Sa permission ? »[2].

De nos jours, certains réfutent les signes précurseurs de la fin des temps sous prétexte qu’ils contrediraient le verset : « Elle ne viendra à vous que soudainement »[3]. Mais, comme l’évoque cheikh Mohamed Taher Ben ‘Ashour[4], cette phrase vient compléter la réponse à la question concernant l’Heure : « quand arrivera-t-elle ? ». Le fait qu’elle ne viendra que soudainement confirme que Seul Dieu en connaît le moment précis, mais les signes évoqués, notamment dans le hadith de l’Ange Gabriel, ne contredisent pas le fait qu’elle n’arrivera que soudainement car ces signes s’étendent dans le temps et ne permettent pas de la déterminer d’une manière précise. Elle viendra certes soudainement, mais après l’accomplissent de ses signes.

La règle en matière de textes contradictoires (en apparence) est de chercher à les concilier (jam’). Si une conciliation est possible, il est interdit de réfuter l’un des deux textes, car la règle stipule que : l’application des deux textes prime sur l’abandon de l’un des deux.

Réfutation des hadiths authentiques sous prétexte qu’ils contredisent la raison

Certains réfutent des hadiths authentiques sous prétexte qu’ils contrediraient la raison, leur raison, ou parce que le raisonnement rationnel contemporain ne pourrait les admettre.

C’est pour cette raison que ces soi-disant rationalistes réfutent les hadiths évoquant les miracles matériels du Prophète (saws) tels que la multiplication du repas, le jaillissement de l’eau d’entre ses doigts, les gémissements du tronc de l’arbre à son égard, le chameau qui s’est plaint à lui, la tombée de la pluie suite à son invocation, les pierres qui le saluaient … Alors que tous ces hadiths sont rapportés dans les recueils les plus authentiques selon des chaînes des plus fiables, atteignant le degré du notoire « moutawtir »[5], par lequel on a établi la générosité de Hatim at-Ta-y, l’esprit chevaleresque de ‘Antara, la justice de ‘Omar, le courage de ‘Ali, la perspicacité d’Abou Hanifa et de Malik … autant de choses que nul ne pourrait remettre en cause.

Ash-Shatibi dit à leur sujet : « Ils ont suivi leurs passions. Ils n’ont donc pas pris les preuves juridiques comme références indispensables. Au contraire, ils ont mis en avant leurs passions et se sont référés à leurs avis personnels. Puis, ils ont regardé les preuves juridiques à travers le prisme de leurs passions. La plupart d’eux sont les rationalistes, ceux qui ont un penchant pour la philosophie et autres. Ils ont réfuté de nombreux hadiths authentiques par leur raison. Ils ont sous-estimé ce qui a été rapporté du Prophète (saws) d’une manière authentique, et surestiment leurs avis corrompus au point de réfuter beaucoup de choses relevant de l’au-delà comme le pont, la balance, la résurrection des corps, les délices et les supplices physiques. Ils ont nié la vision de Dieu et autres. Ils ont fait de la raison le législateur, que le texte juridique existe ou pas, et s’il existe, il ne fait qu’exprimer l’exigence de la raison … et autres aberrations »[6].

Pour eux tous les miracles sont explicables scientifiquement, et s’ils ne le sont pas, le texte est à rejeter car il contredit la raison. Ils comprennent les choses uniquement selon la loi de causalité, mais oublient que Celui qui a lié l’effet à la cause est capable de défaire ce lien lorsqu’Il le veut. D’ailleurs le Coran a mentionné certains miracles dont le voyage nocturne[7] et la fente de la lune[8].

La réfutation des hadiths authentiques est aussi grave que l’acceptation des hadiths forgés

Sheikh Youssef al-Qaradawi dit à ce sujet : « Si l’acceptation des hadiths forgés et infondés en l’imputant au Messager de Dieu (saws) est une erreur, une confusion et un danger, il en est de même pour la réfutation de hadiths dont l’authenticité est formellement établie, par pure passion, à cause d’un ego surdimensionné, parce qu’on croit savoir mieux que Dieu et Son Messager (saws), et en sous-estimant la communauté ainsi que ses savants et ses imams appartenant à la meilleure de ses générations. Jadis, les gens ordinaires de la communauté acceptaient les hadiths incertains et mensongers… Aujourd’hui, les gens ordinaires de la communauté réfutent les hadiths authentiques sans connaissance et sans fondement. Je n’entends pas par les gens ordinaires de la communauté, le commun des musulmans dénués de sciences, ceux-là ne se mêlent pas de ce qu’ils ne maîtrisent pas. Je vise plutôt ces arrogants et prétentieux qui ne sont pas entrés dans les demeures par leurs portes, qui n’ont pas puisé la science de ses sources, et qui n’ont connu que les écorces de la science qu’ils ont happées à partir des sources secondaires ou des orientalistes.

L’important est de dire ici que la réfutation des hadiths authentiques est aussi grave que l’acceptation des hadiths irrecevables. En effet, accepter des hadiths mensongers fait introduire dans la religion ce qui n’en fait pas partie. Mais réfuter les hadiths authentiques, exclue de la religion ce qui en fait partie. Les deux attitudes sont inacceptables et condamnables : l’acceptation du mensonge et la réfutation de la vérité »[9].

Moncef ZENATI

[1] – Coran: 21, 28
[2] – Coran : 2, 255
[3] – Coran : 7, 187
[4]at-tahrir wat-tanwir de cheikh Mohamed Taher Ben ‘Ashour, 9/204
[5]al-marja’iyya al-‘oulya fil-islam de Dr. Youssef al-Qaradawi, p 139 – 140
[6]al-istisam d’ash-Shatibi, 2/176 d’après al-marja’iyya al-‘oulya fil-islam de Dr. Youssef al-Qaradawi, p 134
[7] – Coran 17, 1 et 53, 13 – 18
[8] – Coran 54, 1 – 2
[9]kayfa nata’mal ma’as-sunna de sheikh Youssef al-Qaradawi, p 49

2 Comments

  1. Pingback: 5 Hadiths sur le jeûne de Achoura - Havre De Savoir

  2. Frère bien joué, tu m’as percé à jour, aussi tu m’as ouvert les yeux. Merci beaucoup. Je pensais que tout était expliqué par la science mais je crois maintenant qu’elle n’est qu’une des nombreuses créations de Dieu.

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