Comprendre l'Islam

La religion c’est le bon conseil : « An-naçiha »

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D’après Tamim ad-Dari (ra), le Prophète (saws) dit : « La religion, c’est le bon conseil « an-naçiha » Nous dîmes : « Envers qui ? » Il dit : « Envers Dieu, Son Livre, Son Messager, les dirigeants des musulmans et l’ensemble de la communauté musulmane » » (rapporté par Mouslim)

Ce hadith est un hadith succinct et hautement éloquent. Il est l’un des hadiths sur lequel est fondé l’islam.

At-Tabarani rapporte d’après Houdhayfa ibn al-Yaman (ra) que le Prophète (saws) dit : « Quiconque ne porte pas d’intérêt à la situation des musulmans n’est pas de leur nombre, et quiconque n’est pas de bon conseil, matin et soir, pour Dieu, Son Messager, Son Livre, leurs dirigeants et l’ensemble des musulmans n’est pas de leur nombre ».

L’imam Ahmed rapporte d’après Abou Oumama que le Prophète (saws) dit : « Dieu dit : « La chose la plus aimée de Moi à travers laquelle Mon serviteur M’adore est le bon conseil en vue d’obtenir Ma satisfaction » ».

La religion, c’est « an-naçiha » 

Cela signifie que « an-naçiha » constitue le pilier le plus important de la religion, à l’instar des hadiths « Le Pèlerinage, c’est ‘Arafat » et « Le regret, c’est le repentir » qui signifie que la présence à ‘Arafat constitue le pilier le plus important du Pèlerinage et que le regret est l’élément le plus essentiel au repentir.

Qu’est-ce que « an-naçiha » ?

Le terme arabe « an-naçiha » signifie littéralement la sincérité. Le contraire de « an-naçiha »  est « al-ghish » qui signifie la tromperie. Ainsi, l’homme est soit sincère soit trompeur. On entend par le terme « an-naçiha », le fait de vouloir le bien pour la personne à qui on donne un conseil. Ainsi, le Prophète (saws) veut que les rapports entre les humains soient basés sur le bon conseil, la sincérité et la pureté et non pas sur la tromperie, la traîtrise ou le mensonge.

A qui est adressée « an-naçiha » ?
      1 – « an-naçiha » pour Dieu

« an-naçiha » est ici au sens littéral, à savoir, la sincérité. Ainsi, « an-naçiha » pour Dieu consiste à ce que la relation entre l’homme et son seigneur soit basée sur la sincérité et non pas sur la tromperie et l’ostentation. Faire preuve de « na-çiha » vis-à-vis de Dieu revient à se tenir à ses ordres, s’interdire ce qu’Il déclare illicite et respecter Ses Lois. C’est également une foi saine en ce qui concerne Son unicité et une intention sincère dans Son adoration et dans toute action.

Quant à ceux qui agissent par pure ostentation, et n’accomplissent aucune action à moins que les gens ne les voient ou les entendent, qui, lorsqu’ils s’isolent n’accomplissent aucune œuvre de bien, mais au contraire en profitent pour commettre des péchés, ceux-là, sont comparables aux hypocrites à propos desquels Dieu dit : « Et lorsqu’ils se lèvent pour la Salat, ils se lèvent avec paresse et par ostentation envers les gens. A peine invoquent-ils Dieu » (les femmes : 142).

Un homme dit au Prophète (saws) : « À quoi appelles-tu ? » Il dit : « A Dieu et à l’entretien des liens de parenté » L’homme dit : « Parfois, l’un de mes cousins paternels vient me demander quelque chose, je jure alors de ne pas la lui donner, et je ne lui donne en effet rien » Le Prophète (saws) dit : « Acquitte-toi de l’acte expiatoire dû à la violation du serment, et fait ce qui est meilleur. Vois-tu si tu avais deux domestiques : l’un d’eux t‘obéit, ne te trompe pas et ne te ment pas, et l’autre te trompe et te ment, sont-ils égaux ? Lequel des deux t’es préférable : celui qui t’obéit et ne te ment pas, ou celui qui te trompe et te ment ? » Il dit : « Non ! Celui qui ne me trompe pas, ne me ment pas et me dit la vérité m’est préférable » Le Prophète (saws) dit : « C’est ainsi que vous êtes auprès de votre Seigneur, Exalté soit-Il »[1]

Al-Foudayl ibn ‘Iyad dit : « L’amour est meilleur que la peur. Ne vois-tu pas que si tu avais deux domestiques, l’un des deux t’aime et l’autre te craint. Celui qui t’aime te sera loyal que tu sois présent ou absent, par amour à ton égard. Quant à celui qui te craint, il te fera peut-être preuve de loyauté en ta présence, mais te trompera en ton absence et ne te sera pas loyal. »[2]

Les apôtres dirent à ‘Issa, que la Paix soit sur lui : « Quel est l’œuvre sincère parmi les œuvres ? » Il dit : « Ce que tu fais sans attendre les louanges des gens » Ils dirent : « En quoi consiste la sincérité à l’égard de Dieu ? » Il dit : « De commencer par le droit de Dieu avant le droit des hommes, et si deux choses se présentent à toi : l’une est pour Dieu, l’autre est pour ce bas-monde, alors, commence par ce qui relève du droit de Dieu »[3].

      2 – « an-naçiha pour le Messager de Dieu (saws)

Ce principe découle du premier principe. En effet, le Messager de Dieu (saws) représente la volonté divine. Ainsi, lorsqu’il ordonne ou interdit, il ne présente pas sa propre personne mais il représente Celui qui l’a envoyé : « et il ne prononce rien sous l’effet de la passion ; ce n’est rien d’autre qu’une révélation qu’il reçoit » (l’étoile : 3 – 4).  Il n’est donc pas étonnant que l’obéissance de ce Messager soit une obéissance à Dieu, que la conformité à ses enseignements est un signe prouvant l’amour de Dieu, et que le fait de lui prêter serment d’allégeance revient à prêter serment à Dieu. Dieu dit : « Quiconque obéit au Messager, obéit certainement à Dieu » (les femmes : 80), « Dis : « Si vous aimez vraiment Dieu, suivez-moi, Dieu vous aimera alors » » (la famille de ‘Imran : 31), « Ceux qui te prêtent serment d’allégeance ne font que prêter serment à Dieu » (la victoire éclatante : 10)

Faire preuve de « naçiha », et donc de sincérité, à l’égard du Messager de Dieu consiste à suivre sa Sunna, la revivifier et la diffuser. Cela consiste aussi à s’imprégner de sa morale et de ses bienséances. Faire preuve de sincérité envers le Messager de Dieu (saws) c’est également l’aimer ainsi que sa famille et ses compagnons et prendre sa défense.

      3 – « an-naçiha » pour le Livre de Dieu 

Faire preuve de « naçiha », et donc de sincérité, à l’égard du Livre de Dieu consiste à y croire fermement, à le vénérer, à le mettre en pratique, à se tenir à ses enseignements, à reconnaître ses lois et à s’imprégner de sa morale à l’instar du Messager de Dieu (saws). En effet, lorsque ‘Aïsha, que Dieu l’agrée, fut interrogée à propos de la morale du Prophète (saws), elle dit : « Sa morale était le Coran ». C’est-à-dire qu’il était une traduction de ce Coran, à travers ses dires, ses œuvres et son attitude. Le Messager de Dieu (saws) était tel un « moshaf » qui évoluait sur terre, un Coran vivant que les gens observaient de leurs yeux, un « moshaf » concrétisé dans la réalité et non pas de simples mots qu’on récite vides de tout esprit.

Faire preuve de sincérité à l’égard du Livre de Dieu consiste donc à y croire fermement, à le vénérer, à l’apprendre (ne serait-ce qu’une partie), à le réciter correctement, à le comprendre, à le mettre en pratique de la meilleure façon et y appeler avec intelligence.

      4 – « an-naçiha » pour les dirigeants des musulmans 

Le quatrième principe consiste à faire preuve de sincérité vis-à-vis des dirigeants, des présidents, des gouvernants, à la tête des musulmans. Faire preuve de sincérité à leur égard c’est leur promulguer des conseils, les orienter vers la bonne guidée et leur dire la vérité sans craindre, pour Dieu, le reproche de quiconque. Faire preuve de sincérité vis-à-vis des dirigeants consiste à les aider dans la vérité, leur obéir dans la vérité, leur rappeler la vérité, attirer leur attention d’une manière pacifique et implorer Dieu pour leur accorder la réussite.

 Le Prophète (saws) dit : « Dieu agrée pour vous trois choses : Il agrée que vous l’adorez sans rien Lui associer, que vous  vous accrochez tous au pacte de Dieu sans vous diviser et que vous promulguez de bons conseils à quiconque Dieu donne la direction de vos affaires » (rapporté par Mouslim)

Au cours de son sermon donné à Mina, le Prophète (saws) dit : « Trois choses mettent le cœur du musulman à l’abri de la tromperie : Vouer toute action exclusivement à Dieu, promulguer de bons conseils aux représentants de l’autorité et rester fermement attaché à la communauté musulmane » (rapporté par Ahmed et ad-Darami). Cela signifie que ces trois qualités assurent la bonté du cœur. Aussi, quiconque s’y attache aura par la même purifié son cœur de la tromperie et du mal.

 Dans une autre version, le Prophète (saws) dit : « Trois choses mettent le cœur du musulman à l’abri de la tromperie : Faire preuve de sincérité à l’égard de Dieu, de Son Messager, de Son Livre et de l’ensemble des musulmans » (rapporté par al-Bazzar)

Par ailleurs, ‘Omar ibn al-Khattab (ra) était un excellent modèle dans l’acceptation du conseil, il disait du haut de la chaire : « Que Dieu fasse miséricorde à quiconque m’offre mes défauts ». Il disait également : « Il n’y a nul bien en vous si vous ne me la dite pas (la vérité), et il n’y a aucun bien en nous, si nous ne l’écoutons pas ».

L’imam Ahmed dit : « Si j’avais une imploration exaucée je l’a réserverais au gouvernant, sa bonté rendra bons un grand nombre de gens ».

     5 –  « an-naçiha » à l’ensemble des musulmans 

Il s’agit de faire preuve de sincérité à l’égard de tout musulman sans jamais le tromper.

Faire preuve de sincérité vis-à-vis des musulmans consiste à aimer pour eux ce que tu aimes pour toi-même, ne pas aimer pour eux ce que tu n’aimes pas pour toi-même, faire preuve de compassion à leur égard, de miséricorde à l’égard de leurs plus jeunes, de respect à l’égard des plus âgés, et partager leur tristesse et leur joie.

Sois donc de bon conseil pour tout musulman car ceci fait partie des qualités des prophètes. En effet, les prophètes étaient de bon conseil à leurs peuples respectifs. Ainsi, Nouh dit à son peuple : « Je vous communique les messages de mon Seigneur, et je vous donne conseil sincère » (al-a’raf : 62). Houd dit à son peuple « ‘Ad » : « et je suis pour vous un conseiller digne de confiance » (al-a’raf : 68). Salih dit à Thamoud : « Je vous avais communiqué le message de mon Seigneur et vous avais conseillé sincèrement. Mais, vous n’aimez pas les conseillers sincères » (al-a’raf : 79).

Jarir ibn ‘Abdillah (ra) dit : « J’ai prêté serment d’allégeance au Prophète (saws) en m’engageant à accomplir la Prière, m’acquitter de la Zakat et conseiller tout musulman » (rapporté par al-Boukhari et Mouslim)

D’après Abou Hourayra (ra), le Prophète (saws) dit : « Les droits qu’a le croyant sur le croyant sont au nombre de six » Parmi ces six droits, il cita : « Lorsqu’il cherche conseil auprès de toi, conseille-le sincèrement » (rapporté par Mouslim)

Le Prophète (saws) dit : « Lorsque l’un de vous cherche conseil auprès de son frère, qu’il le conseille sincèrement » (rapporté par Ahmed)

Al-Hassan dit : « Parmi les compagnons, certains disaient : « Par celui qui détient mon âme dans sa main, si vous le voulez, je jurerais par Dieu que le plus aimé de Dieu parmi les serviteurs de Dieu sont ceux qui font aimer Dieu à ses serviteurs, font aimer les serviteurs de Dieu à Dieu et répandent le bon conseil sur terre »[4]

Abou Bakr al-Mouzani (m 108H) dit : « Abou Bakr (ra) n’a pas dépassé les compagnons du Messager de Dieu (saws) par le jeûne ni par la Prière, mais grâce à une chose qui se trouve dans son cœur » Ibn ‘Oulayya (m 193H) dit : « Ce qui se trouvait dans son cœur, c’est l’amour de Dieu et le bon conseil pour Ses créatures »[5]

Al-Foudayl ibn ‘Iyad dit : « Ceux qui, à nos yeux, ont atteint ce qu’ils ont atteint, ne l’ont pas atteint par l’abondance de la Prière et du jeûne, mais grâce à la générosité des âmes, à la pureté des cœurs et au bon conseil à la communauté »[6]

Ibn al-Moubarak fut interrogé : « Quelle est la meilleure des actions ? » Il dit : « Le conseil sincère »[7]

Ainsi, le musulman se doit de conseiller son frère en toute sincérité, même si le conseil risquerait de lui déplaire. Le bon conseiller n’est pas celui qui cherche à te plaire en te faisant entendre ce que tu aimes entendre. Le bon conseiller est celui qui te dit la vérité, qui te mène à Dieu, t’oriente vers le chemin du Paradis, t’aide à persister sur le chemin droit, même si, parfois, cela est susceptible de te gêner ou te déplaire.

Un savant entra un jour dans la cour d’un Emir. Il le conseilla avec dureté. L’un des courtisans lui dit alors : « Tu as été dur avec l’Emir ! » le savant dit alors : « Que je le conseille au point de le faire pleurer aujourd’hui pour qu’il rit demain auprès de Dieu, vaut mieux que de le faire rire aujourd’hui pour qu’il pleure demain auprès de Dieu ».

Deux conseils à respecter pour promulguer un conseil 

Premièrement : la douceur. La vérité est toujours dure à entendre et à accepter. La vérité est amère, il faut donc l’envelopper de douceur pour la faire accepter, tel un médicament dans lequel on dilue une substance sucrée pour le faire avaler au patient. Un homme entra chez le calife Haroun ar-Rashid et lui dit : « Je vais te donner des conseils, mais je serai dur avec toi alors fais preuve de patience ! » Le calife lui dit : « Je n’ai pas besoin que tu me conseilles ainsi, car Dieu a ordonné à des meilleurs que toi de conseiller pire que moi en leur disant : « parlez-lui avec douceur »! En effet, Dieu  ordonna à Moïse et à Aaron (que la paix de Dieu soient sur eux) qui sont meilleurs que l’homme venu conseiller le calife, d’aller parler à Pharaon qui est pire que le calife (le calife Haroun ar-Rashid dit ceci par modestie car il était un calife pieux et vertueux, loin d’être comparable à Pharaon) et leur ordonna de lui dire des paroles douces : « « Allez à Pharaon, il s’est vraiment rebellé. Puis, parlez-lui avec douceur. Peut-être se rappellera-t-il ou Me craindra-t-il ? » (20 : 43 – 44).

Deuxièmement : la discrétion. En conseillant une personne, il faut veiller à ne pas le faire en public, car il s’agit là de scandale et non plus de conseil. L’imam ash-Shafi’i dit : « Quiconque exhorte son frère secrètement, aura été sincère envers lui et l’aura orné, et quiconque l’exhorte publiquement, l’aura déshonoré et trahit ».

L’imam ash-Shafi’i dit également :
Prévois de me conseiller isolément, et épargne-moi le conseil en public,
Car le conseil devant les gens est une sorte de blâme que je n’accepterai d’entendre,
Si tu me contredis et me désobéis, alors ne te vexe pas si aucune docilité ne t’est accordée.

 

Moncef Zenati

 

 

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[1] – Rapporté par Ahmed
[2] –  jami’ al-‘ouloum wal-kikam d’Ibn Rajab al-Hanbali 1/219
[3] – Ibid 1/219
[4] – Ibid 1/224
[5] – Ibid 1/225
[6] – Ibid 1/225
[7] – Ibid 1/225

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