Connaître le Prophète (SAWS)

Le Prophète (saws) et les rapports inter-communautaires

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En parfait modèle, le Prophète, que la Paix et la Bénédiction de Dieu soient sur lui, a montré une immense tolérance à l’égard de ceux qui ont préféré ne pas répondre à son appel et rester fidèles à leur croyance. Ceci s’est clairement manifesté tout d’abord à la Mecque, où le Prophète, que la Paix et la Bénédiction de Dieu soient sur lui, et les musulmans constituaient une minorité religieuse dans une société non-musulmane, puis à Médine à la tête d’une société musulmane comprenant une minorité non-musulmane.

En effet, lors de sa préparation à l’émigration vers Médine, le Prophète, que la Paix et la Bénédiction de Dieu soient sur lui, chargea son jeune cousin ‘Ali ibn Abi Talib de rester à la Mecque, risquant sa vie, afin de remettre aux mecquois, alors non-musulmans, les dépôts que ces derniers lui confiaient en raison de la totale confiance qu’ils avaient à son égard. Rappelons que ces mêmes mecquois chassèrent les musulmans de chez eux et confisquèrent tous leurs biens, rien n’aurait été plus légitime que de s’accaparer ces dépôts en guise de dédommagement. Mais le Prophète, que la Paix et la Bénédiction de Dieu soient sur lui, le modèle de conduite pour les musulmans, se montra plus noble, plus juste et plus magnanime.

Il serait bon pour certains musulmans adeptes d’une lecture littéraliste et totalitariste des textes, de méditer cet exemple afin d’éviter d’édicter des « pseudos fatwas » permettant de disposer des biens des non-musulmans comme bon leur semble et d’offenser leur dignité.

La vie du Prophète, que la Paix et la Bénédiction de Dieu soient sur lui, à la Mecque fut pleine de participations engagées dans la vie sociale, en particulier lorsqu’il s’agissait de défendre des valeurs universelles.

En effet, il participa à l’alliance pour défendre le faible « hilf al-foudoul ». Un pacte contracté entre les principales tribus de la Mecque qui avait pour but de défendre toute personne victime d’une injustice. Bien que ce pacte eut lieu en période préislamique, le Prophète, que la Paix et la Bénédiction de Dieu soient sur lui, dit à son sujet : « Si j’étais invité à un tel pacte en période islamique, j’y  répondrais  favorablement »[1].

Cheikh Mohammed al-Ghazali commente cette position en disant : « Lutter pour la justice contre tout injuste aussi puissant qu’il soit, et défendre tout opprimé aussi faible qu’il soit, émanent de l’esprit même de l’islam qui commande le bien et interdit le mal… Le rôle de l’islam consiste à lutter contre l’injustice au sein des politiques des Etats ainsi que dans les relations entre les individus…»[2].

Un bédouin non-musulman vint demander au Prophète, que la Paix et la Bénédiction de Dieu soient sur lui, de l’accompagner chez Abou Jahl (l’ennemi déclaré du Prophète) afin de l’aider à restituer son droit. Le Prophète, que la Paix et la Bénédiction de Dieu soient sur lui, l’accompagna sans hésitation.

A son arrivée à Médine, Le Prophète, que la Paix et la Bénédiction de Dieu soient sur lui, y trouva des juifs et des polythéistes. Il ne pensa guère à élaborer une stratégie ou une politique d’expulsion, de réquisition ou de contrainte. Au contraire, il accepta leur présence de bon gré, proposant à tous les habitants de Médine, musulmans et non musulmans, une constitution garantissant à chacun la liberté religieuse, un pacte de citoyenneté qui garantit à tous une coexistence pacifique. Parmi les articles les plus importants de cette constitution, nous citons :

– Les juifs des Banou ‘Awf forment une communauté avec les Croyants.
– Aux juifs leur religion, et aux musulmans leur religion.
– Aux juifs des Banou an-Najjar, les mêmes droits qu’aux juifs des Banou ‘Awf.
– Aux juifs des Banou al-Harith, les mêmes droits qu’aux juifs des Banou ‘Awf.
– Aux juifs des Banou Sa’idah, les mêmes droits qu’aux juifs des Banou ‘Awf.
– Aux juifs des Banou Jucham, les mêmes droits qu’aux juifs des Banou ‘Awf.- Aux juifs des Banou al-Aws, les mêmes droits qu’aux juifs des Banou ‘Awf.
– Aux juifs des Banou Tha’labah, les mêmes droits qu’aux juifs des Banou ‘Awf.
– Les juifs et les musulmans se doivent soutien mutuel contre quiconque combattrait les gens adhérant à cet écrit (çahifa).
– Les deux parties se conseillent mutuellement, et leurs relations s’établiront sous le signe de la droiture, tout acte blâmable étant proscrit.
– Aucune partie ne fera préjudice à son allié.
– La partie subissant une injustice sera aidée.
– Musulmans et juifs s’entraident pour repousser quiconque attaquera Yathrib (Médine) ; chaque partie contribuera à la défense de la zone qui lui fait vis-à-vis.[3]

« Les juifs forment une communauté avec les Croyants, aux juifs leur religion et aux musulmans leur religion »; deux articles constitutionnels qui ont fait de l’Etat musulman fondé par le Prophète, que la Paix et la Bénédiction de Dieu soient sur lui, un Etat unique dans l’histoire des hommes, puisqu’il reconnaît et garantit deux principes qui n’ont jusque là, jamais existé dans aucun Etat régi par une religion, et qui n’existeront que des siècles plus tard au sein d’Etats laïques: La liberté religieuse et la citoyenneté égalitaire.

Dans son livre « The World’s Religions », Huston Smith dit au sujet de ce pacte : « Le Prophète (Muhammad) avait établi un document qui stipulait entre autres : les juifs et les chrétiens seront protégés de toutes insultes ou vexations, ils auront les mêmes droits que les musulmans à notre protection et services, en plus, ils pratiqueront leur religion aussi librement que les musulmans. »[4].

A propos de cette constitution, Marcel Boisard dit : « Le traité que Mohammed passa lors de son arrivée à Médine, avec les douze tribus arabes et les dix juives de la ville, est du plus haut intérêt. Il a pu être considéré comme « la première constitution écrite du monde »… Les juifs et les infidèles de Médine furent acceptés à condition de cesser tous rapports avec les ennemis de l’Islam. Les juifs purent conserver leur religion et bénéficier de droits individuels égaux à ceux des musulmans. Ils avaient accepté l’autorité de Mohammed qui détenait le commandement militaire exclusif et pouvait juger de leurs différends en dernière instance, sur la base de la législation biblique… En termes modernes, ils étaient autonomes sur le plan interne »[5].

L’apport humaniste du Prophète, que la Paix et la Bénédiction de Dieu soient sur lui, à la société mecquoise, ne s’est pas limité à la période mecquoise, mais s’est étendue à la période médinoise. En effet, dès qu’il apprit qu’une disette frappa les mecquois, il dépêcha Hatib ibn Tha’labah à destination de la Mecque avec une somme de 500 dinars pour venir au secours des nécessiteux et des affamés, alors que les mecquois lui interdisaient, ainsi qu’aux musulmans, la visite de la ville sainte et tout rite de pèlerinage dans ses environs[6].

Cette attitude humanitaire est inspirée des enseignements coraniques. Dieu dit : « et ils nourrissent l’indigent, l’orphelin et le captif, malgré leur propre dénuement, en disant : « Nous vous nourrissons uniquement pour l’amour de Dieu, sans attendre de vous ni récompense ni remerciement » »[7]. Au moment de la révélation de ce verset, le captif à l’égard duquel Dieu appelle à agir avec compassion ne pouvait être, alors, que non-musulman.

Cette action humanitaire mit fin aux interrogations suscitées par certains musulmans sceptiques au sujet de la légalité de subvenir aux besoins matériels de leurs familles et voisins non-musulmans. Le Coran confirme ceci en disant : « Il ne t’incombe pas de guider les hommes vers le droit chemin. C’est à Allah Seul qu’il appartient de guider qui Il veut dans Sa voie. Tout ce que vous dépensez en aumône le sera à votre seul profit, puisque vous ne le faites qu’en vue de plaire à Dieu ; et tout le bien que vous faites-vous sera largement rétribué et vous ne serez nullement lésés »[8].

Le Prophète, que la Paix et la Bénédiction de Dieu soient sur lui, accorda aux non-musulmans qui vivaient au sein de la société musulmane, une attention particulière. Il se porta, en effet, garant de leur sécurité et de leurs droits. Il dit : « Celui qui opprime un « mou’ahid » (bénéficiaire du pacte) ou lèse son droit ou lui impose une tâche au-dessus de ses forces, ou lui extorque quelque chose, je serai son adversaire le jour de la résurrection »[9], « Celui qui nuit à un « dhimmi »[10], je serai son adversaire, et quiconque m’aura comme adversaire, je triompherai de lui le jour de la résurrection »[11], « Celui qui nuit à un « dhimmi » me nuit, et quiconque me nuit, nuit à Dieu »[12].

Ibn Ishaq rapporte qu’une délégation chrétienne de « Najran » vint voir le Prophète, que la Paix et la Bénédiction de Dieu soient sur lui, à Médine. Ils entrèrent dans sa mosquée après la Prière du ‘Asr. Lorsque arriva l’heure de leur prière, ils se levèrent pour prier dans la mosquée du Prophète,  que la Paix et la Bénédiction de Dieu soient sur lui, ce qui poussa les musulmans à vouloir les en empêcher. Le Prophète, que la Paix et la Bénédiction de Dieu soient sur lui, dit alors : « laissez-les ! ». Ils se dirigèrent, alors, vers l’orient et prièrent.

Après avoir cité ce récit, Ibn al-Qayyim[13] en déduit : « l’autorisation pour les gens du Livre d’entrer dans les mosquées et d’y accomplir leur prière occasionnellement, même en présence de musulmans »[14].

Le Prophète, que la Paix et la Bénédiction de Dieu soient sur lui, conclut avec les Najranites un accord en vertu duquel ils étaient considérés comme des citoyens de l’Etat musulman. Les clauses de l’accord stipulaient que « les chrétiens de Najrane sont sous la protection de Dieu et de Mohammad le Prophète, qui s’étend à leurs personnes, leur religion, leur terre, leurs propriétés, leurs absents, leurs présents, leur clan et ceux qui les suivent. Ils ne changeront pas d’attitude et rien ne sera changé de leurs droits et de leur religion. Aucun évêque ne sera déplacé de son siège épiscopal, ni aucun moine de son monastère. Rien ne sera touché se trouvant en leur possession. Aucun intérêt aux emprunts ne pèsera sur eux, ni le sang d’aucune vengeance antérieure datant de l’époque du paganisme Ils sont dispensés du djihad et de la zakat. Aucune armée ne foulera leur terre.

Quiconque d’eux revendique un droit, la justice sera rendue équitablement, ils ne commettront ni subiront de préjudice. Je me désavoue de quiconque d’eux mangera le produit de l’usure. Aucun d’eux ne sera puni pour l’injustice commise par un autre.

En vertu de ce document, la protection de Dieu et de Mohammad, le Messager de Dieu, continuera jusqu’à nouvelle disposition de Dieu, tant qu’ils se montreront corrects et honoreront leur engagement, sans subir aucune injustice ».

A propos de cet accord, Marcel Boisard dit : « En 630, Mohammed passa une dernière convention avec les chrétiens de Najran. Celle-ci devait être considérée par les juristes musulmans comme l’exemple des dispositions applicables aux populations soumises. Lors de la visite d’une délégation, le Prophète émit un décret  portant engagement de protéger la population de la ville et des alentours, de garantir leurs personnes et leurs biens, et leur assurant la liberté de rester fidèles à leur croyance et à leur culte, tout en acceptant de reconnaître une sorte de suzeraineté politique de l’Islam. En contrepartie, les personnes ainsi protégées, acceptaient de livrer une certaine quantité d’habits dont la valeur fut fixée, de fournir en prêt des cuirasses, des lances, des chameaux et des chevaux si les troupes musulmanes devaient partir en expéditions militaires au Yémen, et de donner hospitalité aux envoyés du Prophète pour une durée d’un mois. La protection et la garantie s’étendaient à l’ensemble de la population, alors que la responsabilité des violations demeurait individuelle, aucune personne protégée ne pouvant être punie pour la faute d’un autre.

D’un point de vue strictement légal, la population de Najran ne perdait pratiquement aucun de ses droits, si ce n’est l’interdiction frappant l’usure. Des dispositions particulières empêchaient l’immixtion du pouvoir musulman dans l’appareil ecclésiastique chrétien, interdisant l’humiliation des personnes protégées et toute forme d’oppression. Cette convention devint l’ « Edit de Mohammed concernant les chrétiens », puis l’ « Edit de Mohammed concernant tous les hommes ». Le fait que la tradition musulmane l’ait admise comme véridique et que la jurisprudence l’ait consignée comme telle, en fit la source primordiale du droit concernant le statut des non-musulmans résidant en terre d’Islam. Ces prescriptions légales revêtiront rapidement un caractère inspiré et permanent. Les traités conclus ultérieurement par les khalifes ne seront souvent qu’une répétition de l’accord passé entre Mohammed et les Najranites »[15].

Abou ’Oubeyd relate dans son ouvrage « Al-amwal » d’après Sa’id ibn al-Mousayyab que le Messager de Dieu, que la Paix et la Bénédiction de Dieu soient sur lui, fit une aumône à une famille juive qu’elle continua à percevoir[16].

Al-Boukhari rapporte que lorsque le Prophète, que la Paix et la Bénédiction de Dieu soient sur lui, décéda, son bouclier fut hypothéqué chez un juif, en garantie d’une dette. Le Prophète, que la Paix et la Bénédiction de Dieu soient sur lui, aurait pu emprunter de l’argent à ses compagnons, qui ne lui auraient rien refusé. Mais, il voulait, par ceci, donner l’exemple à sa communauté.

Par ailleurs, le Prophète, que la Paix et la Bénédiction de Dieu soient sur lui, acceptait les présents offerts par des non-musulmans.

Un jour, voyant un convoi funèbre passer devant lui, le Prophète, que la Paix et la Bénédiction de Dieu soient sur lui, se leva en signe de respect. On lui dit alors : « Ce sont les funérailles d’un juif ! ». Il répondit : « Ne s’agit-il pas d’une âme humaine ! »[17].

Tous ces exemples et bien d’autres témoignent de la noblesse de caractère du Prophète de l’islam, que la Paix et la Bénédiction de Dieu soient sur lui, de la grandeur et de l’humanisme  de cet homme. Ces nobles caractères ont suscité auprès d’un bon nombre de savants non-musulmans respect, fascination et admiration. Annie Besant[18] dit dans son ouvrage The life and Teachings of Muhammad (la vie et les enseignements de Muhammad): « Quiconque ayant étudié la vie de la personnalité du grand prophète d’Arabie, connaissant son enseignement et sa manière de vivre, ne peut que ressentir de la vénération pour cet éminent prophète, l’un des grands messagers de Dieu. Quoique insignifiants que puissent être  mes dires pour un lecteur familiarisé aux paroles du prophète, chaque fois que je les relis, je ressens une admiration et une vénération nouvelles pour cet incommensurable maître arabe»[19].

Moncef Zenati

[1] – « fiqhous-sira » de Mohammed al-Ghazali p 72
[2] – référence précédente p 73
[3] – voir « Muhammad, l’ultime joyau de la prophétie » de al-Mubarakfuri p 270-271, « Le Prophète de l’islam: sa vie, son œuvre » de Muhammad Hamidullah, et « at-tarikh al-islami » de ‘Imad ad-Din Khalil.
[4] – Huston Smith –  “The World’s Religions” – Ed. Harper Collins, 1991, p.256
[5] – Marcel A. Boisard, l’Humanisme de l’Islam, p 145-146
[6] – rapporté par Mohammed ibn al-Hassan : « ghayroul-mouslimin fil-moudjtama’il-islami » de Dr. Youssef al-Qaradawi p 47
[7] – Coran s 76 v 11

ويطعمون الطعام على حبه مسكينا ويتيما وأسيرا، إنما نطعمكم لوجه الله لا نريد منكم جزاء ولا شكورا
[8] – Coran s 2 v 272

ليس عليك هداهم ولكن الله يهدي من يشاء، وما تنفقوا من خير فلأنفسكم، وما تنفقون إلا ابتغاء وجه الله
[9] – rapporté par Abou Daoud et al-Bayhaqi

من ظلم معاهدا أو انتقصه حقا، أو كلفه فوق طاقته، أو أخذ منه شيئا بغير طيب نفس، فأنا حجيجه يوم القيامة
[10] – le mot arabe « dhimma » signifie « responsabilité ». « Dhimmi » signifie toute personne sous la responsabilité de l’état musulman ou encore toute personne non-musulmane vivant au sein de la société musulmane jouissant du droit de protection de l’état musulman. Le terme « dhimmi » était connu chez les arabes avant l’avènement de l’islam, mais c’est l’islam qui lui a donné la dimension axiologique. Rien n’empêche de substituer cette terminologie par une autre comme par la notion de « citoyenneté », à l’instar de ‘Omar ibn al-Khattab qui accepta de certains chrétiens « al-jizya » (taxe de compensation) sous le nom de la « zakat ».
[11] – rapporté par al-Khatib

من آذى ذميا فأنا خصمه، ومن كنت خصمه خصمته يوم القيامة
[12] – rapporté par at-Tabarani

من آذى ذميا فقد آذاني، ومن آذاني فقد آذى الله
[13] – né en 691H décédé en 751H
[14] – « zedoul-ma’ad » de Ibn al-Qayyim tome III p 638
[15] – Marcel A. Boisard, l’Humanisme de l’Islam, p 180
[16] – « ghayroul-mouslimin fil-moudjtama’il-islami » de Dr. Youssef al-Qaradawi p 48
[17] – rapporté par al-Boukhari

مرت جنازة فقام لها صلى الله عليه وسلم واقفا، فقيل له: إنها جنازة يهودي، فقال: أليست نفسا؟
[18] – historienne anglaise (1847- 1933)
[19] – Annie Besant, The Life and Teachings of Muhammad. Madras, 1932, p. 4

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