Spiritualité

Renouveler sa vie

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    Il arrive bien des fois que l’individu, cherchant à entamer une page nouvelle dans son existence, associe ce renouveau escompté à quelque conjoncture de la vie telle une amélioration de sa situation de son statut… à une date déterminée ou bien une fête quelconque (anniversaire, nouvel an), etc. En atermoyant de la sorte, il a l’impression que l’avènement de cette échéance lui apportera force et vigueur, pour transformer son apathie et son désespoir en vivacité, en espérance.

    C’est là une chimère. C’est que le renouveau de  la vie provient avant tout du fond de l’âme. L’homme qui aborde la vie avec détermination et clairvoyance, loin de se résigner à aller au gré des circonstances, si cruelles fussent-elles, se propose plutôt d’en tirer le meilleur parti, en affirmant sa personnalité.

    Ainsi en est-il de la graine des fleurs: ensevelie sous les  marécages, elle se fraie une voie vers la surface, vers la lumière du soleil, qu’elle accueille en exhalant des senteurs suaves. Défiant la vase infecte et l’eau impure, elle les mue en une couleur éblouissante, en une odeur agréable. Il en est de même de l’homme qui, maître de lui-même et de son temps, maintient sa liberté de mouvement et son pouvoir d’action vis-a-vis de toute adversité, sans avoir à attendre une quelconque assistance extérieure.

   Reconstruire sa vie, l’homme peut y parvenir pour peu qu’il sache investir sa force potentielle et ses facultés latentes ainsi que les chances offertes, si infimes soient-elles.

   De fait, attendre passivement n’est point de mise. Si le temps peut aider et favoriser ceux qui peinent sur la voie de la vérité, il ne saurait, à lui seul, mettre un invalide en état de marcher ou de courir.

   Ne rends point ta vie tributaire d’un vœu suspendu à l’inconnu; tergiverser ne te sera d’aucun bénéfice.

   En effet, ton présent le plus immédiat, ton âme et ton être dont ton corps est le siège, les circonstances agréables ou désagréables qui t’entourent, tels sont les seuls ressorts qui conditionnent ton avenir. A quoi bon hésiter ou attendre? A ce propos, le Prophète (صلى الله عليه وسلم) affirme: «La nuit, Dieu tend la main au pécheur du jour pour qu’il se repente; le jour, c’est au pécheur de la nuit qu’ll tend la main».

    En outre, tarder à réaliser un acte susceptible d’apporter renouveau à sa vie et d’améliorer sa situation, c’est s’obstiner bel et bien à faire perdurer sa résignation et sa vulnérabilité face au vice et autres passions. Plus grave encore, avec une telle attitude, on pourrait dégénérer et s’avilir davantage; c’est alors la calamité.

   Le Prophète (صلى الله عليه وسلم)  déclare à ce titre: «Si le repenti attend de Dieu la clémence, le prétentieux ne saurait attendre autre chose que le rejet. Sachez, ô serviteurs de Dieu, que tout un chacun doit répondre de ces actes et ne quitter la vie qu’après avoir constaté ce qu’il a fait de bon ou de mauvais. En fait, tout œuvre est à juger qu’après son dénouement et son résultat» ; «La nuit et le jour sont autant de monture pour le voyage à l’au-delà: veillez donc à en faire bon usage» ;  Évitez d’atermoyer, car le trépas survient subitement» ; Ne vous fiez  pas trop à l’indulgence de Dieu le Très Haut. De tout homme, le Paradis autant que l’Enfer sont on ne peut plus proches. Et le Prophète (صلى الله عليه وسلم) de réciter le verset coranique suivant: «Quiconque fait un bien du poids d’un atome le verra, et quiconque fait un mal du poids d’un atome le verra».(99, 7-8)

   Qu’il est bon de se réorganiser de temps en temps, de porter sur sa propre personne un regard critique à même d’en déceler les tares et les faiblesses, et, du coup, de tracer des stratégies à court et à long terme pour venir bout de ces imperfections dégradantes.

   Personnellement, je m’impose, à intervalles réguliers, la tâche de mettre de l’ordre dans mon bureau: les fiches volantes, dossiers épars, feuilles désormais inutiles, tout doit être rangé en due forme…

   De même il n’est point étonnant qu’une maison, après une journée de pleine activité, voit  ses pièces et ses moindres recoins plongés dans le désordre aussi a-t-elle droit à des mains laborieuses qui apportent propreté et restituent l’ordre initial.

   L’existence de l’homme ne mériterait-elle pas un effort pareil? Ta personne ne serait-elle pas digne d’être de temps en temps entourée de sollicitude? Ne devrais tu pas te pencher sur elle pour la débarrasser de ses souillures, d’un éventuel désarroi…?

   L’âme n’a-t-elle pas droit, à chaque étape de la vie, à une remise en question des succès obtenus ainsi que des revers essuyés? Ne mérite-t-elle pas de retrouver son aplomb chaque fois qu’elle se voit secouée par une crise, ou ébranlée par ce combat acharné qui se livre dans ce monde si mouvementé?

   De toutes les créatures, l’homme est celle qui a le plus besoin d’explorer les moindres recoins de son âme ainsi que de prendre soin de sa vie privée comme de sa vie publique, de manière les préserver de toute nuisance.

   C’est que l’existence affective et intellectuelle de l’homme maintient rarement sa solidité et sa stabilité dès lors que celui-ci est exposé aux plaisirs et aux attraits du vice. Abandonné à son sort face ces facteurs pernicieux, il leur succombe immanquablement. C’est là la débandade, le désarroi et la confusion sur les plans affectifs et intellectuels; une anarchie qui rappelle des perles de collier éparpillées tous azimuts… Tel est le cas de «celui dont nous avons rendu le cœur  inattentif à Notre Rappel, et qui poursuit sa passion, et qui est outrancier en son commandement». (18, 28)

   Dépourvue d’un ordre qui en assurerait le fonctionnement harmonieux et en canaliserait l’énergie, l’âme humaine devient, dans ses pensées comme dans ses sentiments, semblable à ces perles dispersées, aussi inertes qu’inutiles. D’où  la nécessité de s’employer constamment à soumettre sont âme à une discipline et un contrôle rigoureux.

   Dieu Le Très-Haut exhorte les humains à reconsidérer leur existence chaque jour naissant. De fait, après le sommeil réparateur qui clôt une journée laborieuse, et au moment précis où les hommes se disposent à affronter le jour naissant, l’on peut se demander: Quels obstacles ont entravé la marche de l’univers? Dans quelles proportions le monde s’est-il laissé entraîner par l’égoïsme? Quels péchés ont été commis au niveau de la foi? Dans quelle mesure le monde s’est-il vu égaré sous le poids de sa confusion et sa perplexité pour s’en trouver nécessiteux d’amour et de tendresse?

    C’est alors que tout individu se trouve en mesure de  renouveler sa vie et rebâtir son être sur la base de l’espoir, du succès et de la vigilance. Car la voix de la vérité ne cesse alors de retentir, guidant les êtres déroutés, revigorant les natures blasées. Selon le Prophète (صلى الله عليه وسلم), «une fois écoulée la moitié ou – les deux tiers – de la nuit, Dieu Le Très- Haut descend au dernier ciel et dit «Qui M’invoque, que Je puisse exaucer ses prières? Qui me demande quelque chose, que Je puisse le lui accorder? Qui implore Mon pardon, que Je le lui accorde?». Et ce jusqu’ a l’instant ou pointe l’aube. (Rapporté par Muslim).

   Une autre version de ce hadîth est la suivante: «C’est au cœur de la nuit que le serviteur se trouve le plus près du Seigneur ».(Rapporté par At-Tirmidhî).

   Toi qui peux être de ceux qui invoquent Dieu en ces moments, tâche de le faire! Il s’agit d’un instant grandiose, celui où s’ éclipse la nuit et apparaît le jour. Ainsi, sur les traces d’un passé récent ou lointain, tu peux édifier ton avenir.

   Pour ce faire, n’aie cure de tes anciens péchés. Si nombreux, si abondants qu’ils fussent, Dieu ne manquera point de t’absoudre pour peu que tu fasses l’effort d’aller vers Lui. En effet, l’égarement et le reniement d’autrefois ne sauraient empêcher une contrition sincère: «Dis: ô mes serviteurs qui vous êtes faits outranciers contre vous- mêmes, ne désespérez pas de la miséricorde de Dieu. Oui, Dieu pardonne tous les péchés,- oui, c’est lui le Pardonneur, le Miséricordieux,- et inclinez-vous vers votre Seigneur, et soumettez-vous Lui». (39, 53 54).

   Dans un hadîth divin, on lit: Ô fils d’Adam, pour peu que tu implores Mon pardon, je te l’accorderai volontiers quoi que tu aies fait. Ô fils d’Adam, pour peu que tu implores Mon pardon le te l’accorderai volontiers dussent tes péchés atteindre les nuages du ciel. Ô fils d’Adam, Si tu viens à Moi avec autant de péchés que la terre peut contenir, mais que tu ne M’associes rien, tu recevras autant de pardon».

   De tels propos sont en réalité autant d’injections d’espoir propres à revigorer les volontés assoupies et mettre sur pied la détermination alanguie des consciences timorées, hésitantes à rejoindre le chemin de Dieu, à rénover leur existence après un passé entaché de complaisance dans l’erreur et la déviance.

   A cet égard, je vois mal pourquoi les serviteurs, au lieu se voir emmenés auprès de Leur Seigneur sous le joug  de la crainte et la peur, ne s’élanceraient pas vers Lui de leur propre gré, sur des ailes d’amour et de nostalgie?

La méconnaissance de Dieu et l’ignorance de sa religion sont le véritable motif d’une telle apathie, ou plutôt d’une telle antipathie; les humains ne sauraient pourtant rencontrer meilleure sollicitude et plus grande bonté ailleurs que chez Dieu Le Très-Haut, une bonté, une sollicitude qui, purement désintéressées, sont les signes éloquents de Sa Perfection sublime et de Son Essence unique.

D’ailleurs, l’histoire de l’homme témoigne que si Dieu l’a créé, c’est bien pour l’honorer, non pour l’humilier: «Très certainement Nous vous avons donné place sur terre et Nous vous y avons assigné des vivres. Pour peu que vous soyez reconnaissants! Et très certainement Nous vous avons créés, puis Nous vous avons donné forme, puis Nous avons dit aux anges: «prosternez-vous devant Adam».(7,10-11).

    Or, la religion à pour fonction de régir les  comportements et les rapports humains sur la base de l’équité et la vérité,  de sorte  que les hommes puissent mener dans ce bas-monde une vie où prévaudraient paix, justice et bon sens.

   La  religion est à l’homme – tout comme la nourriture pour le corps – une nécessité existentielle autant qu’une jouissance sensorielle. Rejetant toute sorte d’abus, la loi divine soutient le père contre le fils désobéissant, l’opprimé contre l’oppresseur; bref, elle défend la cause de toute personne atteinte dans son honneur, dans ses bien ou dans sa vie!

   Ce disant, peut-on prétendre que de tels enseignements soient une cruauté, un supplice pour les humains? Ne sont-ils pas l’expression sublime de la clémence et du bien?

   Et si, au milieu de tout cela, Dieu décide que les hommes  doivent L’adorer par quelques pratiques cultuelles fort simples, pour exalter Ses bienfaits et faire preuve de gratitude à  Son égard,  ces pratiques seraient-elles un lourd fardeau, une obligation rebutante?

   A vrai dire, à l’ensemble des humains, Dieu a voulu, par sa magnanimité, procurer bien-être, commodité et dignité. Mais renonçant obstinément l’appel divin, à la bonne voie qui leur a été indiquée, les hommes se sont laissés égarer sur les sentiers de la déviance et la passion, emplissant le monde de maux et de conflits.

   En dépit d’un égarement aussi flagrant, la voix de la piété persiste à les exhorter à regagner la voie du Seigneur. C’est que leur retour est pour le Seigneur un motif de satisfaction indicible. «La joie que suscite chez Dieu, précise le Prophète (صلى الله عليه وسلم), le repentir d’un croyant est autrement rayonnante que celle d’un homme qui, ayant perdu sa monture et avec elle ses vivres, se trouve acculé à périr de soif sous la canicule quand,  en agonisant, il se réveille soudain et voit  tout près de lui la monture et la nourriture…».

   Est-il une félicité égale celle-ci? Est-il un accueil aussi chaleureux que celui fait par Dieu?

   Rarement les gens les mieux nantis par la noblesse de leur souche et la pureté de leur âme, trouveraient un cœur désireux de les rencontrer avec autant d’ardeur et de nostalgie. Que dire donc d’un pécheur invétéré, outrancier envers lui-même comme l’égard d’autrui? Ne serait-il pas grandement soulagé et autrement reconnaissant s’il venait à recevoir rien qu’un accueil discret qui ferait passer inaperçues ses turpitudes?

   Recevoir tant de signes de joie et d’affection voilà qui est étonnant. Mais, bien davantage que ne le croient les esprits bornés, Dieu est magnanime envers les hommes, et grande est sa satisfaction du retour des repentis. Par ailleurs, il est tout naturel que cette contrition représente une mutation profonde, une rupture complète entre deux étapes bien distinctes de la vie, tout comme la séparation que l’aube opère entre les ténèbres et la lumière du jour.

    Il n’est nullement question d’un retour à Dieu éphémère au terme duquel l’individu replonge aussitôt dans le désarroi, la banalité et la bassesse d’antan; ni d’une tentative vouée l’échec parce que dépourvue de détermination et de ténacité. Loin s’en faut: ce retour triomphant dont se réjouit Dieu Le Très-Haut signifie pour l’homme vaincre toute manifestation de débilité et de passivité, venir à bout des affres de la bassesse, de l’ignominie et de l’erreur, s’affranchir des chaînes de la passion et de l’impiété pour enfin s’établir dans une station dont les maîtres-mots seraient foi, bonté,  maturité et guidance.

De l’auteur d’un tel retour, Dieu dit: «Oui, et je suis grand Pardonneur pour celui se repent et croit et fait œuvre bonne puis se guide».(20,82).

   C’est la une vie rénovée après usure, à coup d’une transformation radicale modifiant les repères et les contours de l’âme, à l’image d’une terre aride arrosées par les eaux et nourrie par les fertilisants.

    Renouveler sa vie ne se ramène point à introduire quelques actes pieux, quelques bonnes intentions  au  milieu d’un énorme amas de mœurs corrompues et d’usages répréhensibles. Un tel amalgame ne saurai servir de base à une conduite glorieuse ni un avenir louable. Il ne peut être signe de plénitude ou d’agrément, sachant qu’il arrive aux cœurs les plus endurcis de manifester de la bonté et aux  mains les plus parcimonieuses de se montrer prodigues.

Dieu Le Très-Haut décrit en ces termes certains des exclus de son royaume: «Eh bien, le vois-tu, celui qui tourne  le dos et donne peu et interrompt même son aide (33-34). De même, de ceux qui renient le Livre Sacré, Il dit: «Et ce n’est pas la parole d’un poète,– pour peu que vous croyiez – ni la parole d’un possédé,– pour peu que vous vous rappeliez! – C’est la descente faite de la part du des Seigneur mondes». (69, 41-44).

    La conscience, chez les scélérats, est à même de traverser quelque période d’éveil passagère au bout de laquelle elle retourne s’engourdir dans sa léthargie coutumière. Cette période éphémère  ne peut être qualifiée de retour au chemin; car celui-ci correspond précisément au stade ultime du repentir sincère.

   S’éloigner de Dieu ne peut entraîner que mal et perdition et c’est en désastre et calamité que se muent les qualités et les valeurs telles, que l’intelligence, l’énergie, la beauté et la connaissance dès lors que leur est refusée la bénédiction de Dieu.

   De là la sérieuse mise en garde adressée aux hommes contre les retombée néfastes de toute attitude d’éloignement, d’oubli de Dieu.

   Il arrive des fois que, face un à véhicule venant à une vitesse vertigineuse, et sentant sa vie en péril, l’individu se hâte de s’esquiver. De même, chercher promptement le salut auprès du seul Seigneur, voila ce que le message divin recommande aux serviteurs afin qu’ils parviennent à contrecarrer les risques encourus: «Fuyez vers Dieu, donc. Oui, je suis pour vous, de Sa Part, un avertisseur manifeste Et ne désignez pas d’autre dieu avec Dieu. Oui, je suis pour vous, de Sa Part, un avertisseur manifeste». (51, 50-51)

   Pour mener à bien un tel retour, l’homme repenti se doit de réorganiser sa vie et sa personne sur des bases nouvelles, ainsi que d’entreprendre avec le Seigneur des liens meilleurs, accompagnés d’actes vertueux et de vœux sincères, et de prier en ces termes: «Ô Mon Dieu, Tu es mon Seigneur, il n’est d’autre Dieu que Toi; Tu m’as créé et je suis ton serviteur; je ferai de mon mieux pour t’être fidèle et dévoué; préserve-moi du mal que j’ai fait; je reconnais Tes bienfaits et j’avoue mes péchés. Pardonne-moi, il n’est d’autre Pardonneur que Toi. (Rapporté par Al-Boukhâli).

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