Parmi les divertissements qui réjouissent les âmes, qui égaient les cœurs et qui font plaisir à l’ouïe, il y a effectivement le chant. L’Islam considère le chant comme licite tant qu’il ne contient pas de propos grossiers, obscènes ou incitant à la débauche. Et il n’y a aucun mal à ce qu’il soit accompagné de musique, si, du moins, celle-ci n’excite pas les nerfs.
Le chant est recommandé lors des occasions heureuses, afin de répandre la gaieté et de divertir les âmes. Cela est d’autant plus valable les jours de fêtes, de noces, de retour d’un absent, ainsi que lors des repas de mariage, des repas en l’honneur d’un nouveau-né et lors de la naissance du bébé.
Ainsi, `Â’ishah – que Dieu l’agrée – assista au mariage d’un couple médinois et lorsqu’elle rentra chez elle, le Prophète – paix et bénédiction sur lui – lui demanda : « Ô `Â’ishah, n’ont-ils pas organisé une fête ? Parce que les Ansâr aiment faire la fête. » Ibn `Abbâs dit : « `Â’ishah assista au mariage d’une femme médinoise parmi ses proches. Le Messager de Dieu – paix et bénédiction sur lui – arriva et dit : « Avez-vous offert les cadeaux à la mariée ? » On répondit : « Oui ! » Il demanda : « Avez-vous envoyé quelqu’un chanter en son honneur ? » `Â’ishah répondit : « Non. » Le Messager de Dieu – paix et bénédiction sur lui – reprit : « Les Ansâr sont des gens galants. Pourquoi n’avez-vous pas envoyé avec la mariée quelqu’un chantant par exemple :
Ataynâkum ataynâkum Fa-hayyânâ wa hayyâkum
Traduction
Nous voici venus ! Nous voici venus ! Que Dieu nous salue et que Dieu vous salue ! ? »
`Â’ishah raconte que Abû Bakr – que Dieu l’agrée – entra chez elle un jour de Fête du Sacrifice (`îd al-ad’hâ) et qu’il trouva deux servantes qui chantaient et jouaient du tambour, alors que le Prophète – paix et bénédiction sur lui – était recouvert d’un drap. Abû Bakr se mit en colère contre elles. Le Prophète – paix et bénédiction sur lui – se découvrit alors le visage et dit : « Laisse-les Abû Bakr ! Ce sont des jours de fête. »
L’Imâm Al-Ghazâli mentionne dans son livre Al-Ihyâ’ les hadiths sur le chant des deux servantes et sur les jeux pratiqués par les Abyssins dans la Mosquée du Prophète – paix et bénédiction sur lui – alors que ce dernier les encourageait par des exclamations : « Bravo, enfants de Arfadah ! » Ces hadiths précisent également la demande formulée par le Prophète à l’intention de `Â’ishah pour savoir si elle voulait regarder le déroulement des jeux ou non. Ces mêmes hadiths ajoutent en outre que le Prophète demeura en compagnie de son épouse jusqu’à ce que celle-ci s’ennuyât et voulût partir. On rencontre enfin des hadiths mentionnant que `Â’ishah jouait avec ses amies. Al-Ghazâlî conclut quant à ces hadiths : « Tous ces hadiths sont mentionnés dans les deux Sahîh [1]. Ils constituent de fait un texte explicite prouvant que le chant et les divertissements ne sont pas illicites. On peut par ailleurs en tirer un certain nombre de conclusions concernant diverses permissions :
- Le divertissement : tout le monde sait que les Abyssins ont leurs danses et leurs jeux.
- Il est permis de se divertir à l’intérieur même de la mosquée.
- Le fait que le Prophète dise aux Abyssins : « Bravo, enfants de Arfadah ! » montre qu’il leur demande de poursuivre leurs jeux et les encourage à cela. Comment peut-on alors considérer que ces jeux sont illicites ?
- Le Prophète a empêché Abû Bakr et `Umar – que Dieu les agrée – de blâmer, de refuser ou d’interdire le divertissement. Il leur a expliqué que c’était un jour de fête et un moment de gaieté. Or, le divertissement est source de gaieté.
- Le Prophète est resté longtemps à regarder les jeux abyssins et à écouter leur musique, après que `Â’ishah – que Dieu l’agrée – a exprimé son accord pour rester également. Cela montre qu’en termes de noblesse de caractère (husn al-khuluq), il est meilleur de faire plaisir aux femmes et aux enfants en assistant avec eux à des divertissements que de vivre dans un ascétisme austère, se priver et priver autrui des plaisirs mondains.
- Le Prophète a même pris les devants pour demander à `Â’ishah si elle désirait regarder le déroulement des jeux.
- Le chant est permis, ainsi que le battement du tambour, comme le montre le hadith des deux servantes. » Al-Ghazâlî poursuit tout ceci dans le chapitre de l’écoute.
On a rapporté au sujet d’un grand nombre de Compagnons et de Successeurs [2] – que Dieu les agrée – qu’ils écoutaient des chansons sans y voir le moindre mal.
Quant aux hadiths prophétiques qui interdisent le chant, il faut savoir qu’ils sont complètement défaillants, si bien qu’aucun d’eux n’a été épargné de la récusation des juristes et des traditionnistes. Le juge Abû Bakr Ibn Al-`Arabî dit : « Rien d’authentique n’existe quant à l’interdiction du chant. » Ibn Hazm dit : « Tout ce qui a été rapporté sur l’interdiction du chant est faux et controuvé. »
Néanmoins, le chant et la musique sont souvent allés de pair avec des veillées arrosées et débauchées, ce qui a incité un grand nombre de savants à interdire, tout du moins à déconseiller le chant et la musique. Certains d’entre eux ont dit : « Le chant fait partie des plaisants discours mentionnés dans le verset : « Et, parmi les hommes, il en est qui, dénués de science, achètent de plaisants discours pour égarer hors du chemin de Dieu et pour le prendre en raillerie. Ceux-là subiront un châtiment avilissant. » [3] »
Ibn Hazm répond : « Ce verset mentionne un trait de caractère, qui, s’il est présent chez une personne, fait d’elle automatiquement un mécréant. Il s’agit de celui qui prend le Sentier de Dieu en raillerie. Ainsi, celui qui achète un recueil coranique afin d’égarer les gens du Sentier de Dieu et le prendre en raillerie est très certainement un mécréant. Et c’est ce type de personnes que Dieu – Exalté soit-Il – dénigre dans ce verset. Il ne dénigre nullement celui qui achète des plaisants discours dans le but de se divertir et de détendre son âme, et non dans le but d’égarer les gens du Sentier de Dieu. »
Ibn Hazm répond également à ceux qui prétendent que le chant, ne faisant pas partie de la vérité divine, fait dès lors partie de l’égarement. Ceux-ci s’appuient sur le verset suivant : « Au delà de la vérité qu’y a-t-il donc sinon l’égarement ? » [4] Ibn Hazm réplique : « Le Messager de Dieu – paix et bénédiction sur lui – dit : « Les actions sont jugées d’après les intentions, et il en sera tenu compte à chaque homme dans la mesure de son intention. » Ainsi, celui qui a l’intention d’écouter des chansons afin de mieux désobéir à Dieu est un débauché – et cela n’est pas spécifique uniquement au chant. Quant à celui qui a l’intention de détendre son âme, pour mieux obéir à Dieu – Exalté soit-Il – et pour retrouver son dynamisme dans l’accomplissement d’œuvres pies, est quelqu’un d’obéissant et de bienfaisant. Et ce qu’il fait relève alors de la vérité divine. Quant à celui qui n’a l’intention ni d’obéir à Dieu ni de Lui désobéir, alors celui-là se livre à des futilités pardonnées par Dieu. Il possède alors le même statut que celui qui sort se promener dans son jardin, ou celui qui s’assoit devant sa porte et regarde les gens passer, ou encore celui qui teint son habit en bleu ou en vert, etc. »
Il existe cependant certaines limites qu’il est nécessaire d’observer, en ce qui concerne le chant.
Il est ainsi nécessaire que le sujet de la chanson ne contredise pas la morale et les enseignements islamiques. Une chanson qui glorifierait par exemple l’alcool ou qui inciterait à sa consommation est illicite, aussi bien pour celui qui la chante que pour celui qui l’écoute.
Toutefois, le sujet de la chanson peut parfois ne pas être contraire aux directives islamiques mais c’est la manière dont le chanteur l’interprète qui déplace la chanson du domaine licite au domaine illicite. Un exemple caractéristique est celui du chanteur qui interprète les paroles de manière lascive et déliquescente, cherchant à éveiller les instincts et à séduire l’auditeur en excitant ses désirs concupiscents.
Tout comme la religion combat l’outrance et l’excès, quels qu’ils soient, même au niveau du culte, elle combat l’excès dans le divertissement. Elle n’accepte pas que ce dernier occupe tout notre temps, car le temps, c’est la vie !
Nul doute que l’excès dans les choses licites déborde sur le temps à consacrer aux obligations, religieuses ou autres. Quelqu’un a dit avec justesse : « Je n’ai jamais pas vu un excès sans qu’il n’y ait à côté un devoir négligé. »
Il demeure néanmoins des choses pour lesquelles l’auditeur est soi-même son meilleur conseiller. Si les chansons, tout du moins un type particulier d’entre elles, excitent ses instincts, le séduisent, ou font dominer son aspect animal sur son aspect spirituel, alors il doit éviter de les écouter, afin de fermer les portes par lesquelles s’engouffrent dans son cœur, dans sa religion et dans son caractère, les tempêtes de la tentation. Ainsi, il se repose lui-même et repose les autres avec lui.
Il est consensuellement admis que le chant devient illicite s’il est accompagné d’autres interdits comme l’alcool, l’indécence ou la débauche. C’est de cela qu’a prévenu le Messager de Dieu – paix et bénédiction sur lui : « Apparaîtront des gens de ma Communauté qui boiront l’alcool en lui donnant un autre nom. On jouera pour eux des instruments de musique et des chanteuses chanteront pour eux. Dieu les engloutira alors dans la Terre et il fera d’eux des singes et des porcs. »
Il n’est pas nécessaire que cette transformation en singes et en porcs soit physique. Il suffit d’une transformation de l’âme et de l’esprit. Ils seront ainsi porteurs d’une âme de singe et d’un esprit de porc.
Et Dieu est le plus Savant.
Cheikh Youssuf Al Qaradawi
Notes :
[1] Il s’agit du Sahîh d’Al-Bukhârî et du Sahîh de Muslim.
[2] Les Successeurs sont la génération suivant celle des Compagnons.
[3] Sourate 31 intitulée Luqmân, verset 6.
[4] Sourate 10 intitulée Jonas, Yûnus, verset 32.
Source :
Traduit de l’arabe du site Islamonline.net par Islamophile.org
5 Comments
Salem Alaykoum,
Cela fait des années que j’explique à mes proches qu’il existe un avis favorable à la musique, mais certains ont du mal a y croire à y cause de la propagande monstrueuse des wahhabites (Rachid Abou Houdeyfa, Nader Abou Anas, etc.).
Merci d’avoir apporter de la lumière à ce sujet polémique.
Salam Aleykoum, j’ai une question a posé car je me sens complètement perdu . Personne a une réponse clair et exacte a me donner .Peut-on écouté de la music ? Si non pourquoi ?
Salem Alaykoum,
Oui, tu peux écouter à condition qu’il n’y ait pas de propos indécents et des scènes de nudité.
wa 3alayka ssalam…
@ayyub …. Pour cheikh Qaradawi qui reprend l’avis entre autre l’avis du Savantissime Ibn Hazm , tous les ahadiths qui interdisent la musique et le chant sont pas authentique , et / ou montrent que c’est interdit quand c’est dans un contexte d’alcool , femmes illicites etc etc …. il y a eu un dialogue ( par ecrit ) entre cheikh Albani et cheikh Qaradawi sur le sujet ..Albani montrant que de son point de vue certains ahadiths sont biens authentique et generaux , qaradawi dans un livre consacré au sujet repond que d’autres experts du Hadiths les voient faibles. // Divergence donc …. a savoir que c’est un avis minoritaire , la majorité interdisent les instrument hormis tambourin etc … DIeu sait Mieux
Salam aleykoum,
N’avez-vous pas omis un « détails » dans votre exposé tout de même ?
Vous parlez du chants uniquement, identifiant par cela la musique au chant, mais qu’en est-il des instruments de musique accompagnant le chant ?
Que dites-vous de ce hadith :
Le Messager d’Allah (bénédiction et salut soient sur lui) a dit : « il y aura parmi ma communauté des gens qui considéreront comme licites la soie, l’alcool et les instruments de musique ». Ce hadith est rapporté et commenté par Boukhari et il porte le n°°5590 (communiqué par Tabarânî et Bayhaqî). Voir as-Silsila As-Sahiha de Al Albânî 91.
Ibn al-Qayyim ( puisse Allah lui accorder Sa miséricorde) dit : ce hadith est un hadith authentique rapporté par Al-Boukhari dans son Sahih, pour servir d’argumentation et commenté de manière tranchée. Dans le chapitre intitulé « ce qui a été dit concernant ceux qui s’autorisent l’alcool et le désignent sous un autre nom » il dit que ce hadith renferme des arguments qui militent en faveur de l’interdiction des instruments de musique. Il s’agit de l’expression « ils considèrent licites » qui indique de manière explicite que ce qui a été cité après notamment les instruments de musique sont des interdits qu’ils essaient de rendre licites. Il a également mis côte à côte ces instruments de musique , l’adultère et à l’alcool ; et il n’aurait pas du le faire s’ils n’étaient pas interdits. ( voir as-Silsila Ass-Sahiha de Al-Bani 1/140-141, citation indirecte)
BarakAllahufikoum pour votre réponse