Célébrée comme un coup de maître sur la scène syrienne, l’arrivée de la Russie et de ses 34 bombardiers au secours du régime menacé de Bachar al-Assad apparaît aux spécialistes comme un coup d’épée dans l’eau, voire comme une aggravation et non une solution de la crise syrienne.
En effet, si les communiqués triomphalistes de Moscou prétendent que les frappes russes ont mis des islamistes, notamment de Daech en déroute, les photos, les vidéos et informations remontant du terrain font apparaître que ces bombardements aériens ont été sans aucune précision, aucune distinction, ni efficacité.
Loin d’utiliser de bombes guidées avec précision comme les avions occidentaux, les avions russes larguent des bombes « aveugles », « stupides », certaines interdites (comme les bombes à sous-munitions ou « cluster bombes« ), qui sont plus à même de faire des dégâts parmi la population civile qu’au sein des combattants islamiques.
Ainsi dans un compte-rendu des premières frappes russes, le Conseil national syrien, un groupe anti-Assad, a déclaré que ces attaques ont déjà tués 36 civils. L’Observatoire syrien pour les droits de l’homme a lui fait état de 28 morts civils, dont des femmes et des enfants.
Terreur globale
Sur une vidéo du Kremlin du 30 septembre, les avions russes apparaissent armés de bombes à sous-munitions, interdites par des conventions internationales mais que la Russie est l’un des rares pays à continuer à produire en masse.
Les bombardiers russes et les avions tactiques utilisent des technologies qui sont vieilles de plus de 30 ans », estime Alexander Mladenov, un spécialiste aéronautique dans la magazine Combat Aircraft, cité par The Daily Beast.
Le Centre d’analyse de stratégie et de tactiques, un think tank de Moscou, a lui critiqué la Russie pour son échec « étrange et inacceptable » à développer des bombes guidées au laser et des missiles air-sol de précision ainsi que les systèmes de guidage.
La stratégie aérienne russe repose plus sur l’imposition de la terreur globale par le bombardement massif que sur l’élimination ciblée de l’ennemi.
Lors des quelques dix années de guerre en Tchétchénie (près de 100.000 morts pour moins d’un million d’habitants), l’aviation russe a fait preuve de l’effroyable pouvoir de massacre et destruction de ses bombardements à outrance, doublée de son inefficacité militaire totale. Elle a été incapable de venir à bout de quelques milliers de combattants indépendantistes sur un minuscule territoire, à peine grand comme deux départements français. Seule l’intervention terrestre de plus de 100.000 hommes a pu mettre fin à la rébellion.
Il est donc à craindre que le « coup de maître » aérien de Vladimir Poutine en Syrie soit inopérant militairement mais se traduise par d’autres résultats plus prévisibles : plus de destructions, plus de morts civils, plus de réfugiés.
Jean-Baptiste Naudet – Première parution ici