Comprendre l'Islam

La femme et la politique

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 femme musulmane

« Un peuple qui met à la direction de ses affaires une femme ne connaîtra point la réussite »[1]. Certains se réfèrent à ce hadith sous prétexte qu’il est rapporté par Al-Boukhari, bien qu’il contredise ce qu’énonce le Coran et bien que le témoignage de son narrateur ne soit pas accepté, or relater un hadith est une forme de témoignage au sujet de Dieu et de Son Messager (BDSL).

Il n’y a rien dans l’islam qui interdit d’attribuer à la femme une autorité sur elle-même ou sur autre qu’elle, qu’il s’agisse de l’autorité individuelle ou collective. Aucun texte coranique ne prive la femme de cette autorité. Au contraire les versets coraniques énoncent expressément l’égalité entre les hommes et les femmes en ce qui concerne l’exercice de l’autorité. Dieu dit : « Les croyants et les croyantes sont alliés les uns aux autres. Ils commandent le convenable, interdisent le blâmable » (9 :71). Ainsi, les croyants et les croyantes sont aussi responsables les uns que les autres.

Al-Boukhari n’a rapporté ce hadith que d’une manière individuelle, il s’agit donc d’un « hadith fard » (c’est-à-dire que le hadith est exclusivement rapporté par un seul narrateur parmi les compagnons), or le hadith individuel ne fait pas loi dans le domaine des prescriptions juridiques. De plus, son seul narrateur, Abou Bakrata, a subi la sanction due à la calomnie du temps de ‘Omar et ne s’est pas repenti. ‘Omar lui dit : « Repens-toi et j’accepte ton témoignage ! » Mais Abou Bakrata refusa. Or Dieu dit : « Et ceux qui lancent des accusations contre des femmes chastes sans produire quatre témoins, fouettez-les de quatre-vingts coups de fouet, et n’acceptez plus jamais leur témoignage. Et ceux-là sont les pervers. A l’exception de ceux qui, après cela, se repentent et se réforment » (24 : 4-5). Si son témoignage ne peut être accepté à propos de quiconque parmi les gens, comment l’accepter alors au sujet de Dieu et de Son Messager (BSDL) ? Comment désobéir à Dieu en acceptant le témoignage de quelqu’un que Dieu nous ordonne de ne pas accepter ? Il ne s’agit pas d’apostropher un compagnon, il s’agit simplement d’un évènement qui s’est produit.

Il n’est donc pas permis de considérer ce hadith même s’il est jugé valide-sûr « çahih ».

Par ailleurs, la Sunna authentique ne pourrait contredire ce qu’énonce explicitement le Coran. L’une des preuves de la non-authenticité de ce hadith réside dans le fait qu’il contredit les versets suivants :

1-     Le verset 12 de la sourate « l’éprouvée » qui évoque la question de l’allégeance. Le discours y est adressé spécifiquement aux femmes pour confirmer l’indépendance totale de l’allégeance des femmes de celle des hommes. Dieu dit : « Ô prophète ! Quand les croyantes viennent te prêter serment d’allégeance, et en jurent qu’elles n’associeront rien à Dieu, qu’elles ne voleront pas, qu’elles ne se livreront pas à l’adultère, qu’elles ne tueront pas leurs propres enfants, qu’elles ne commettront aucune infamie ni avec leurs mains ni avec leurs pieds et qu’elles ne désobéiront pas en ce qui est convenable, alors reçois leur serment d’allégeance, et implore de Dieu le Pardon pour elles. Dieu est certes, Pardonneur et Très Miséricordieux » (60 :12) Et puisque qu’il appartient à la femme de prêter allégeance, il lui appartient également de recevoir l’allégeance, tout comme l’homme. C’est-à-dire : Il lui appartient d’occuper les postes de responsabilités générales, et si nous la privons du droit de recevoir l’allégeance, nous privons par la même l’homme de ce droit.

2-     Le verset suivant confirme ceci : « Les croyants et les croyantes sont alliés les uns aux autres. Ils commandent le convenable, interdisent le blâmable » (9 :71)

3-     Dieu a fait l’éloge de la reine de Saba et de sa sagesse dans la gestion des affaires de l’état. Il a précisé que l’état de cette reine était puissant « Ils dirent Nous sommes détenteurs d’une force et d’une puissance redoutable » (27 :33). Il n’a pas réprouvé le fait qu’elle soit à la tête d’un peuple et n’a pas reproché au peuple d’avoir mis à sa tête une femme ! Dieu a présenté ce récit pour en tirer des enseignements. D’ailleurs les livres d’histoire nous disent qu’après sa conversion à l’islam (« Elle dit : « Seigneur ! Je me suis fait du tort à moi-même : Je me soumets avec Salomon à Dieu, Seigneur de l’univers » » (27 :44)), Salomon l’a maintenu à la tête du peuple de Saba.

Certains diront que le fait que la femme occupe des postes de souveraineté et des responsabilités d’ordre général n’était pas d’usage dans l’histoire musulmane. La réponse est que ‘Omar ibn al-Khattab a confié la responsabilité de la vérification de la conformité des affaires économiques et commerciales « al-hisba » à une femme du nom de Shifa. Elle fut la première personne à occuper ce poste en Islam. Quant à Samra bintou Nouhayk, que Dieu l’agrée, elle fut responsable du marché à la Mecque du temps du Prophète (BDSL) comme le rapporte at-Tabarani. Elle tenait à la main un fouet et frappait ceux qui ne respectaient pas les lois. D’ailleurs, Rida kahhala dans son livre « a’lam an-nisa » (les femmes illustres) et az-Zarkali dans son livre « al-a’lam » (les illustres) citent plusieurs exemples de la participation de la femme musulmane à des hautes fonctions de l’état et ce, dans les différentes provinces musulmanes, à travers les différentes périodes de l’histoire de l’Islam. Par exemple :

– Sayyida bintou Mansour ibn Youssef as-Sanhaji, connue sous le nous de « Oum Mallal », était une femme extrêmement influente connue pour son autorité, son intelligence et sa perspicacité. Son père était le gouverneur d’Ifriqiyya (actuelle Tunisie). Elle se distingua en littérature et en science au point de dépasser son frère Nouceïr ad-Dawla Badis qui l’associa dans la gérance du royaume. Il suivit les conseils de sa sœur. Lorsque son frère décéda, on prêta allégeance, en 406H,  à son neveu (le fils de son frère) al-Mou’iz qui n’avait pas encore atteint les neuf ans. Les notables de la tribu de Sanhaja, les savants du pays, les chefs de l’armée et les jurisconsultes « fouqaha » s’accordèrent unanimement à mettre al-Mou’iz sous la tutelle de sa tante jusqu’à  sa maturité. Ainsi, Oum Mallal dirigea le pays avec sagesse[2].

– Arwa bintou Ahmed ibn Ja’far as’Soulayhiyya, connue sous le nom de « al-hourra al-kamila » (celle qui est totalement libre) ou de la petite Belqis. C’était une reine yéménite connue par sa bonne gérance et par la fermeté. Elle épousa al-Moukram qui lui confia la gestion des affaires de l’état. Elle prit comme siège une forteresse dans laquelle elle résidait durant des mois pendant chaque année. Elle géra le pays et mena les guerres jusqu’à la mort d’al-Moukram en 484H. Saba ibn Ahmed succéda à son cousin paternel al-Moukram. Arwa demeura au pouvoir et réunissait les ministres. Du haut des chaires du Vendredi, on faisait des invocations pour le calife fatimide al-Mountasir, puis pour as-Soulayhi, puis pour « al-hourra » (la femme libre)

– Radiyya bintou at-Tamsh, une puissante reine indienne, accéda au pouvoir le 18 Rabi’ I 634H après la destitution de son frère Roukn an-Dine Fayrouz Shah. Elle était la cinquième des rois Mamlouks en Inde.

– Khadija bintou ‘Omar ibn Salah ad-Dine al-Banjali, une princesse « sultana » de l’Inde. Lorsque son père décéda, son frère Shihab ad-Dine succéda au trône, mais vue son mauvais comportement et son manque de morale, le peuple le destitua en 740H et investit Khadija au Trône de son père.

– La princesse « sultana » ‘Inayat Shah décédée en 1688. Elle fut la reine de Sumatra (Indonésie) après la mort de la reine « sultana » Taqiyya en 1678. Son époque fut parmi les âges d’or de ce royaume.

– Plus contemporain, dans la lutte des Al-Saoud contre les ottomans, une femme du nom de Ghaliya était à la tête d’une armée en 1912. Cette « chef de guerre » s’illustra pendant plusieurs batailles …

Voici quelques exemples parmi tant d’autres écrits dans l’histoire qui illustrent l’accès des femmes aux plus hautes responsabilités de l’état à travers les différentes périodes.

Malgré tout cela, on trouve encore certains qui se réfèrent au hadith précité, bien qu’il contredit le Coran et bien que le témoignage de son narrateur ne soit pas accepté, interdisant à la femme toute responsabilité politique sous prétexte que le hadith est rapporté par al-Boukhari ! D’autres ont permis à la femme l’accès aux postes de responsabilités politiques car le hadith est circonstanciel et sa signification n’a pas de portée générale, mais lui interdisent cependant, l’accès au rang de chef d’état. Concernant la participation politique de la femme, les jurisconsultes sont divisés entre partisans et opposants. Néanmoins, les arguments les plus probants et le bon sens penchent en faveur des partisans étant donné la conformité de cette position avec le Coran. En effet, il n’est pas permis d’outrepasser les versets dont la signification est catégorique en se référant à des textes relevant de l’information traditionnelle dont l’authentification et la signification sont conjecturales. Parmi les avis défendant la permission de l’accès de la femme aux postes de responsabilité politique, nous lisons dans le livre « ahkam al-qor-an » d’Abou Bakr Ibn al-‘Arabi (p 483) : « Le juge malikite Abou Bakr at-Tayyib fit un débat avec la référence de l’école shafi’ite à Bagdad Aboul-Faraj ibn Tarar  devant le sultan ‘Adadou a-Dawla. Ibn Tarar pencha alors pour l’avis d’Ibn Jarir at-Tabari et dit : « La preuve qu’il est permis à la femme de juger est que l’objectif des sentences est leur application par le juge, l’écoute des différents arguments et trancher les litiges entre les adversaires, or, la femme peut faire cela tout comme l’homme »

Malgré cela, certains persistent à priver la femme de son droit à l’autorité même pour ses propres biens, lui imposant un tuteur qui devra gérer ses biens si elle possède une grande entreprise ! Quand la créature donnera-t-elle  à la femme le droit à l’autorité que le créateur lui a donné ?!

Dr. Souhayla Zeïn al-‘Abidin Hammad, membre de l’Union Mondial des savants Musulmans

(D’après deux articles tirés du site de l’Union mondial des savants musulmans. Traduits de l’arabe par Havre de Savoir)


[1] – rapporté par Al-Bukhârî

[2] – « a’lam an-nisa » de ‘Omar Rida Kahhala

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