Le Prophète (saws) a transmis le Coran par deux voies : une voie écrite et une voie orale. Ce qui représente deux gages d’authenticité du Coran.
Transmission du Coran par voie écrite
Il s’agit ici de la transmission du texte coranique. La transcription du Coran est passée par les phases suivantes :
- Aussitôt après la révélation, devant le Prophète (saws), en présence de l’Ange Gabriel, éparpillé sur différents supports.
- Au temps d’Abou Bakr (rad) : Le Coran est assemblé dans une seule copie, versets et sourates ordonnés, comprenant les sept modes de révélation.
- Au temps de ‘Othman ibn ‘Affan (rad) : Reproduction de plusieurs copies du moshaf d’Abou Bakr, en se contentant d’un seul mode de révélation. Une copie est envoyée aux principales villes du monde musulman.
- Reproduction de nombreuses copies de Coran à partir de ces copies et leur diffusion dans l’ensemble du monde musulman.
- Apparition d’ouvrages spécialisés réunissant les règles de la graphie « rasm » du Coran.
Première phase : Aussitôt après la révélation, devant le Prophète (saws), en présence de l’Ange Gabriel, éparpillé sur différents support.
Aussitôt que le Prophète (saws) recevait une révélation, il faisait appel à l’un ou plusieurs de ses scribes pour la mettre à l’écrit en lui ou leur précisant son emplacement dans la sourate concernée.
Les compagnons exposaient au Prophète (saws) ce qu’ils avaient écris, et celui-ci les rectifiait en cas d’erreur. Zeyd ibn Thabit (rad) dit : « J’écrivais la Révélation auprès du Prophète (saws) alors qu’il me la dictait. Lorsque je finissais, il me disait: « Lis ! », je lisais alors ce que j’avais écrit. S’il s’avérait qu’un manquement s’était introduit, il le rectifiait. Si j’oubliais un mot, il me le rappelait et le mettait à sa place ».
Ainsi, le Coran fut totalement retranscrit, devant le Prophète (saws), sous formes de versets ou de sourates éparpillés, sur différents supports, tous approuvés directement par le Prophète (rad)
Deuxième phase : Au temps d’Abou Bakr (rad), le Coran est assemblé dans une seule copie, versets et sourates ordonnés, comprenant les sept modes de révélation.
Après la mort du Prophète (saws), plusieurs tribus arabes refusèrent de payer la zakat au calife Abou Bakr (rad) et se rebellèrent. Abou Bakr (rad) prépara donc des armées afin d’affronter les apostats. Pendant la bataille de « al-Yamama », soixante-dix connaisseurs du Coran parmi les compagnons furent tués. Choqué par cette énorme perte, ‘Omar ibn al-Khattab (rad) insista auprès d’Abou Bakr pour que celui-ci donne l’ordre officiel de rassembler l’intégralité du Coran dans un corpus, par peur de la disparition du Coran par la disparition des compagnons connaisseurs du Coran. ‘Omar s’inquiéta particulièrement à propos des parties du Coran, éparpillés chez les compagnons. Ces parties étaient très précieuses étant donné qu’elles ont été écrites devant le Prophète (rad) et ont reçu son approbation. Les compagnons se les prêtaient mutuellement pour les recopier sur leurs propres supports. Mais, ces reproductions n’ont pas la même valeur que les originaux. ‘Omar demanda alors à Abou Bakr de rassembler les supports originaux. Abou Bakr hésita un moment prétextant que le Prophète (saws) ne l’avait pas fait. A force d’argumentation, Abou Bakr finit par être convaincu de la nécessité du projet. Il chargea alors Zeyd ibn Thabit (rad) pour la réalisation de cette tâche, car il jouissait d’une forte mémoire. Il était jeune, droit et pieux et fut l’un des plus grands des scribes désignés par le Prophète (saws). Il avait consigné par écrit le Coran et était au courant de la dernière révision qu’avait faite le Prophète (saws) avec Gabriel lors de son dernier Ramadan: « Tu es un homme jeune et sage et nous n’avons aucune suspicion à ton égard. Tu écrivais la révélation pour le Messager de Dieu, alors poursuis le Coran et compile-le », lui dirent Abou Bakr et ‘Omar. Zeyd dit : « Si on m’avait demandé de transporter des montagnes, cela aurait été moins lourd que de rassembler le Coran »
Zeyd commença à rassembler les différents supports d’écriture sur lesquels le Coran fut écrit. Il demanda, ensuite aux connaisseurs du Coran parmi les compagnons de lui apporter ce qu’ils avaient en leurs possessions, mais n’acceptait un passage que sur le témoignage de deux personnes attestant qu’il avait été écrit en présence du Prophète (saws).
Zeyd rassembla la totalité du Coran en se tenant à cette méthodologie à l’exception des versets 128 et 129 de la sourate 9 (le repentir «At-Tawba ») et le verset 23 de la sourate 33 (« Les coalisés ») qui n’étaient inscrits (avec les conditions exigées) – bien que notoirement connus oralement – que chez Abou-Khouzayma [1] ibn Thabit al-Ansari (rad), un homme singularisé par le Prophète (saws) en rendant son témoignage équivalent à celui de deux hommes. En effet, se trouvant aux environs de Médine, le Prophète (saws) acheta un cheval d’un bédouin. Le Prophète (rad) demanda au bédouin de le suivre jusqu’à chez lui pour le payer. La vente fut conclue. Marchant plus vite que le bédouin, le Prophète (saws) arriva en premier à Médine. Entre temps, le bédouin croisa d’autres personnes et leur vendit le cheval avec un prix plus intéressant. Lorsque le Prophète (saws) rencontra le bédouin à Médine, il lui réclama le cheval. Le bédouin nia alors toute transaction conclue avec le Prophète (saws) et exigea de ce dernier des témoins ! Entouré de compagnons, le Prophète (saws) demanda si l’un d’eux pourrait se constituer témoin. N’ayant pas été présents au moment de la transaction, aucun compagnon ne se manifesta, à l’exception de Khouzayma ibn Thabit al-Ansari. Celui-ci se leva et attesta en faveur du Prophète (saws). Le bédouin finit par restituer le cheval au Prophète (saws). Le Prophète (saws) dit ensuite à Khouzayma : « Pourquoi as-tu témoigné ? » Il dit : « Ô Messager de Dieu ! Lorsque tu nous dis : « Dieu m’a révélé telle ou telle chose », nous te croyons. Comment ne pas te croire quant tu nous dis que tu as acheté un cheval ?! » Le Prophète (saws) dit alors : « Lorsque Khouzayma témoigne pour quelqu’un, son témoignage est suffisant ».
A noter ici qu’il s’agit du texte écrit, selon les exigences établies par Zeyd. Quant aux versets en question, ils étaient connus de la plupart des compagnons et été régulièrement récités. D’ailleurs Zeyd, lui-même les connaissaient, comme il connaissait également la totalité du Coran.
Zeyd vida le contenu de tous ces supports dans un seul corpus, versets et sourates ordonnés. Il n’a fait que reproduire le texte original sans apporter aucune modification, sans ajouter ni diminuer une seule lettre.
Le moshaf que nous avons aujourd’hui est écrit de la même façon qu’il fut écrit devant le Prophète (saws). Par exemple, le mot الصلاة (salat) est écrit dans le Coran avec un « waw » الصلوة et non pas avec un « alif » contrairement aux règles de l’orthographe usuelle, car il a été écrit ainsi devant le Prophète (saws).
Le terme بأييد a été avec un « ya » supplémentaire qu’on ne prononce pas conformément à ce qui a été écrit devant le Prophète (rad)
Dans la sourate la caverne, le terme لشائ a été écrit avec un « alif » supplémentaire qu’on ne prononce pas, conformément à l’écriture originelle.
Ainsi, Zeyd reproduisit le texte coranique fidèlement à ce que contenaient ces supports. Il s’agit donc d’une reproduction fidèle ne laissant aucune place à la modification.
Le résultat fut que les musulmans possédaient désormais un corpus du Coran référent et certifié, sourates et versets ordonnés, reproduit à partir des supports contenant les textes originels écrits en présence du Prophète (saws).
Ce « moshaf » fut naturellement préservé chez le calife Abou Bakr (rad). Après sa mort, il fut confié à ‘Omar ibn al-Khattab (rad). Après la mort de ce dernier, il resta chez Hafsa, fille de ‘Omar, la mère des croyants. Lorsque ‘Othman ibn ‘Affan (rad) devint calife, par pudeur de sa part, il n’osa pas demander le « moshaf » de Hafsa et le laissa chez cette dernière car il était dans un lieu sûr.
Lors du califat de ‘Othman (rad), les conquêtes arrivèrent aux frontières de la Russie ; en Arménie et en Azerbaïdjan. Deux énormes armées musulmanes se rejoignirent, l’une de l’Irak, l’autre du Sham. L’armée de l’Irak récitait le Coran d’après la lecture d’Ibn Mas’oud (rad). L’armée venu du Sham, récitait quant à elle d’après la lecture d’Oubey ibn Ka’b (rad). Lorsque les uns entendirent les autres réciter : « Et accomplissez le Pèlerinage et l’Umra à la Maison (sacrée) « lilbeyt » », alors que eux disaient : « Et accomplissez le Pèlerinage et l’Umra pour Dieu « lillah » », ils se disputèrent.
Lorsque Houdhayfa ibn al-Yaman (rad), le confident du Prophète (rad), réputé pour être avant-gardiste, constata cette divergence, il quitta l’expédition et se rendit auprès de ‘Othman à Médine et lui dit : « Saisis-toi de la situation avant que les musulmans se divisent comme se sont divisés les gens du livres auparavant ! »
Troisième phase : Pendant le califat de ‘Othman ibn ‘Affan (rad). Reproduction de plusieurs copies du « moshaf » d’Abou Bakr, en se limitant à un seul mode de révélation. L’envoie de copies aux principales villes du monde musulman.
Pour mettre fin à cette discorde, ‘Othman (rad) demanda à Hafsa, que Dieu l’agrée, de lui remettre le moshaf d’Abou Bakr (rad) qui contenait les sept variantes révélées et qui, jusqu’à lors, n’était pas imposé comme seule référence. Il constitua un comité de quatre compagnons sous la direction de Zeyd ibn Thabit et comprenant trois autres : Abdoullah ibn az-Zoubeïr, Saïd ibn al-‘As et Abd ar-Rahman ibn al-Harith. Zeyd étant médinois, les trois autres qurayshites. Il leur ordonna de faire un nombre de copies du Coran en se basant sur la copie d’Abou Bakr en se limitant à un seul mode de révélation. La consigne donnée en cas de litige avec Zeyd, était d’écrire en langue qurayshite car le Coran fut révélé [2] dans leur langue. En effet, ‘Othman s’adressa aux trois qurayshites en ces termes : « Si vous divergez avec Zeyd à propos d’un passage du Coran, écrivez-le selon la langue de Quraysh, car c’est dans leur langue qu’il fut révélé »[3].
‘Othman envoya un exemplaire du « moshaf » reproduit à partir du « moshaf » d’Abou Bakr (rad) aux principales villes musulmanes : al-Koufa, al-Basra, le Sham, la Mecque, le Yémen et al-Bahreïn[4]. Il réserva deux exemplaires à Médine.
Ces « moshafs » devinrent la référence pour l’écriture du Coran. Le Coran ne pouvait être écrit autrement. L’ordre fut donné aux gens de comparer les écrits du Coran qu’ils possédaient au « moshaf » référent, de garder ce qui lui correspondait et de brûler ce qui en était différent.
Il importe de préciser que ‘Othman (rad) n’inventa rien de nouveau. Il n’inventa nullement une nouvelle écriture du « moshaf ». Tout ce qu’il fit, c’est de ramener la communauté au « moshaf » originel rassemblé par ‘Abou Bakr (rad) en se limitant à un mode de révélation.
Quatrième phase : La reproduction de plusieurs copies de ces « moshafs» et leur diffusion dans tout le monde musulman.
Un nombre incalculable de copies fut réalisé. L’extrême attention accordé au Coran et à son texte écrit fut telle que toute éventualité de modification ou d’altération fut totalement écartée.
En effet, ce qui fut écrit en présence du Prophète (saws) et reproduit fidèlement par la suite est de deux sortes : soit son écriture correspond à l’écriture habituelle des gens, soit il contient quelques différences par l’ajout ou la suppression d’une lettre, ou en écrivant le mot d’une manière mais en le lisant d’une autre à l’instar du mot الصلوة (salat) qui s’écrit avec un « waw » mais qui se lit الصلاة
Les savants ont donc recensé tous les mots du « moshaf » dont l’écriture différenciait de l’orthographe conventionnelle utilisée par les gens et les ont rassemblés dans des ouvrages consacrés à la graphie du « moshaf » (rasm al-moshaf).
Cinquième phase : apparition d’ouvrages spécialisés consacrés aux règles de la graphie « rasm » du Coran.
Les savants ont composé des ouvrages renfermant les règles de l’écriture du « moshaf » qui diffèrent des règles de l’orthographe conventionnelle.
Par exemple, nous pouvons y trouvé :
Chapitre des mots contenant un « alif » supplémentaire à l’instar de : قالوا dans tels et tels versets, لشايء dans tel verset …
Chapitre des mots contenant un « waw » supplémentaire tels que : أولئك , أولي …
Chapitre des mots contenant un « ya » supplémentaire : بأييد …
Chapitre des mots dont le « ya » a été supprimé
Chapitre de ce qui a été écrit en détaché : أَنْ لاَ
Chapitre de ce qui a été écrit en attaché : أَلاَّ
Chapitre des mots dont la lettre « ta » est écrite ouverte « mabsouta » : رَحْمَتُ à tels endroits, et رَحْمَةُ avec la lettre « ta » fermée à tels endroits …
Ainsi de suite … Tout a été minutieusement recensé. Pourquoi ? Pour éviter toute éventualité de modification, d’altération ou de perte [5] des « moshafs » originels écrits du temps d’Abou Bakr et de ‘Othman.
Par conséquent, le texte écrit du Coran fut conservé jusqu’à nos jours. Les « moshafs » que nous avons aujourd’hui entre les mains sont des copies conformes à ce qui a été écrit entre les mains du Prophète (saws). Aucune lettre n’a été modifiée. Aucune lettre n’a été rajoutée ou supprimée.
Extrait du livre « Les sciences du Coran » de Moncef Zenati
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[1] – On l’appelle Abou Khouzayma ou Khouzayma
[2] – C’est-à-dire dans sa majorité
[3] – « al-itqan” tome I p 168
[4] – le Bahreïn comprenait à l’époque les villes situés sur le littoral de l’Est de l’Arabie : le Kouweït, les émirats, le Qatar …
[5] – Certains « moshafs » de ‘Othman furent brulés dans des incendies.