La « shari’a » est caractérisée par l’humanisme dans la mesure où elle fut instaurée pour l’être humain, pour l’élever, pour préserver, développer et enraciner ses qualités humaines, pour le protéger de la domination de ses instincts primitifs sur son humanité qui le caractérise.
C’est pour cette raison que la « shari’a » a instauré des rites cultuels pour rassasier son côté spirituel, car la valeur de l’homme ne réside pas dans l’enveloppe corporelle rassasiée par l’alimentation, la boisson et les rapports charnels, mais sa valeur réside dans cette âme céleste qui habite cette enveloppe.
De même, la « shari’a » préserve la dignité et l’honneur de l’être humain comme aucun roi ni président ni parlement ne la préserve. Sa dignité lui a été accordée par Le Créateur qui a fait de lui un lieutenant sur terre, qui a fait prosterner les Anges devant lui. Il inscrit cette dignité à tout jamais dans Son Livre en disant : « Certes, Nous avons honoré les fils d’Adam » (le voyage nocturne : 70)
En plus de cette considération au côté spirituel de l’homme, la « shari’a » n’a pas négligé ses côtés matériels et temporels. En effet, elle l’incita à parcourir la terre, à rechercher la subsistance que Dieu lui octroie et à peupler la terre. De même qu’elle lui permit de jouir de ce que Dieu a créé pour lui, elle prit en considération ses pulsions charnelles en lui permettant de se marier.
La « shari’a » fit même participer la société pour pourvoir aux besoins de l’homme de façon à ce qu’aucun ne saurait vivre dans une société musulmane privé de ses besoins indispensables tels que la nourriture, les vêtements, le logement, le mariage, les soins … et autres.
Ainsi, si les revenus de l’individu sont insuffisants pour subvenir à ses besoins, il est du devoir de la société d’intervenir pour l’aider par le biais de l’assistance des proches aisés, par l’intermédiaire de la zakat obligatoire ou à travers des autres ressources de l’Etat.
La « shari’a » est donc attentive à l’homme dans toutes ses dimensions : son corps, son âme et sa raison.
Elle prit soin de son corps en lui imposant de le préserver et en lui interdisant de l’affaiblir même par l’adoration. Pour la première fois dans l’histoire des religions, elle déclare que « Ton corps a un droit sur toi », et ordonna de le soigner lorsque celui-ci tombe malade car « Celui qui fait descendre la maladie a fait descendre le remède ».
Elle prit soin de sa raison en rendant la quête du savoir obligatoire et en facilitant l’accès avec tous les moyens. Elle considéra le fait de fournir des efforts dans son acquisition comme une forme de « jihad ». Elle éleva les rangs des savants et incita à contempler l’univers. Elle réprouve l’imitation aveugle et le fait de suivre les conjectures et les passions. Elle lui a formellement interdit la consommation de tout ce qui fait perdre la raison.
Elle prit aussi soin de son âme en lui instaurant des actes cultuels. Elle lui permit d’avoir accès à Dieu sans intermédiaire ni clergé et fit en sorte que sa réussite soit entre ses propres mains : « A réussi, certes, celui qui se purifie. Et est perdu, certes, celui qui la corrompt » (le soleil : 9 – 10)
Par ailleurs, la « shari’a » est une législation humaniste dans le sens où elle fut établie pour l’homme, en tant qu’homme, en dépit de son genre, sa couleur, sa nationalité ou son rang social. Il s’agit donc d’une législation humaniste et universelle.
Ce n’est donc pas une législation arabe, bien que Mohammad (saws), celui qui l’a amené soit arabe, et bien que la langue dans laquelle elle fut révélée et retranscrite soit la langue arabe.
C’est la législation du Seigneur des hommes, pour tous les hommes, révélé dans un Livre universelle qui est le Coran à propos duquel Celui qui l’a révélé dit : « Qu’on exalte la Bénédiction de Celui qui a fait descendre le Livre de discernement sur Son serviteur, afin qu’il soit un avertisseur à l’univers » (le discernement : 1).
Le premier verset de ce Livre, juste après la « basmalah » est : « La louange est à Dieu, Seigneur de l’univers » (l’ouverture : 2). La dernière sourate de ce Livre est : « Dis : « Je cherche protection auprès du Seigneur des hommes, Le Souverain des hommes, Dieu des hommes » » (les hommes : 1 – 3)
Celui qui a apporté cette législation est un Messager universel : « Et Nous ne t’avons envoyé qu’en miséricorde pour l’univers » (les prophètes : 107), « Dis : « Ô hommes ! Je suis pour vous tous le Messager de Dieu » (al-a’raf : 158)
Ce qui est entendu par l’universalisme, c’est le fait de considérer les habitants de la terre comme étant une unité ferme et un tout indivisible.
La différence entre l’humanisme et l’universalisme est que l’humanisme est un concept moral qui élève le rang de l’homme et interdit tout ce qui provoquerait son humiliation, son intimidation, la privation ou la restriction de sa liberté, ou la transgression de sa dignité et de foi.
Selon cette définition, un système peut être humaniste mais pas universel, comme il peut être universel mais pas humaniste à l’instar des tyrans aux convoitises démesurées qui envisagèrent de conquérir le monde et de le soumettre à leur autorité, ils ne sont universalistes selon le sens noble du terme, ou alors, ils sont universalistes mais pas humanistes.
C’est pour cela que la nature humaniste de l’islam est la base de sa nature universelle dans le sens où il est universel car il est humaniste du fait qu’il ne fait aucune distinction entre un homme et un autre au sein d’une même société que par la piété, l’utilité, les bonnes œuvres et l’abstention du mal. De même, il ne distingue pas entre un homme et un autre au sein de l’ensemble des humains en dépit de sa nationalité ou de sa situation géographique, quelque soit la relation des gens avec cet homme, qu’ils l’aiment ou pas, qu’ils soient en guerre contre lui ou en paix, il n’en demeure pas moins un homme, et l’homme a des droits relevant de sa liberté et de sa dignité dont il ne peut être privé.
L’humanisme et l’universalisme de la législation musulmane se manifeste, entre autres, par le principe de la fraternité humaine. En effet, l’islam a supprimé tous les facteurs de distinction entre les gens qu’ils soient d’ordre national, ethnique ou sociale. Son discours s’adresse à tous les gens et non pas à une seule catégorie parmi eux. Il met en évidence les liens qui unissent tous les hommes : Ils sont tous les serviteurs du même Dieu qui les a créés ; ils descendent tous du même père et de la même mère. Dieu dit : « Ô hommes ! Craignez Dieu qui vous a créés d’une seul être, et a créé de celui-ci son épouse, et qui de ces deux là a fait répandre (sur terre) beaucoup d’hommes et de femmes. Craignez Dieu au nom duquel vous vous implorez les uns les autres, et craignez de rompre des liens du sang. Certes, Dieu vous observe parfaitement » (les femmes : 1)
Le terme « liens de sang » qui s’adresse à toute l’humanité, rappelle aux hommes l’âme unique de laquelle ils découlent tous.
Dieu confirme ceci en disant : « Ô hommes ! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, et Nous avons fait de vous des nations et des tribus, pour que vous vous entre-connaissiez. Le plus noble d’entre vous, auprès de Dieu, est le plus pieux. Dieu est certes Omniscient et Grand Connaisseur » (les appartements : 13)
Ce verset ne nie pas la diversité des genres, cependant, tous doivent se rappeler l’origine commune de laquelle ils émanent, de même qu’ils ne doivent pas oublier la raison de cette diversité, à savoir, l’entre-connaissance et l’entraide, non pas les querelles et les guerres.
C’est pour cette raison que le Prophète (saws) appela tous les hommes à une fraternité universelle, sans manifester une quelconque supériorité des uns par rapport aux autres et sans que les uns n’oppriment les autres. Il fit de cette fraternité l’un des principes fondamentaux de son Message, au point d’invoquer Dieu après chaque Prière en ces merveilleux termes :
« Seigneur Dieu ! Maître de toute chose et Souverain de toute chose ! J’atteste que Tu es le Seigneur Seul et sans associés.
Seigneur Dieu ! Maître de toute chose et Souverain de toute chose ! J’atteste que Mohammad est Ton serviteur ainsi que Ton Messager.
Seigneur Dieu ! Maître de toute chose et Souverain de toute chose ! J’atteste que tous les hommes sont des frères » (rapporté par Ahmed)
Moncef Zenati (d’après « madkkhal lidirasat ash-shari’a al-islamiyya » de Dr. Youssef al-Qaradawi)