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Les finalités générales de la « shari’a »

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Tous les savants à travers le temps s’accordent à dire que les prescriptions de la « shari’a » sont dans leur ensemble justifiées par une raison intelligible et visent à réaliser des finalités. Ils s’accordent également à dire que ces finalités sont en règle générale intelligibles et logiques à l’exception de quelques prescriptions d’ordre strictement cultuelles.

Seule une petite minorité de jurisconsultes à l’instar des « dhahirites » (littéralistes) ont fait exception à cette règle réfutant ainsi l’idée que les prescriptions juridiques soient liées à des causes ou à des finalités.

Tout connaisseur de la « shari’a » ne peut que constater que celle-ci a instauré ses lois dans le but de préserver les intérêts des gens, de repousser d’eux tout préjudice et de réaliser leur bonheur.

En effet, Dieu a fait du message du Prophète Mohammad (saws) une miséricorde pour toute l’humanité. Dieu dit : « Et nous ne t’avons envoyé qu’en miséricorde pour l’univers » (Sourate les prophètes : Verset 107)

Quiconque médite les prescriptions de la législation et la façon par laquelle le Coran et la Sunna motivent les lois qu’ils énoncent, constate que ces prescriptions visent à assurer l’intérêt des gens à travers ce qu’elles instaurent, y compris les actes cultuels car Dieu se passe de l’adoration de ses créatures ; leur obéissance et reconnaissance ne pourraient lui procurer un quelconque avantage, de même que leur désobéissance et ingratitude ne sauraient lui porter préjudice. Au contraire, elles subiront les conséquences de ce qu’elles produisent. Dieu dit : « Quiconque est reconnaissant, c’est dans son propre intérêt qu’il le fait, et quiconque est ingrat … alors mon Seigneur Se suffit à Lui-même et Il est Généreux » (les fourmis : 40)

La sagesse et la miséricorde divines sont telles que Dieu a demandé aux hommes de l’adorer par ce qui les réforme et leur procure le bonheur dans ce bas-monde et dans l’au-delà. C’est pour cette raison que nous lisons dans le Coran ce genre de justifications des actes cultuels fondamentaux de l’islam à la fin du verset évoquant les ablutions, Dieu dit : « Allah ne veut pas vous imposer quelque gêne, mais Il veut vous purifier et parfaire sur vous Son bienfait. Peut être seriez-vous reconnaissants » (la table servie : 6). A propos de la salat, Dieu dit : « En vérité, la salat préserve de la turpitude et du blâmable » (l’araignée : 45). A propos de la zakat, nous lisons : « Prélève de leurs biens une sadaqa par laquelle tu les purifies et les bénis » (le repentir : 103). A propos du jeûne : « Ainsi atteindrez-vous la piété » (la vache : 183). Au sujet du pèlerinage : « Pour participer aux avantages qui leur ont été accordés » (le pèlerinage : 28)

Si l’intérêt des êtres humains est pris en compte y compris dans les actes cultuels dont l’objectif premier est l’adoration de Dieu, que dire alors des affaires relevant du domaine du profane qui organisent leur vie et leurs relations au niveau des individus, des familles, des sociétés et des états ?

Aussi, les plus érudits parmi les savants musulmans affirment que la « shari’a » est instaurée afin de pourvoir aux intérêts des êtres humains dans la vie d’ici bas et dans l’au-delà.

Or, les intérêts des êtres humains que les prescriptions de la chari’a viennent assurées sont divisés en trois catégories : le nécessaire « daroura », le besoin « haja » et l’accessoire « tahsiniyyat » selon la classification des deux imams al-Ghazali et ash-Shatibi, et d’autres.

La nécessité « daroura » est ce sur quoi est fondée la vie humaine et sans quoi la vie ne peut se dérouler sainement ; son absence entraîne inévitablement le désordre et la corruption et empêche le déroulement normal de la vie. La nécessité se résume à la préservation de cinq choses vitales: la religion « ad-din », la vie « an-nafs », la raison « al-‘aql », la progéniture « an-nasl » et la propriété « al-mal ». Al-Qarafi (m 684H) rajoute une sixième chose, à savoir, la dignité ou l’honneur « al-‘ird ».

Le besoin « haja » est ce dont les êtres humains ont besoin pour mener une vie facile et confortable, et pour les aider à supporter les responsabilités et les difficultés de la vie. Son absence n’entraîne pas le désordre total, comme dans le cas de la nécessité, mais elle est une cause de gêne et de difficulté. Le besoin « haja » est ce qui permet d’épargner la gêne aux êtres humains et d’alléger leurs difficultés afin qu’ils puissent supporter leurs responsabilités, et tout ce qui facilite les relations sociales, les échanges et le travail.

L’accessoire « tahsiniyyat » est ce qui contribue à l’harmonie, aux bonnes mœurs et à la bienséance. Son absence n’empêche pas le déroulement de la vie comme celle de la nécessite, et n’est pas une cause de gêne comme l’absence du besoin. Toutefois, une vie où il manque l’accessoire paraîtra répugnante à un être humain sensible et intelligent. Compris dans ce sens, l’accessoire est tout ce qui relève des valeurs morales et des bonnes coutumes, et tout ce qui aide les êtres humains à vivre en harmonie.

L’accessoire vient compléter le besoin qui vient compléter la nécessité.

Cette classification n’est pas tirée directement d’un texte mais par induction à partir des différentes prescriptions de la chari’a. Il s’agit d’une classification logique qui correspond tout à fait à la saine nature de l’être humain.

Quant aux six composantes de la nécessité, on peut remarquer que des sanctions corporelles ont été instaurées dans le but de les préserver : la sanction contre l’apostasie pour préserver la religion, la loi du talion pour préserver la vie, la sanction relative à la consommation de l’alcool pour préserver la raison, la sanction relative à la fornication pour préserver la progéniture, la sanction contre le vol pour préserver la propriété, et sanction contre la calomnie et la diffamation pour préserver l’honneur.

Globalité de l’intérêt aux yeux de la shari’a :

L’intérêt que la « shari’a » vise à réaliser et à préserver n’est pas un intérêt purement profane comme appelle les détracteurs de la Religion, ni un intérêt purement matérialiste comme le veulent les anti-spirituels, ni un intérêt purement individuel comme le revendiquent les défendeurs du libéralisme, ni un intérêt exclusivement collectif à l’instar des marxistes, ni un intérêt limité à un territoire comme le veulent les nationalistes. Ce n’est pas non plus un intérêt immédiat pour la génération présente uniquement. L’intérêt que la shari’a vient réaliser et protéger à travers ses principes généraux et ses prescriptions détaillées est un intérêt qui englobe ce bas-monde et l’au-delà, le profane et le spirituel ; un intérêt qui présente un équilibre entre l’individu et la société, entre l’intérêt national et l’intérêt de l’humanité dans son ensemble, entre l’intérêt de la génération présente et l’intérêt des générations futurs. Aucune connaissance humaine, ni sagesse humaine, ni pouvoir humain ne serait en mesure d’assurer un tel équilibre. En effet, l’homme est incapable de cerner la nature exacte de ces intérêts et d’établir une concordance entre ces derniers en donnant à chaque chose son dû et ce, pour deux raisons essentielles :

1- Les limites de son intelligence et de ses connaissances. Ceci est dû à sa nature humaine influencée par le temps, son environnement et les facteurs d’hérédité.

2- L’influence des penchants et des passions due à sa propre personne, à la famille, à la région, à la classe sociale, à l’opinion politique ou à un sentiment de nationalisme. Chaque facteur exerce une influence d’une manière consciente ou inconsciente.

C’est pour cette raison que l’assurance de toutes sortes d’intérêts (individuels et collectifs) concernant l’être humain dans toutes ses dimensions (son corps, son âme et sa raison), les différentes classes sociales (riches et  pauvres, gouvernants et gouvernés, salariés et patrons), l’humanité dans son ensemble (blancs, noirs, nationaux et étrangers) et toutes les générations (actuelle et future) ne peut être réalisée que par le Seigneur des hommes, Le Souverain des hommes, Dieu des hommes.

C’est dans ce sens que le Commandeur des croyants ‘Omar ibn al-Khattab (rad) mit fin à la distribution des terres conquises aux soldats conquérants car il considéra ceci comme une largesse octroyée à la génération de l’époque au détriment des générations suivantes. Il dit : « Si je vous les distribuais entre vous, nos prochains n’auront rien ! » Ainsi, ‘Omar déduit des textes du Coran et de la Sunna ainsi que des finalités de la « shari’a » que l’intérêt de toutes les générations doit être préservé sans qu’une seule génération n’ait le monopole de la prospérité au détriment des générations prochaines. C’est pour cette raison qu’il œuvrait pour l’intérêt des générations suivantes comme pour la génération présente.

Ainsi, la « shari’a » pourvoit aux intérêts des êtres humains avec une globalité équilibrée et un équilibre globale. Quiconque désire comprendre la notion d’intérêt dans la législation musulmane doit le comprendre selon cette conception.

Moncef zenati, d’après « madkhal lidirasat ash_sahri’a al-islamiyya » (Introduction à l’étude de la législation musulmane)

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