Comprendre l'Islam

Qui sont les ahbaches ?

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Il s’agit d’un groupe déviant fondé par ‘Abdoullah al-Habachi. Il apparut au Liban profitant de l’ignorance et de la pauvreté laissées par la guerre civile. Il appela à revivifier les débats dialectiques et ésotériques pour diviser les musulmans et les détourner de leurs questions essentielles.

Le fondateur des Ahbaches

Il s’appelle ‘Abdoullah al-Harari, surnommé ‘Abdoullah al-Habachi : c’est ‘Abdoullah ibn Mouhammad Ash-Shaïbi al-Harari (de la ville de Harar en Ethiopie). Il est né dans cette ville dans la tribu Ash-Shaïbi (descendant de la tribu arabe des Banou Shaïbah). Il y étudia la langue arabe ainsi que le droit musulman selon l’école shafi’ite chez le sheikh Sa’id ibn ‘Abd ar-Rahman An-Nouri et le sheikh Mohamed Younous. Puis, il  quitta Harar pour aller à Joumah où il étudia chez sheikh Ach-Charif et c’est de là que commencèrent ses écarts et sa déviance puisqu’il prêta allégeance à la confrérie soufie la « Tijaniya ». Il se rendit ensuite à Dawy (région faisant partie d’Armou) où il étudia Sahih Al Boukhari et les sciences du Coran chez al-Haj Ahmad al-Kabir. Puis, il s’installa dans un village près de Dawy où il rencontra le sheikh Moufti As-siraj (élève de Youssouf An-nabahani auteur du livre Chawahid al-haq fil-istighathati bi sayidil-khalq) qui lui enseigna le hadith. A partir de là, il s’investit plus profondément dans le soufisme en adhérant à la tariqa Rifa’iyya. En 1969, c’est en Syrie puis au Liban qu’il se rendit. Ses adeptes disent qu’il s’y rendit en 1950. Mais avant, il fut la cause de grands troubles (FITNA) à l’encontre des musulmans. En effet, il collabora avec le gouverneur d’Indraji, le gendre de Haïlé Sélassié contre les associations pour l’apprentissage du Coran à Harar en 1940. Cet épisode est connu sous le nom de « fitnat bilad kouloub » (l’épreuve de la région de Kouloub). Le directeur de l’école Ibrahim Hassan fut condamné à une peine d’emprisonnement de 23 ans avec exil. Il passa le reste de sa vie à Joury où il fut exilé. A cause de la collaboration de ‘Abdoullah al-Harari avec le tyran Haïlé Sélassié, les prédicateurs et les savants furent arrêtés et humiliés, ce qui poussa un grand nombre parmi eux à fuir en Égypte et en Arabie Saoudite. C’est pour cette raison que les gens de Harar le surnommèrent « al-fattane » (le grand semeur de troubles) ou « sheikh al-fitna ».

Depuis son arrivée au Liban, il s’emploie à semer la haine et la rancœur et à répandre les troubles comme il l’a fait dans son propre pays, en diffusant une doctrine déviante et des avis juridiques marginaux, qui sèment la confusion et la division entre les musulmans.

Al-Habachi réussit à former des adeptes arrogants et extrêmement chauvins qui ne jugent musulman que celui qui se résigne à la doctrine de leur sheikh. Parmi eux, Nizar al-Halabi, le successeur d’al-Habachi et le président de l’association des projets de bienfaisance islamiques, surnommé « samahat ash-sheikh » (son éminence le sheikh). Ils le préparaient au poste de Moufti du Liban. On pouvait lire sur les murs des rues : « Non au moufti mécréant Hassan Khalid, oui au moufti Nizar al-Halabi ».

La doctrine des Ahbaches

– Les ahbaches prétendent qu’ils suivent l’école shafi’ite au niveau du droit musulman (fiqh) et du dogme (‘aqida). Mais en réalité, ils sont loin d’être fidèles à cette école.

– Al-Habachi prétend que c’est l’Ange Gabriel qui a composé les mots du Coran et non pas Dieu. Ainsi, pour lui, le Coran n’est pas la parole de Dieu mais celle de l’Ange Gabriel, comme il l’écrit dans son livre idh-har al-‘aqida as-sunniyya p 591.

– En matière de destin, les ahbaches sont coercitionnistes « jabriyya » car ils prétendent que Dieu a aidé le mécréant à le devenir, et sans Dieu il n’aurait pu être mécréant (voir an-nahj as-salim p 71).

– Les ahbaches encouragent les gens à se diriger vers les tombes, à implorer l’aide des morts et à leur demander de répondre à leurs besoins, car selon leur prétention, les morts sortiraient de leurs tombes pour répondre aux besoins de ceux qui implorent leur secours puis ils y retourneraient. De même, ils permettent la demande de protection à un autre que Dieu et ils incitent à la recherche de bénédictions à travers les pierres (voir ad-dalil al qawim p.173, boughyatou at-talib p.8 et sarih al-bayan p. 57 et p. 62). Pour eux, il est permis à quelqu’un de dire : « Je cherche protection auprès du messager de Dieu contre l’Enfer ».

– Ils accordent la prévalence à des hadiths faibles et forgés du moment qu’ils vont dans le sens de leur doctrine, et jugent faibles beaucoup de hadiths authentiques car ils les contredisent. Cela se manifeste clairement dans le livre al-mawlid an-nabawi.

– Al-Habachi insulte un grand nombre de compagnons, surtout Mou’awiya et la mère des croyants Aïcha que Dieu les agrées. Il dénigre Khalid ibn Walid et d’autres. Il dit que ceux qui sont sortis contre ‘Ali, qu’Allah l’agrée, sont morts d’une mort « jahiliya » (païenne). Il met en garde contre le fait d’excommunier quiconque insulte les compagnons, Abou Bakr et ‘Omar notamment, pour plaire aux chiites (voir livre idh-har al-aqida as-sunniyya p.182)

– Les ahbaches n’ont de cesse d’excommunier les grands savants de l’islam tels qu’Ibn Taymiya qu’ils considèrent « kafir ». D’ailleurs, al-Habashi institue du fait de considérer Ibn Taymiya kafir, comme le premier devoir de tout astreint « moukallaf » (personne responsable). C’est pour cette raison qu’il met en garde contre lui dans ses ouvrages. A noter qu’al-Habashi falsifie couramment les propos d’Ibn Taymiya lorsqu’il les cite dans ses ouvrages. Al-Habashi juge adh-Dhahabi comme mauvais « khabith ». Les ahbaches traitent la plupart des principaux savants musulmans de kuffars (mécréants) tels que Al-Qaradawi, Sayyid sabiq, Sayyid Qotb, Fayçal Mawlawi, Mohamed ibn ‘abd al-wahhab, al-Albani… Ils réservent le même traitement au penseur musulman Tariq Ramadan.

Par contre, al-Habashi considère le soufi Ibn ‘Arabi, pourtant jugé égaré, voire mécréant, par la plupart des savants, comme « sheikh al-islam ».

– Al-Habashi émet des avis juridiques marginaux.

Il permet d’utiliser les astuces légales « hiyal ash-shar’iyya ». Par exemple, les ahbaches s’interdisent la prière avec les musulmans en groupe à la mosquée. Ils se permettent d’utiliser l’astuce légale pour se justifier, à savoir, manger de l’oignon !!! Car le Prophète a interdit l’entrée de la mosquée à toute personne ayant mangé de l’oignon ou de l’ail cru. Al- Habashi a émis beaucoup de fatwas étranges permettant de contourner les lois religieuses (at-tahayoul). Il permet la vente et l’achat d’enfants libres, de ne pas donner la zakat sur les billets et pièces car seuls les deux métaux précieux l’or et l’argent sont concernés par la zakat. Il permet de manger le produit de l’usure (riba) et de prier avec des vêtements ayant des impuretés dessus (voir Boughyatou at-talib p.99).

– Les ahbaches s’acharnent à vouloir dévier la direction de la « qibla » dans toutes les mosquées sauf les leurs. Ils sont à l’origine de beaucoup de troubles aux États-Unis et au Canada, en ce qui la concerne. Ils vont même jusqu’à la dévier de 180° et donc prier à l’opposé de la qibla des musulmans car pour eux la terre est une demi-sphère. Au Liban, ils attendent que les gens prient dans les mosquées pour constituer leurs propres groupes. Ils leurs arrivent d’agresser physiquement certains imams, de faire preuve d’insolence envers eux et de faire des cours dans les mosquées sans aucune autorisation, pour y semer la division. Ils  sont à l’origine de conflits et de divisions là où ils se trouvent.

Tariq Ramadan a évoqué les Ahbaches dans son livre Etre musulman européen (p.401). Il dit:
« En guise de conclusion, il nous paraît important de relever qu’il existe d’autres courants groupusculaires en Europe qui s’apparentent le plus souvent à des sectes. Ils fondent leurs spécificités sur quelques articles de doctrine très pointus et qui peuvent les mener à vouloir se distinguer de tous les autres musulmans, voire à jeter à leur encontre un anathème généralisé. Il en existe une diversité en Grande-Bretagne, en Allemagne ou en Espagne.

Il est impossible d’en faire la liste exhaustive ici, mais nous pouvons mentionner le groupe sectaire des ahbâshs, qui provient du Liban et qui a son siège en Suisse (Lausanne) ; ceux-ci multiplient la création de centres en France.

Se présentant souvent sous l’intitulé Association de bienfaisance islamique (A.P.B.I.F), ils développent un double discours : à l’adresse de leurs interlocuteurs d’Occident, ils affirment défendre l’émancipation des femmes et la laïcité et s’opposer aux « intégristes » (autant de sujets qu’ils savent être sensibles et propres à les faire reconnaître). Ils développent cependant le discours le plus intransigeant et le plus fermé à l’intérieur des communautés musulmanes : traitant la plupart des principaux oulémas musulmans de kuffâr (qui signifie « infidèles », «impies » dans leur bouche).

Ils se fondent sur des interprétations reconnues comme déviantes par toutes les autres tendances et par tous les savants de référence (leur compréhension unique du sens des noms de Dieu, par exemple, ou l’affirmation que le texte coranique serait le produit de l’interprétation de l’ange Gabriel, ou encore la pratique de l’intercession par les morts, etc.)

Leur approche des points de doctrine, très spécifique (à l’image de ceux que nous venons de citer), est conflictuelle et le plus souvent violente. Ils sont à l’origine de nombreux troubles dans certaines villes de Suisse ou de France.

Derrière le paravent d’idées très ouvertes sur la femme, la réalité est moins rose : un homme peut contracter un mariage temporaire avec une femme sans lui dire que son intention est telle (le mariage peut durer quelques jours puisque c’était l’intention même exprimée du «mari»), l’adultère avec une «mécréante» est considéré comme un péché mineur par le fait qu’elle n’est pas musulmane. En réalité, tout le discours sur l’éthique et le comportement social est fondé sur cette distinction «musulman» (les seuls ahbâshs) et les autres (les kuffars, compris par les partisans de ce groupe sectaire comme des «mécréants» au sens le plus péjoratif).

Le fondateur, al-Harârî, basé au Liban, émet des avis juridiques (fatawa) pour ses disciples par lesquelles il soutient que mentir, voler, voire tuer un Kâfir, un mécréant, n’est pas un mal. Comme toute la communauté est considérée comme mécréante (les ahbâshs n’ont de cesse de critiquer et de jeter l’anathème sur les grands savants de l’Islam, ceux qu’ils nomment sans distinction les wahhabites ou plus largement la communauté des croyants : ils ne prient pas derrière l’imam de la Mecque, forcément mécréant également), les ahbâshs n’ont aucune gêne à mentir, à voler et à agresser à l’intérieur comme à l’extérieur des mosquées, et ils le font à l’encontre des musulmans mais aussi les autochtones des sociétés « mécréantes » d’Europe.

Leur intervention sur la scène libanaise a provoqué des dégâts : ils sont à l’origine de violentes bagarres et de tueries dans les mosquées. Ne reconnaissant pas les savants des autres tendances comme des musulmans, puisqu’ils sont explicitement des kuffars, ils sont allés jusqu’à les éliminer même s’il s’agissait de savants reconnus (comme le Dr Sobhi Sâleh). Certains de leurs responsables, membres du Parlement libanais, ont à maintes reprises fait l’éloge du président syrien qu’ils n’ont pas hésité à qualifier de saint lors de la mort accidentelle de son fils. On sait la stratégie éprouvée de Hâfez al-Assad à s’appuyer sur des groupements sectaires, au premier rang desquels on trouve son propre clan des alaouites, pour diviser et semer le trouble chez ses opposants. L’importance des moyens financiers à la disposition des ahbâshs en Europe est due à des soutiens étrangers au Liban et sans l’ombre d’un doute du pouvoir tortionnaire de Syrie. »

Moncef Zenati

Extrait du livre Les écoles doctrinales et les groupes politico-religieux de l’Islam, à paraître bientôt chez les éditions Havre De Savoir

1 Comment

  1. Don Diego Reply

    As salamu aleykum.

    Si vous avez l’intention de traduire des parties de l’encyclopédie contemporaine des groupes, des factions et des écoles contemporains, de Dr mani’ al Jouhanî avec des étudiants, alors c’est une très bonnes nouvelle. En 2 vol, cet ouvrage est divisé en 3 partie : Islam, Judaïsme et Christianisme. Il y développe les origines de chaque mouvement (FM, Noursite, Soufi…) ou secte (Chiite, Ahbache…) ou même parti politique (Baas, Hamas…) avec toutes les particularités de chacun et ses référence, etc.

    Prenez quand même garde à vous, qu’Allah fasse triompher la Vérité et préserve Ses alliés.

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