Nous rendons la Louange à Dieu, et que la Paix et la Bénédiction de Dieu soient sur notre maître Mohammad (saws) ainsi que sur sa famille, ses compagnons et ceux qui appellent selon son appel jusqu’au Jour du Jugement.
Chers nobles frères, je vous salue par une salutation bénie et agréable provenant de Dieu : que la Paix de Dieu soit sur vous, ainsi que Sa miséricorde et sa Bénédiction.
Chers frères, j’ai longuement réfléchi sur cette divergence que nous pouvons qualifier de divergence scientifique entre les groupes islamiques en Egypte premièrement, puis, deuxièmement, dans les pays du monde musulman tout entier. J’ai longuement cherché l’action qui pourrait unir les cœurs autour d’un but plus noble, autour duquel se réuniraient les âmes croyantes, vers lequel s’orienteraient les cœurs militants et sur lequel se fonderait l’éveil tant attendu.
Chers frères, l’islam est une religion d’unité et de rassemblement. Tous les versets du noble Coran ainsi que tous les hadiths du Prophète (saws) abondent dans le sens de l’unité, de l’appel à l’unité, expliquant que les croyants sont des frères et que les uns sont les alliés des autres.
Les premiers musulmans n’ont étaient forts que par cet appel global qui a uni leurs cœurs et leurs pensées autour d’un seul but. Ainsi leurs aspects, leurs actions et leurs efforts se sont unis, et leur vie a été un merveilleux exemple de la nation unie.
Par ailleurs, l’islam est une religion souple et flexible qui accorde à l’esprit un champ de réflexion et incite à l’analyse et à l’effort intellectuel. Il proclame que le « moujtahid » est récompensé en cas d’erreur et doublement récompensé en cas de justesse.
Tout ceci, chers frères, encourage les musulmans à l’analyse et à la réflexion puisque leur législation est valable de tout temps et en tout lieu. Mais cette notion ne peut se réaliser que si elle est caractérisée par la souplesse et la flexibilité qui permettent aux textes d’englober les opinions divergentes.
A partir de là, chers frères, la divergence est l’une des caractéristiques de l’islam ; une miséricorde de Dieu pour les croyants. Ce qui leur porte préjudice, c’est l’esprit de parti et l’esprit partisan pour un avis en particulier, en excluant, en dehors cet avis, toute éventualité de justesse.
Cet esprit de parti est le fléau qui anéantit l’unité musulmane. Nos prédécesseurs ont fait preuve d’une grande tolérance envers la divergence. C’est pourquoi la divergence n’a eu aucune incidence sur leur unité générale. Les musulmans sont restés un ensemble dont la construction est robuste et dont les piliers sont solides. Puis, est apparue l’ère de l’esprit de parti pour les passions et du figement sur l’avis, et cela est devenu le fléau de cette communauté spirituelle qui, jadis, avait ébloui le monde par son unicité (de Dieu) et son unité.
Chers frères, la divergence peut relever des questions subsidiaires relatives aux actions et aux actes cultuels, mais elle ne pourrait atteindre le niveau des éléments de la foi et de ses fondements. Cette divergence n’est ni gênante ni préjudiciable. Elle est dans le cadre de l’erreur et de la justesse. Si nous savons que l’auteur de l’erreur et l’auteur de la justesse sont tous les deux récompensés, alors la question devient banale, et nous pourrons, dans la fraternité et l’amour, parvenir à la vérité, et la prescription juridique pourra lever la divergence.
Mais une partie de la divergence, chers frères, relève de la foi et de ses fondements. Dans la plupart des cas, la divergence entre les groupes islamiques, en particulier en Egypte, est de ce genre. Son origine est l’absence de définition des expressions, la méconnaissance de ce que l’autre entend (par l’expression) et le fait d’être figé sur des expressions et des terminologies bien que Dieu ne nous a nullement demandé de l’adorer à travers celles-ci.
Je pense, chers frères, que si les expressions étaient définies et si chacun connait ce que l’autre entend par ces expressions, sans s’enchaîner avec des expressions et des terminologies particulières, tant que le sens visé est sain, que si nous faisons cela en essayant de rapprocher les différents points de vue, nous pourrions réunir les avis antagonistes et les pensées divergentes. Nous pourrions ainsi parvenir à un résultat louable, au minimum, de sortir du cadre de « l’incroyance et de la foi » vers le cadre de « l’erreur et la justesse ».
Ainsi, la fraternité perdurera et l’unité sera conservée.
Chers frères, les musulmans se dirigent vers un éveil attendu. Ils se préparent à accueillir une nouvelle ère. Il leur incombe prioritairement de longuement réfléchir sur leur rassemblement et sur l’unité de leurs rangs pour qu’ils ne soient pas surpris par les évènements sans s’y préparer. Aussi, j’ai voulu mettre à la portée de vue des penseurs musulmans ces principes qui à mon sens, permettront de rapprocher au maximum les différents points de vue, en plus de leur conformité à la vérité, si Dieu le veut, en espérant qu’ils les méditent amplement. Lorsqu’ils réaliseront que ces principes sont à même d’unir, nous en ferons une base pour la fraternité, unirons autour de ceux-ci les avis divergents et y renverrons les antagonistes.
– L’islam est une organisation sociale complète qui englobe tous les aspects de la vie.
– Le saint Coran et la Sunna pure sont les sources de chaque musulman désireux de connaître les règles de l’islam. Le Coran ne peut être compris qu’à la lumière des règles de la langue arabe sans raffinement superflu ni exagération de style. Quant à la Sunna pure, il faut, pour la comprendre, se fier aux transmetteurs dignes de confiance. Le raisonnement par analogie et le consensus tirent leur légitimité de ces deux sources.
– L’avis de l’imam[1] ou de son suppléant, en absence du texte sacré, dans tout ce qui supporte plusieurs interprétations et dans le domaine de l’intérêt général indéterminé, est pris en considération tant qu’il ne contredit pas un fondement de la législation islamique. Cet avis peut varier en fonction des circonstances. Ce droit est également attribué aux gens compétents autour de l’imam « ahl al-hal wal-‘aqd ».
– Chacun peut voir son avis accepté ou rejeté à l’exception de l’infaillible (al-Ma’sum : le Prophète) (saws). Aussi, tout ce qui nous est parvenu de nos prédécesseurs (salaf) (que Dieu les agrées), nous l’acceptons lorsqu’il est en accord avec le Coran et la Sunna, dans le cas contraire, la priorité est accordée au Coran et à la Sunna. Cependant, nous ne devons apostropher les personnes, dans les questions soumises à la divergence, en les vexant ou en les blessant. Nous les renvoyons à leurs intentions : elles seront menées vers ce qu’elles ont avancé. Et Toute question sur laquelle aucun travail concret ne se construit ne doit pas faire l’objet d’une étude approfondie : il s’agit là de réflexions superflues qui nous ont été interdites par les prescriptions de l’islam. Il en est ainsi de la multiplication des questions au sujet des appréciations de la législation concernant des événements improbables ou qui n’ont pas encore eu lieu, ou de l’examen approfondi du sens de certains versets coraniques dont notre science n’a pas encore atteint le niveau de compréhension, ou encore de ces débats destinés à comparer les mérites respectifs des compagnons (que Dieu les agrées) ou analyser les motifs de leurs désaccords. Or, tous ont le mérite d’avoir accompagné le Prophète (saws) et chacun sera récompensé en fonction de ses intentions. Nous nous contentons d’interpréter leurs actes de la meilleure façon.
– Toute innovation en matière de religion, non fondée, que les gens approuvent par pure passion, qu’elle soit un ajout ou une suppression, est un égarement contre lequel il faut lutter afin de l’éradiquer par les meilleurs moyens qui n’entraînent pas un mal plus grand. L’innovation par ajout (al-bid’a al-idhafiyya), l’innovation par renoncement (al-bid’a at-tarkiyya) ou l’action de s’imposer des pratiques cultuelles (al-iltizamou fil-‘ibada) sont des questions soumises à la divergence. A chaque spécialiste sa propre opinion. Cependant, rien n’empêche de chercher à établir la vérité en considérant les preuves et les arguments.
– Il appartient à tout musulman qui n’a pas atteint le niveau permettant l’interprétation des références textuelles, sur lesquels se fondent les règles de la jurisprudence, de suivre un imam parmi les imams de l’islam. En outre, il est bon qu’il s’efforce, dès lors qu’il suit cet imam, de connaître les textes auxquels ce dernier se réfère pour justifier son opinion, qu’il accepte chaque orientation accompagnée de preuves dès lors que la valeur et la compétence de l’imam se sont vues justifiées, et qu’il comble son manque scientifique s’il fait partie des gens du savoir, afin d’atteindre le niveau d’analyse des argumentations. La divergence de vue dans les domaines secondaires de la religion ne peut être la cause de scissions, et ne doit pas provoquer l’antagonisme ni la haine. A chaque spécialiste qui fournit un effort personnel (moujtahid) sa rétribution. Cependant, rien n’empêche l’analyse scientifique des points de divergence dans un climat d’amour en Dieu et de fraternité, animé par la volonté de rechercher la vérité, sans que ceci ne pousse à une dispute condamnable ni à l’intolérance et au fanatisme. Et la sentence du juge tranche la divergence.
– La connaissance de Dieu, l’affirmation de son unicité et son dépouillement de tout anthropomorphisme sont les plus nobles articles de notre profession de foi. Quant aux versets du Coran et aux hadiths authentiques qui font mention des attributs divins et de tout ce qui s’y rapporte, nous y croyons comme ils ont été formulés, sans chercher à les interpréter ou à nier les attributs divins. Nous laissons la connaissance de leur véritable sens à Dieu et nous ne nous exposons pas aux divergences des savants à ce sujet. Ce qui a suffi au Messager de Dieu (saws) : « Ils sont ravis d’un bienfait de Dieu et d’une faveur, et du fait que Dieu ne laisse pas perdre la récompense des croyants » (3 : 171).
– Aimer les vertueux, les respecter et les louer pour leurs belles actions est une façon de chercher à entrer dans les bonnes grâces de Dieu (Exalté soit-il) et les bien-aimés de Dieu (wali) sont ceux que Dieu a mentionnés dans le Coran : « Ceux qui croient et qui craignent Dieu » (10 : 63), et les choses extraordinaires (karama) qu’ils réalisent sont reconnues dans les limites établies par la législation musulmane, avec la conviction qu’ils ne détiennent pour eux-mêmes rien qui peut leur profiter ou leurs nuire de leur vivant comme après la mort. A plus forte raison, ils ne peuvent accorder rien de tout cela aux autres. La visite des tombes, n’importe lesquelles, est une pratique licite de la façon transmise par la tradition prophétique. Par contre, implorer l’aide des morts, n’importe lesquels, leurs demander de satisfaire les besoins, de loin ou de près, leurs destiner des vœux, leurs édifier des mausolées, les éclairer par des cierges et attendre des miracles à leur contact, ainsi que jurer par autre que Dieu, constituent des péchés majeurs qu’il faut combattre. Par prévention, nous n’essayons pas de donner des interprétations à ces pratiques. L’invocation de Dieu par évocation de l’un de ses serviteurs (at-tawassoul) constitue une divergence de vue relative aux ramifications de la jurisprudence concernant les modalités de l’imploration « dou’a », et ne fait pas partie des questions relatives à la croyance musulmane « ‘aqida ». La foi sincère, la saine adoration et l’effort continu intime procurent une lumière que Dieu projette dans le cœur de qui Il veut parmi ses serviteurs. Par contre l’inspiration, les sentiments mystérieux, les visions ainsi que les rêves ne constituent pas des sources de législation islamique, et ne peuvent être pris en considération qu’à condition de ne pas entrer en contradiction avec les principes de la religion ni avec ses textes. Les talismans, les incantations[2], les fétiches, la voyance, la prédiction, prétendre connaître les secrets de l’invisible et tout ce qui s’y rattache sont des actions réprouvées contre lesquelles il faut lutter, à l’exception des versets coraniques ou d’une incantation transmise par la tradition prophétique.
– On n’excommunie pas un musulman qui a prononcé les deux attestations de la foi, qui agit en conformité avec celles-ci et qui observe les obligations religieuses, pour la seule cause d’une opinion formulée ou d’un péché commis, et si cette personne n’avait pas d’elle-même exprimé sa non-croyance ou nié un élément reconnu comme impératif et essentiel à la religion, ou réfuté ce qui est clairement énoncé dans le Coran ou interprété ses textes d’une façon que les règles de la langue arabe ne peuvent le permettre en aucun cas, ou commis un acte qui ne peut être interprété autrement que par la non-croyance.
– Et enfin, l’islam, chers frères, libère la raison et incite à la contemplation de l’univers. Il élève le rang de la science et de ceux qui la détiennent. Il est ouvert au fait de prendre de chaque chose ce qu’il y a de bon et utile, et proclame que : « La sagesse est le but du croyant, il en est le plus digne, quel que soit le lieu où il la trouve ». Le domaine religieux et celui de la raison ne pourrait se contredire au sujet de ce qui est établi d’une manière catégorique. Aucune règle scientifique catégorique ne pourrait contredire une règle religieuse.
C’est ce que je voulais vous expliquer, chers frères, et présenter aux penseurs parmi les hommes religieux, à son éminence le professeur suprême, sheikh d’al-Azhar, au vénérable comité des grands savants en premier lieu, dans la mesure où al-Azhar représente l’instance islamique officielle chargée d’élucider les vérités et orienter les gens vers celles-ci, et aux penseurs musulmans individuellement et collectivement.
Que la Paix et la Bénédiction de Dieu soient sur notre maître Mohammad (saws) ainsi que sur sa famille, ses compagnons et ceux qui appellent selon son appel jusqu’au Jour du Jugement.
La Louange est à Dieu qui par Ses bienfaits s’accomplissent les bonnes œuvres.
L’imam Hassan al-Banna
Texte original tiré du livre « hadith ath-thoulatha » (discours du mardi)
Texte traduit par Moncef Zenati
[1] – Imam, au sens de responsable politique.
[2] – Incantation : traduction du mot arabe « rouqya », au pluriel « ar-rouqa » ; il s’agit de formules magiques, chantées ou récitées pour obtenir un effet de guérison surnaturel. Les incantations qui font l’objet de réprobation dans ce principe sont les incantations polythéistes.