Au lendemain de l’annonce de l’interdiction par trois maires français du burkini sur les plages de leurs communes, la presse étrangère réagit vivement à la polémique. Pour de nombreux commentateurs, la France se trompe de cible.
Dans le sillage du maire de Sisco, en Corse, où ont eu lieu de violents incidents samedi 13 août, plusieurs maires français ont pris des arrêtés pour interdire le port du burkini dans leurs communes. Principale raison invoquée : “Eviter les troubles à l’ordre public”, comme a plaidé le Premier ministre Manuel Valls dans une interview accordée à La Provence publiée ce mercredi. Ces mesures et la polémique qui l’accompagnent depuis plusieurs jours font réagir de nombreux titres de la presse internationale.
Bien que considérée comme plutôt conservatrice, la chroniqueuse du Washington Post Kathleen Parker estime que les maires français qui ont choisi d’interdire le burkini sur les plages se trompent de combat. On peut comprendre les tensions qui agitent la France à la lumière des récents événements (attentats de Nice et de Saint-Etienne-du-Rouvray), mais il est difficile de concevoir que le modeste port du burkini soit “devenu une offense pour la majorité de la société française”, dit-elle.
« Le burkini offre un sujet d’étude intéressant sur la métamorphose d’un symbole et de son instrumentalisation pour légitimer d’autres croyances et actions.”
L’interdiction du burkini ne s’explique que par une raison : l’islamophobie, selon la Süddeutsche Zeitung. Le quotidien de Munich, de centre gauche, rappelle que ce maillot de bain “n’est pas une burka” : il ne couvre pas le visage et ne se heurte pas aux valeurs d’une société occidentale. Le bannir des plages ne cherche donc pas “à libérer la femme et à défendre la laïcité, mais signifie plutôt ‘nous ne voulons pas de vous ici’”. Ainsi, juge le quotidien sur un ton sévère :
« L’interdiction du burkini n’est pas le résultat d’un consensus forgé par un débat éclairé. Elle est le produit d’une islamophobie nourrie par les attentats terroristes et d’une politique de stigmatisation soutenue par [des] maires aux idées courtes. »
Alors que le débat sur l’opportunité d’interdire le burkini émerge aussi en Flandre, le quotidien néerlandophone de centre droit De Standaard lit dans la réaction des édiles un aveu d’échec. “Au nom de la liberté et des valeurs occidentales, on dicte à des gens ce qu’ils doivent porter sur la plage.” Ce que montre cette polémique, qui“voit une menace partout”, c’est “un fébrile manque de confiance en soi”.
En Espagne, où le port du Burkini est autorisé, la presse s’intéresse aussi de près au sujet. Pour le quotidien conservateur ABC aussi, les maires français se sont trompés d’arguments. Ce n’est pas une question de laïcité, ni d’hygiène ou d’ordre public. Cela a à voir avec les questions d’égalité hommes-femmes. “L’utilisation du burkini dans les pays libres menace la liberté des femmes. Les musulmanes de familles fondamentalistes n’ont pas la liberté de choisir. Le burkini leur est imposé. Et elles sont face à l’inégalité d’être obligées de cacher leur corps alors que les hommes peuvent le montrer”, écrit l’éditorialiste.
Une longue tradition du contrôle
De fait, comme le souligne encore l’éditorialiste du Washington Post Kathleen Parker, la polémique française autour du burkini s’inscrit dans “une longue tradition du contrôle des vêtements de plage des femmes par les hommes”. Pour elle, “le burkini est devenu le drapeau des confédérés de la France”.
« Comme le drapeau des confédérés, le burkini signifie des choses différentes pour les gens, mais il est devenu un symbole puissant de l’affrontement culturel entre patriotes français et immigrés musulmans au point de devenir un élément déclencheur pour tous ceux qui veulent monter sur les barricades. »
Première publication ici