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Cheikh Al-Qaradawi démissionne du comité des grands savants d’al-Azhar

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La démission de cheikh Youssef al-Qaradawi du comité des grands savants d’al-Azhar a constitué une nouvelle déchéance pour le coup d’état militaire en Egypte, et un coup dur pour le cheikh d’al-Azhar Ahmed al-Tayyeb qui a donné une légitimité religieuse au crime majeure ; le crime du coup d’état qui a engendré de graves crimes et de lourdes transgressions. Cette démission apporte également à la révolution populaire une nouvelle impulsion, qui ne cesse de prendre de l’ampleur et de s’organiser dans toute l’Egypte, contre le clan de l’armée.  Il s’agit d’un évènement majeur et une étape décisive dans son parcours et sa lutte de longue haleine contre la dictature. Cette dimension est aussi une leçon pour de nombreux savants qui ne cessent de justifier leur silence devant les actes odieux et horribles perpétrés par les gouverneurs par diverses excuses telles que « la sagesse », « La crainte du désordre », « l’obéissance aux gouverneurs », « la mesure préventive », « l’accomplissement des moindres des maux », provoquant perte des droits, effusion des sangs et atteinte contre l’honneur. Les ennemis ont occupé le pays et y ont semé la corruption alors qu’un grand nombre de ces « savants » cherchent des excuses à leur impuissance de résister contre la tyrannie, calomnient ceux qui s’y opposent et se rallient aux positions des politiques en se justifiant par des textes juridiques sélectionnés en oubliant les autres, ou en les interprétant selon le désir et les passions du politicien. La démission de l’érudit al-Qaradawi est venue donner une claque à ces gens enorgueillis par leurs titres glorieux bénéficiant des dons et des distinctions généreusement octroyés par le gouverneur.

Parmi les points importants évoqués par al-Qaradawi dans sa lettre de démission, figure  le rappel aux gens de l’histoire d’al-Azhar qui fut depuis la prise de sa direction par Salah ad-Dine al-Ayyoubi (Saladin) le guide de la nation aux niveaux de la religion, de la culture et de la réforme. Lorsque ses grands savants parlaient, les cœurs vibraient, les sens obéissaient et les peuples marchaient derrières leurs leaders en brandissant l’étendard de l’islam. Al-Azhar accueillait tous les enfants du monde musulman avec les différentes écoles sunnites hanafite, malikite, shafi’ite et hanbalite, formant des savants d’action, qui appellent à Dieu avec clairvoyance, orientent les gens sur preuve et qui n’hésitent pas à dire aux gouverneurs : Craignez Dieu et préservez Sa religion.

Le cheikh rajoute qu’al-Azhar n’a cessé d’accomplir cette mission en « honorant son engagement, et en faisant preuve de loyauté envers Dieu, envers Son Messager, envers Son Livre, envers les dirigeants des musulmans et envers tous les musulmans et ce, à l’époque des Mamlouks, des turcs, du Khédivat d’Egypte (un état tributaire autonome de l’empire Ottoman) et des rois. Al-Azhar a mené la révolution contre l’occupation française et britannique et a toujours été le leader du peuple, jusqu’à la révolution qui a changé son état ».

Pour expliquer les motivations de sa démission, il était nécessaire que le cheikh aborde l’histoire de cette prestigieuse institution religieuse pour la comparer à ce qu’elle est devenue, donnant par-là une leçon aux autres savants. Il dit : « Lorsque nous avons été éprouvés par un Azhar qui n’est pas al-Azhar, qui suit le courant et efface les vices des menteurs et des pervers, il fallait que les savants libres aient une position émanant exclusivement du Coran et de la Sunna ». La cause est donc claire. Al-Azhar est devenu un instrument de la dictature. Or, al-Azhar n’est pas une simple station de télévision qui fait la propagande du pouvoir en place, ni une revue de presse qui produit les mensonges, il s’agit de la plus grande institution religieuse de l’Egypte et du monde musulman. Donner une légitimité à l’injustice, à l’oppression et aux massacres collectifs dépasse en gravité les réseaux de la propagande officielle et la presse dominante. C’est pourquoi, la position d’al-Qaradawi fut catégorique, directe et percutante : « Moi, Youssef ‘Abdoullah al-Qaradawi, présente au grand peuple égyptien ma démission du comité des grands savants, car al-Azhar lui appartient et n’appartient pas au cheikh d’al-Azhar et étant donné que je considère que la fonction de cheikh d’al-Azhar ainsi que les fonctions qui s’y rapprochent, ont été violées par la force des armes au profit du coup d’état militaire, agresseur et maudit, tout comme la fonction de la présidence. Le jour ou le peuple retrouvera sa liberté et que les choses seront rendues à leurs ayants-droit, il appartiendra à ses savants de choisir leur cheikh et le comité des grands savants selon leur volonté libre et indépendante pour qu’il s’exprime et qu’ils s’expriment en leurs noms et non pas pour qu’il s’exprime en son nom en les excluant »

Al-Qaradawi affirme qu’il n’a nullement besoin d’être membre du comité des grands savants. A 88 ans, il n’a plus besoin d’aucune fonction. Il n’a d’autre aspiration que de voir la nation reprendre sa place « et il incombe à al-Azhar libre d’être l’un de ses principaux piliers.

Le cheikh dit avoir pris l’initiative de proposer son aide à Ahmed al-Tayyeb, cheikh d’al-Azhar, depuis sa nomination, en faisant abstraction de ce qu’il avait fait du temps où il était le président de l’université d’al-Azhar lorsqu’il avait accusé ses étudiants dont ils étaient complètement innocents et ce, pour rentrer dans les grâces de Moubarak, et en oubliant qu’il est membre du parti national démocrate, même membre du comité des politiques du parti. Mais al-Tayyeb a insisté pour « se jeter dans les bras du courant du coup d’état qui a sapé la révolution du 25 janvier et tout ce qu’elle a apporté au pays : liberté, dignité, démocratie, consultation, constitution, nouvel état civil, état des institutions, tout cela détruit par le coup d’état. Al-Azhar n’a pas été fondé pour cela, et le comité des grands savants n’a pas été créé pour cela »

Sans doute, al-Qaradawi a pris conscience, tout comme les millions d’arabes et musulmans, de la tragédie en voyant le cheikh d’al-Azhar destituer un président musulman connaisseur du Coran, élu par le peuple, en ayant à ses côtés la pape copte et un militaire traitre que le président trahi a rapproché et honoré. Le cheikh dit : « Nous avons été scandalisés, et le peuple égyptien a été scandalisé par la participation du cheikh dal-Azhar à l’instauration du coup d’état et par son piètre communiqué dans lequel il a déclaré avoir choisi de commettre le moindre des deux maux. Et quel est ce mal qui est plus grand et plus lourd que l’abolition de la démocratie élue et la prise du pouvoir de l’armée ? »

Al-Qaradawi poursuit l’exposition de la vérité en disant : « J’ai attendu des jours alors que j’étais en Egypte, avant d’annoncer mon avis personnel, peut-être que le cheikh d’al-Azhar allait-il convier à une réunion du comité des grands savants pour qu’il exprime son avis au sujet des évènements graves que connaît l’Egypte. Mais, il ne l’a pas fait. J’ai donc émis une fatwa indépendante dans laquelle j’ai exprimé ma position en soutenant la vérité à laquelle je crois. Dr. Hassan ash-Shafi’i, le représentant de cheikh d’al-Azhar et le président du comité linguistique, et Dr Mohamed ‘Amara, le penseur musulman libre, qui sont avec nous, membres du comité des grands savants ont fait la même chose. Cheikh d’al-Azhar aurait du, après l’apparition de plusieurs avis appartenant à des membres du comité des grands savants, réunir le comité pour adopter une position à l’unanimité ou à la majorité et l’annoncer au peuple égyptien, afin de triompher la vérité et anéantir le mensonge, en dépit de la répulsion qu’en a les criminels »

Mais cheikh al-Azhar a persisté à ignorer ses responsabilités, en se contentant de son avis personnel au sujet d’un évènement qui touche toute la nation. Al-Qaradawi s’interroge à juste titre : « Quand le comité va-t-il se réunir s’il ne se réunit pas après ses tueries qui ont effrayé le peuple égyptien devant les locaux de la gendarme nationale, à al-Minassa, à Rabi’a, à an-Nahda, où le sang de milliers de musulmans a été effusé ? Quand va-t-il se réunir s’il ne se réunit pas alors que le pays est en train de subir ce qui ressemble à une colonisation : les honnêtes citoyens, hommes et femmes, sont conduits en prison, la sacralité des mosquées est violée, les universités sont pris d’assaut, plus de 700 étudiants d’al-Azhar ont été renvoyés dont certains on été condamnés à 17 ans de prison, et des étudiants à Alexandrie ont été condamnées à 11 ans de prison, ce qui ne s’est jamais produit en Egypte. Les savants sont emprisonnés, les chaines de télévision religieuses ont été fermées et on tire sur les gens avec des balles et des bombes lacrymogènes.

Al-Qaradawi insiste sur le fait qu’il a conseillé Al-Tayyeb, à maintes reprises, de revenir à la vérité et de se désolidariser du clan de l’armée. Il a même fait appel à des intermédiaires entre eux deux, mais il n’a pas répondu. Comment cheikh al-Azhar a-t-il pu accepter de se ranger du côté du coup d’état sanguinaire qui a commis des massacres et qui a fait, selon les propos d’al-Qaradawi, ce que Nasser, Sadat et Moubarak n’ont pas fait en soixante ans »

Le cheikh appelle tous les êtres libres à déclarer avec courage leur refus de ce qu’il se passe en Egypte. Il appelle également les grands savants à démissionner de ce qui comité qui est mort et devenu une dépouille inerte, en affirmant le besoin d’un comité scientifique indépendant, choisi par les savants et non pas par son cheikh.

Le cheikh rappelle que Dieu soutient les nations qui établissent la justice, même si elles sont incroyantes, et fait disparaître les nations injustes, même si elles sont musulmanes, indiquant par-là que les Arabes du Golfe qui ont soutenu le clan du coup d’état ne pourront pas continuer à le soutenir et finiront pas se désolidariser de ces gens qui « leur ont menti en disant qu’il ne s’agit que d’une affaire de quelques semaines … les frères musulmans, les islamistes et leurs adeptes disparaitront. Mais Dieu les a fait mentir ».

A la fin de son communiqué, le cheikh s’attend à subir des campagnes de dénigrement « subventionnées », mais il les devancent en évoquant le verset : « Ceux qui transmettent les messages de Dieu, Le craignent et ne redoutent nul autre que Dieu. Et Dieu suffit pour tenir le compte de tout » (33 : 39). Avant quelques mois, al-Qaradawi avait déclaré : « Les savants de l’Arabie Saoudite ont fait preuve de plus de maturité et de clairvoyance que moi car ils ont connu ces gens-là (les chiites) sous leur vrai jour … Ces extrémistes et fanatiques (en Iran) veulent broyer les sunnites, ils se moquent des sunnites … Nasrallah a donné à son parti le nom de « parti de Dieu » (hizboullah), alors qu’en réalité il s’agit du parti du « taghout » (fausse divinité) et du parti de Satan ». La presse saoudienne et les dignitaires saoudiens se sont réjouis de cette déclaration. Nombreux sont ceux qui ont profité de l’occasion pour dénigrer le cheikh. Que vont-ils dire aujourd’hui ? Bien sûr, cette démission ne va pas leur plaire et ils vont faire du tapage autour de celle-ci. Mais telle est l’attitude des adeptes des coups d’état, il croit en une partie de la vérité et en rejette une autre «  Mais si la vérité est en leur faveur, ils viennent à elle en toute soumission » (24 : 49)

Ahmed ibn Rashid ibn S’ayyid
Traduit par Havre De Savoir

6 Comments

  1. Cette homme na jamais critiqué le Qatar! Bizarre avec tout ce qui ce passe la bas!!!
    Charlatant :@

  2. Salam Que Dieu bénisse ce courageux et honnête Homme qu’est Al-Qaradawi et ce peuple ce beau peuple d’égyptien. Quelle tristesse qu’un musulman tue un autre musulman.

  3. abd el badii Reply

    mais Qaradaoui est lui aussi fautif d’une soumission totale au souveraint absolu du Qatar qui enferme les poètes, les opposants et tolère l’esclavage des immigrés. Sans parler des guerres imposées aux peuples de Libye et de Syrie qui pleurent sous les crimes des antijihadistes financées par les pétromonarchies. Facile de critiquer l’Egypte de Doha, plus difficile de critiquer le Qatar de Doha …

    • Salam;

      Cheikh al-Qaradawi a toujours dit ce qu’il pensait, il a critiqué l’Égypte d’Égypte et a goûté à la prison de Nasser à plusieurs reprises, puis il a critiqué le Qatar de Doha à plusieurs reprises, en critiquant sévèrement, notamment, les rapports du prince avec Israël (il faut se renseigner avant de dire ou plutôt répéter n’importe quoi)Il a consacré toute sa vie au service de l’islam et de la communauté musulmane, et toi qu’as-tu fait? Quant à la Libye et la Syrie, libre à toi de soutenir les tyrannies. je paris que tu soutiens également le général Sissi ….

  4. assalam aalaykoum,
    Il serait intéressant d’écrire incha Allah un article sur la rébellion d’un peuple face à un gouvernement: quand est-elle autorisée, recommandée, interdite ou obligatoire?

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