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Congrès de l’UOIF : invité, j’y suis allé sans être l’idiot utile de l’islamisme

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RAMF2013

J’ai de nouveau été invité au rassemblement annuel des musulmans de France (RAMF) organisée par l’Union des organisations islamiques de France (UOIF) au Bourget ce week-end. Je m’y suis rendu comme depuis quatre ans avec plaisir et curiosité.

Plaisir parce que je suis reçu avec chaleur, que j’ai toujours été entièrement libre de mes interventions et que je n’y ai jamais entendu aucun propos excessif, antisémite, raciste ou anti-républicain, contrairement à ce que l’on entend trop souvent. Avec curiosité parce que c’est le plus important rassemblement européen des musulmans et qu’il me semble intéressant d’en sentir la température.

Se revendiquer comme musulman et prôner la tolérance

J’y ai débattu avec le rappeur Medine, avec lequel j’ai fait un livre d’entretien intitulé « Dont panik », paru l’an dernier chez Desclée de Brouwer. Medine est un rappeur de 30 ans engagé, fier d’appartenir à sa communauté mais qui n’est en rien communautariste et plaide au contraire contre l’enfermement communautaire. Il est ouvert sur le monde et sur les autres.

Je suggère à tous ceux qui ne le connaissent pas d’écouter sa musique et plus encore de lire ses textes. Il montre qu’on peut se revendiquer comme musulman en prônant la tolérance et la recherche du dialogue avec les autres. Bref, d’être soi-même sans animosité mais sans se courber.

Medine est très populaire dans la communauté musulmane française et francophone, bien plus que d’autres représentants que les médias voudraient imposer de l’extérieur et qui n’ont aucune légitimité interne. Le débat avec Medine était consacré au « vouloir vivre ensemble » et à la paix.

Medine tient un discours à la fois mobilisateur et apaisant. Il conseille aux musulmans qui se sentent agressés de ne pas réagir de façon excessive mais de rester droits et ne pas se courber. Son slogan « Don’t panik » est un message de tolérance, d’ouverture sur les autres mais aussi de dignité revendiquée.

À un moment où certains responsables politiques et la plupart des médias recherchent désespérément un « islam modéré » qui est en fait un islam courbé, ils feraient bien de chercher vers Medine plutôt que dans la vision inventée et falsifiée de l’imam Chalgoumi, star des médias mais rejeté par les siens.

Inquiets de la stigmatisation des musulmans

Les participants au 30e rassemblement annuel des musulmans de France sont toujours inquiets de la stigmatisation dont les musulmans sont l’objet en France. Ils vivent résignés le fait que, bien que la gauche ait très longtemps dénoncé les lois de circonstances de Nicolas Sarkozy, une nouvelle loi sur la laïcité se profile à la demande de la gauche, à la suite d’un arrêt de la Cour de cassation qui a donné raison à une employée de la crèche Baby-Loup qui voulait porter le voile.

De nouveau, les politiques parlent de laïcité en termes généraux. De nouveau, ils visent précisément et uniquement les musulmans. Cette future loi est vécue comme une stigmatisation mais aussi comme une diversion face aux problèmes sociaux, peut-être plus urgents mais plus difficiles à résoudre.

Cela est vécu douloureusement comme une hypocrisie, qui prend de surcroît les musulmans pour des imbéciles.

L’organisation de la RAMF n’est pas tout à fait professionnelle. Ce sont des bénévoles qui ne comptent pas leur temps qui s’en occupent. Ces bénévoles sont insérés dans la vie professionnelle. Ils sont ingénieurs, docteurs, avocats, chauffeurs de taxis, etc. Et sont parfaitement au courant de l’actualité. On ne peut leur faire prendre des vessies pour des lanternes et une vision falsifiée de la laïcité pour une défense des libertés.

Individuellement, ils sont reconnus et insérés dans la société. Collectivement, ils sont rejetés. Ils sont assez éduqués pour percevoir le deux poids deux mesures dont ils sont victimes. Ils se demandent amèrement pourquoi aucun responsable politique ne répond à leur invitation et font une comparaison avec le dîner du Crif.

Évitons l’enfermement communautaire

Je suis pas d’accord avec toutes les positions de l’UOIF. On m’y invite, je suis libre de mes propos, je réponds à l’invitation. Lorsque le sujet est évoqué, je plaide pour le droit à l’existence d’Israël aux côtés d’un État palestinien à créer et pour le fait de ne pas importer le conflit israélo-palestinien en France et je souligne la diversité d’opinion des juifs français sur cette question.

Je sens leur besoin de reconnaissance et  d’acceptation. L’accueil hyper enthousiaste qui a été fait aux élèves du lycée d’Averroès, le premier lycée d’enseignement privé musulman en France qui a été récemment mis au premier rang de tous les lycées de France, est un indice fort de la volonté de ces musulmans d’être reconnus et acceptés dans la société française. Loin de la rejeter, ils souhaitent en être acceptés en cessant de servir de punching-ball aux démagogues de tous poils.

Les responsables politiques qui boycottent ce rassemblement annuel confortent le communautarisme qu’ils dénoncent par ailleurs. Comment éviter l’enfermement communautaire si aucun responsable non musulman n’accepte de venir dialoguer ? Ne faudrait-il pas prendre en compte ce sentiment de rejet qu’une partie de nos compatriotes ressent aussi fortement et qui s’enracine au fil des ans ? Peut-on parler d’intégration (le terme est déjà curieux pour une partie des gens qui sont en France depuis plusieurs générations) tout en refusant le dialogue et le contact ?

Pour ma part, je continuerai de participer à ce rassemblement à l’avenir en rejetant les accusations débiles (et orientées) d’être l’idiot utile de l’islamisme et en pensant faire œuvre utile pour le « vouloir vivre ensemble ».

Par Pascal Boniface. Premier parution sur Le Nouvel Obs

1 Comment

  1. Ce que vous avez vu et vécu au bourget (UOIF) est la vraie image de l’islam. C’est un grand plaisir pour nous de vous recevoir et de recevoir tout celui qui a la curiosité saine de connaitre l’islam.

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