D’après Ibn ‘Omar (rad), le Messager de Dieu (saws) dit : « J’ai reçu pour commandement de combattre les gens jusqu’à ce qu’ils attestent qu’il n’est de Dieu que Dieu et que Mohammad est le Messager de Dieu, accomplissent la Prière et s’acquittent de la Zakat. S’ils le font, ils préserveront de moi leur vie et leurs biens sauf infraction des lois de l’islam, et à Dieu incombe leur jugement » (rapporté par al-Boukhari et Mouslim)
Commentaire du Hadith
Le sens de ce hadith est rapporté de plusieurs manières :
– Al-Boukhari rapporte d’après Anas que le Prophète (saws) dit : « J’ai reçu le commandement de combattre les gens jusqu’à ce qu’ils attestent qu’il n’est de dieu que Dieu, et que Mohammad est Son serviteur et Son Messager. S’ils attestent qu’il n’est de Dieu que Dieu et que Mohammad est le Messager de Dieu, accomplissent notre Prière, se dirigent vers notre « qibla » et mangent ce que nous immolons, alors leurs vies et leurs biens nous sont inviolables sauf pour une cause légitime ».
– Al-Boukhari et Mouslim rapportent d’après Abou Hourayra que le Prophète (saws) dit : « J’ai reçu pour commandement de combattre les gens jusqu’à ce qu’ils disent : Il n’est de dieu que Dieu. Aussi, quiconque dit : Il n’est de dieu que Dieu, préserve de moi ses biens et sa vie, sauf pour une cause légitime, et son jugement incombe à Dieu ». Dans une autre version rapportée par Mouslim : « jusqu’à ce qu’ils attestent qu’il n’est de dieu que Dieu et croient en moi ainsi qu’en ce que j’ai apporté »
– Mouslim rapporte également ce hadith d’après Jabir ibn ‘Abdillah selon des termes identiques au hadith relaté par Abou Hourayra mais y ajoute : « Puis, il récita : « Rappelle donc ! Tu n’es qu’un rappeleur, et tu n’est point un dominateur sur eux » (L’enveloppante, Versets 21-22)
– Mouslim rapporte aussi d’après Abou Malik al-Ashja’i, d’après son père qui dit : « J’ai entendu le Messager de Dieu (saws) dire : « Quiconque dit : il n’est de dieu que Dieu, et nie tout ce qu’on adore en dehors de Dieu, rend inviolables ses biens et sa vie, et son jugement incombe à Dieu, Exalté soit-Il »
L’ensemble des versions de ce hadith indique que le Prophète (saws) se contentait des deux attestations de la foi pour accepter la conversion à l’islam de quiconque, rendant inviolables, grâce à celles-ci, sa vie et ses biens. D’ailleurs, il réprouva sévèrement Ousama ibn Zayd lorsque celui-ci tua un homme pendant le combat alors que ce dernier avait attesté qu’il n’est de Dieu que Dieu.
Ainsi, le Prophète (saws) ne posait pas comme condition d’acceptation de la conversion à l’islam l’accomplissement de la prière et de la Zakat. Au contraire, on rapporte qu’il accepta la conversion à l’islam de gens bien que ces derniers posèrent comme condition de ne pas s’acquitter de la Zakat. En effet, l’imam Ahmed rapporte dans son « mousnad » que Jabir dit : « La tribu de Thaqif posa au Messager de Dieu (saws) la condition de n’accomplir ni Zakat ni Jihad. Le Messager de Dieu (saws) dit : « Ils s’acquitteront plus tard de l’aumône et accompliront le jihad »
L’imam Ahmed rapporte également d’après Nasr ibn ‘Açim al-Laythi (m 89H) qu’un homme, membre de la même tribu que lui, vint voir le Prophète (saws) pour se convertir à l’islam à condition de n’accomplir que deux Prières, et le Prophète (saws) accepta.
L’imam Ahmed se réfère à ce hadith pour dire que la conversion à l’islam selon une mauvaise condition est valide. La personne sera tenue d’observer toutes les lois de l’islam par la suite.
Cela ne signifie nullement que le Prophète (saws) approuvait que quiconque entre en islam délaisse la Prière ou la Zakat. En effet, lorsqu’il envoya Mou’adh au Yémen, il lui commanda de les appeler tout d’abord à attester qu’il n’est de dieu que Dieu, puis il lui dit : « S’ils obéissent à ceci, informe-les de la Prière puis de la Zakat ». Cela signifie que quiconque devient musulman sera appelé à accomplir la Prière, puis à s’acquitter de la Zakat. D’ailleurs, quiconque interrogeait le Prophète (saws) sur l’islam, il lui citait les deux attestations de la foi ainsi que les autres éléments constitutifs de l’islam.
Ainsi, en considérant les différents termes du hadith de ce chapitre, il est évident qu’en prononçant les deux attestations de la foi, tout individu est préservé et devient musulman. Une fois devenu musulman, s’il accomplit la Prière, s’acquitte de la Zakat et des autres devoirs religieux, il aura les mêmes droits et devoirs que ceux de l’ensemble des musulmans. Par contre, s’il délaisse l’un des piliers, et s’il s’agit d’un groupe de personnes doté d’une force, ils seront combattus. Chaque Etat a des éléments constitutionnels qui ne peuvent faire l’objet de concession et dont le délaissement implique une réaction ferme de l’Etat.
Al-Boukhari et Mouslim rapportent qu’Abou Hourayra dit : « Lorsque le Prophète (saws) décéda, lorsque Abou Bakr (rad) fut désigné comme calife et lorsque certaines tribus arabes apostasièrent, ‘Omar dit à Abou Bakr : « Comment combats-tu les gens alors que le Messager de Dieu (saws) dit : « J’ai reçu pour commandement de combattre les gens jusqu’à ce qu’ils disent : Il n’est de dieu que Dieu. Aussi, quiconque dit : Il n’est de dieu que Dieu, préserve de moi ses biens et sa vie, sauf pour une cause légitime, et son jugement incombe à Dieu » ! Abou Bakr dit : « Par Dieu ! Je combattrais quiconque sépare la Prière de la Zakat, car la Zakat est le droit relatif aux biens. Par Dieu ! S’ils refusaient de me donner un cordon qu’ils avaient l’habitude de donner au Messager de Dieu (saws), je les combattrais pour leur refus » ‘Omar dit alors : « Par Dieu, je ne tardai pas à comprendre que c’est Dieu qui mit dans le cœur d’Abou Bak l’idée de combattre, je sus alors qu’il avait raison »
Ainsi, Abou Bakr tira la légitimé du combat de l’expression « sauf pour une raison valable », cela signifie qu’il est permis de combattre quiconque a prononcé les deux attestations pour une raison valable. Alors que ‘Omar pensait que la simple prononciation des deux attestations rendait la vie inviolable en se tenant à la signification générale du hadith précité. Puis, il se rallia à l’avis d’Abou Bakr.
Certains pensent que ce hadith serait une déclaration de guerre contre tous les gens jusqu’à ce qu’ils deviennent musulmans. Cela reflète une ignorance flagrante des règles de la langue arabe.
En effet, l’article défini « ال» (al-nas) dans le hadith est « al al-had » (qui exprime une particularité) et non pas « al al-jins » (qui exprime la généralité ou le genre). L’article « al al-‘ahd » désigne une chose qui est préalablement connu de celui qui parle et connu de l’interlocuteur, c’est donc le contexte qui désigne cette chose. Ainsi, le terme « al-nas » (les gens » ici, désigne les idolâtres mecquois en guerre contre le Prophète (saws) et contre les musulmans. On ne peut donc généraliser cette expression pour l’étendre à tous les non-musulmans du monde !
Par ailleurs, l’incroyance n’est pas en soi une cause permettant le combat. Les textes coraniques et prophétiques indiquent explicitement que la seule motivation au combat est le fait de repousser l’agression. Dieu dit : « « Combattez dans le sentier de Dieu ceux qui vous combattent, et ne transgressez pas. Certes Allah n’aime pas les transgresseurs » (La vache, Verset 190), « Et s’ils cessent donc, plus d’hostilité, sauf contre les injustes » (La vache, Verset 193), « Quiconque transgresse contre vous, transgressez contre lui à transgression égale. Et craignez Allah » (La vache : 194), « Autorisation est donnée de se défendre à ceux qui sont attaqués car vraiment ils sont lésés » (Le Pèlerinage, Verset 39). Tous ces versets sont catégoriques non-abrogés car aucune preuve d’abrogation n’a été établie.
Le Prophète (saws) dit : « Ne souhaitez pas la rencontre de l’ennemi, implorez plutôt de Dieu la sauvegarde » (rapporté par al-Boukhari et Mouslim).
En vérité, l’islam n’a recours au combat qu’en extrême nécessité, en vue de repousser les agressions extérieures. L’islam favorise la paix et non pas la guerre. A maintes reprises dans le Coran, Dieu rappelle aux musulman Ses bienfaits en leur épargnant le combat : « C’est Lui qui dans la vallée de la Mecque a écarté leurs mains de vous, de même qu’Il a écarté vos mains d’eux » (La victoire éclatante, Verset 24).
Lors de l’épisode du pacte d’al-Houdaybiya, Dieu révéla : « En vérité, Nous t’avons donné une victoire éclatante » (La victoire éclatante, Verset 1). Dieu fit de ce pacte pacifique une victoire bien qu’il n’y ait eu aucun combat. ‘Omar (rad) dit d’ailleurs au Prophète (saws) : « S’agit-il d’une victoire, ô Messager de Dieu ?! » (rapporté par Mouslim) car il ne pouvait concevoir une victoire sans combat.
De même, lorsque la bataille des coalisés (les coalisés étaient formés d’un grand nombre des tribus arabes venu attaquer Médine pour exterminer les musulmans) s’est achevée sans combat, Dieu rappela aux musulmans ce bienfait en disant dans le Coran : « et Allah a épargné aux croyants le combat » (Les coalisés, Verset 25)
Tout ceci démontre que l’islam préfère la paix au combat.
Ainsi, il importe de préciser que le principal mobile du combat en islam est le fait de repousser les agressions et non pas l’incroyance. L’individu ne peut être combattu pour son incroyance. Il est combattu pour son agression. Pour preuve, les civils ne peuvent être combattus car le Prophète (saws) a interdit de s’en prendre aux femmes, aux personnes âgées ou aux enfants. Il dit : « Ne tuez ni un vieillard, ni un enfant, ni une femme. Ne spoliez pas, et ne mutilez pas » (rapporté par Abou Daoud et al-Bayhaqi). Lorsque le Prophète (saws) vit après l’une des batailles, une femme parmi les victimes, il dit en signe de réprobation : « Celle-ci ne pouvait pas combattre ! » (rapporté par Abou Daoud et an-Nasa-y).
C’est pour cette raison qu’Ibn Taymiya dit : « La permission du combat pour les musulmans est basée sur la permission du combat chez les autres »[1]. Ibn al-Qayyim dit : « Le combat fut prescrit au musulman contre ceux qui les combattent, pas contre ceux qui ne les combattent pas »[2]. Les hanafites disent : « L’incroyance en soi n’est pas une cause de combat »[3].
Si par la suite, une question est posée au sujet de certains versets tels que : « Combattez ceux qui ne croient ni en Allah ni au Jour Dernier, qui n’interdisent pas ce qu’Allah et Son Messager ont interdit et qui ne professent pas la religion de la vérité, parmi ceux qui ont reçu le Livre, jusqu’à ce qu’ils versent la capitation par leurs propres mains » (Le repentir, Verset 29), et « Et combattez-les, où que vous les rencontriez » (La vache, Verset 191), la réponse est que ces versets sont de l’ordre de l’indéfini « moutlaq » et doivent par conséquent être compris à la lumière des autres versets qui limitent expressément le combat au seul mobile de la défense. On ne peut isoler ce genre de versets de l’ensemble des versets qui limitent la guerre à la guerre défensive.
Parmi les motivations du combat en islam, il y a la défense de l’opprimé aux niveaux individuel et collectif. Dieu dit : « Et qu’avez-vous à ne pas combattre dans le sentier de Dieu, et pour la cause des faibles : hommes, femmes et enfants qui disent : « Seigneur ! Fais-nous sortir de cette cité dont les gens sont injustes » » (Les femmes, Verset 75). Les musulmans comprirent ceci et le traduisirent en action. En effet, c’est dans ce sens que le calife Abou Bakr (rad) combattit les tribus qui refusèrent de s’acquitter de la Zakat après la mort du Prophète (saws). Par cette action, les musulmans devinrent la première nation qui combattit et fit des sacrifices humains pour défendre les droits des pauvres.
En fait, l’islam appelle à combattre toute forme d’injustice, même s’il s’agit de musulmans. Dieu dit : « Et si deux groupes de croyants se combattent, faites la conciliation entre eux. Si l’un d’eux agresse injustement l’autre, combattez le groupe qui transgresse, jusqu’à ce qu’il se conforme à l’ordre de Dieu. Puis, s’il s’y conforme, réconciliez-les avec justice et soyez équitables car Dieu aime les équitables » (Les appartements, Verset 9).
A la fin du hadith, le Prophète (saws) dit : « et à Dieu incombe leur jugement » : Cela signifie que quiconque embrasse l’islam, prononce les deux attestations, accomplit la Prière et s’acquitte de la Zakat, son for intérieur est laissé à Dieu. S’il s’acquitte de ceci animé par une intention saine, il est croyant. Mais s’il le fait par ostentation et hypocrisie, son jugement incombe à Dieu car c’est lui qui connaît ce qu’il y a dans les cœurs. Ainsi, quiconque manifeste une appartenance à l’islam en cachant son incroyance, son islam est accepté en apparence. De même, quiconque prie sans ablutions ou sans grandes ablutions, ou mange chez lui en cachette et prétend jeûner, son action est acceptée en apparence (aux yeux des gens) et son jugement incombe à Dieu car Dieu nous commande de juger selon l’apparence et Lui se charge du for intérieur. D’après Sa’id al-Khoudri (rad), Khalid ibn al-Walid (rad) demanda au Prophète (saws) la permission d’exécuter un homme. Il répondit : « Non, peut-être accomplit-il la Prière ! » Khalid dit : « Et combien de prieurs disent de sa langue ce qui n’est pas dans son cœur ! » Le Messager de Dieu (saws) dit alors : « On ne m’a pas commandé d’examiner les cœurs ni de leur ouvrir la poitrine ».
Moncef Zenati
[1] – « al-‘alaqat ad-douwaliyya fil-islam » de sheikh Wahba az-Zouhayli p 26
[2] – « al-‘alaqat ad-douwaliyya fil-islam » de sheikh Wahba az-Zouhayli p 26
[3] – « al-‘alaqat ad-douwaliyya fil-islam » de sheikh Wahba az-Zouhayli p 101
2 Comments
Assalamu alaykum. Il y a une répétition du nom de Omar dans la dernière phrase .
« ‘Ainsi, Abou Bakr tira la légitimé du combat de l’expression « sauf pour une raison valable », cela signifie qu’il est permis de combattre quiconque a prononcé les deux attestations pour une raison valable. Alors que ‘Omar pensait que la simple prononciation des deux attestations rendait la vie inviolable en se tenant à la signification générale du hadith précité. Puis, il se rallia à l’avis de ‘Omar. »
Baraka Allah oufik
Merci pour la précision