‘Abdoullah ibn ‘Omar dit : « J’ai entendu le Messager de Dieu dire : « Les fondements de l’islam sont au nombre de cinq : L’attestation qu’il n’est de dieu que Dieu et que Mohammad est le Messager de Dieu, l’accomplissement de la Prière, l’acquittement de la zakat, le Pèlerinage à la Maison sacrée et le jeûne du mois de Ramadan » (rapporté par al-Boukhari et Mouslim).
Commentaire :
Ce hadith indique que l’islam est fondé sur ces cinq éléments qui sont pour l’islam ce que sont les piliers pour une construction. L’islam est l’édifice, les piliers de cet édifice sont ces cinq éléments sans lesquels il ne peut tenir et tous les autres éléments de l’islam viennent compléter cet édifice. Si l’un de ces derniers éléments manque, l’édifice se trouve diminué, mais demeure maintenu et ne s’effondre pas à cause de ce manquement. Contrairement au manquement de ces cinq piliers, lorsqu’ils font défaut, l’ensemble de l’édifice – c’est-à-dire l’islam – s’effondre.
Tous les savants s’accordent à dire qu’il ne peut y avoir d’islam sans les deux attestations de foi. Par contre, ils divergent quant à l’abandon de l’un des piliers en dehors de ces deux attestations.
Concernant l’abandon de la Prière, l’imam Ahmed ainsi que quelques compagnons à l’instar de Mou’adh ibn Jabal (rad) estiment que celui qui délaisse la Prière est incroyant conformément au hadith du Prophète (saws) «La différence qu’il y a entre nous et eux (les non musulmans) est la Prière. Celui qui la délaisse est devenu incroyant » (Ahmed et les auteurs des sounan). D’ailleurs, les compagnons du Prophète (saws) ne considéraient aucune chose dont l’abandon est un acte de non croyance, à l’exception de la Prière (rapporté par at-Tirmidhi et al-Hakim qui le déclarent « valide-sûr » (çahih) selon les normes des deux cheikhs).
Un certain nombre de savants estiment que quiconque délaisse volontairement l’un de ces cinq piliers devient incroyant. Ad-Daraqotni et d’autres rapportent d’après Abou Hourayra qu’un homme dit au Messager de Dieu (saws) : « Ô Messager de Dieu ! Doit-on accomplir le Pèlerinage chaque année ? » Il dit : « Si j’avais dit oui, cela vous aurait été prescrit et si cela vous est prescrit vous ne saurez le supporter, et si vous le délaissiez, vous seriez incroyants ». L’expression « et si vous le délaissiez, vous seriez incroyants » ne figure pas dans la version rapportée par Mouslim.
Il est rapporté que ‘Omar (rad) appliqua la taxe de capitation « jizya » à quiconque n’a pas accompli le Pèlerinage alors qu’il en a les moyens. Il disait : « Ils ne sont point musulmans »[1].
D’après Ibn Mas’oud (rad), quiconque délaisse la zakat n’est pas musulman[2].
Selon l’un des avis de l’imam Ahmed : L’abandon de la Prière et de la Zakat est de l’incroyance contrairement à l’abandon du jeûne et du Pèlerinage[3].
L’avis de la majorité des savants :
La majorité des savants ont traité cette question avec plus de détails. Ainsi, quiconque délaisse l’un des quatre piliers (en dehors des deux attestations de foi) niant son caractère obligatoire ou en s’en moquant, ou se moquant de ceux qui l’accomplissent, est incroyant. Par contre, quiconque délaisse l’un des quatre piliers (en dehors des deux attestations de foi) en reconnaissant son caractère obligatoire, ne sort pas par son délaissement de l’islam. Aussi, le hadith : « Celui qui la délaisse est devenu incroyant » constitue un discours dissuasif ; un discours de mise en garde contre quiconque délasserait volontairement la Prière. Le hadith entend par « incroyant », une personne dont l’islamité est incomplète, à l’instar du hadith : « quiconque prête serment par autre que Dieu est incroyant », il s’agit d’un discours menaçant et dissuasif qui vise à amener le musulman à renoncer au fait de jurer par autre que Dieu. De même, le hadith : « Par Dieu ! Il n’est pas croyant. Par Dieu ! Il n’est pas croyant. » Nous dîmes : « De qui s’agit-il, ô Messager de Dieu ? » Il dit : « Quiconque dont le voisin n’est pas à l’abri de sa nuisance »[4], il s’agit là d’un discours menaçant adressé à quiconque ne respecte pas les règles du bon voisinage. L’expression « Il n’est pas croyant » signifie ici l’imperfection de la foi et non pas que la personne est devenue réellement incroyante.
Le Prophète (saws) dit : « Ne devenez pas après moi des incroyants, vous coupant les têtes les uns des autres »[5], il dit également : « Injurier un musulman est de la perversion, le combattre est de l’incroyance »[6]. Le sens littéral de ces hadiths laissent entendre que quiconque combat ou tue un musulman devient incroyant, or le Coran nous dit : « Et si deux groupes de croyants se combattent, faites la conciliation entre eux » (les appartements : 9). Bien qu’il s’agit de deux groupes qui se combattent, Dieu les a qualifiés de croyants, ce qui indique que les hadiths précités ont été formulés à titre de dissuasion, entendant par-là que l’on craint l’incroyance pour celui qui combat un musulman, de même que l’on craint l’incroyance pour quiconque ne respecte pas le bon voisinage ou abandonne la Prière.
Par ailleurs, le Prophète (saws) jugeait tout individu attestant qu’il n’est de Dieu que Dieu et que Mohammad (saws) est Son Messager, sans attendre l’arrivée du temps légal de la Prière pour s’assurer qu’il va prier, sans attendre l’arrivée du mois de Ramadan pour s’assurer qu’il va jeûner, sans attendre une année révolue pour s’assurer qu’il va s’acquitter de la Zakat et sans attendre le moment du Pèlerinage pour s’assurer qu’il va l’accomplir !
Le hadith suivant rapporté par Ibn Majah et al-Hakim appuie l’avis de la majorité. En effet, D’après Houdhayfa ibn al-Yaman, le Prophète (saws) dit : « L’islam s’effacera comme s’effacent les motifs d’un vêtement, jusqu’à ce qu’on ne sache plus ce qu’est le jeûne, ni la Prière, ni le sacrifice, ni l’aumône. Le Livre de Dieu sera enlevé en une nuit et n’en restera plus un verset sur terre. Il restera des groupes de vieillards et de vielles femmes qui diront : « Nous avons connu nos parents qui disaient cette parole, il n’y a de dieu que Dieu, et nous la disons aussi » Cila ibn Zafar dit alors à Houdhayfa, le narrateur du hadith : « A quoi leur servira-t-il de dire « Il n’est de dieu que Dieu, alors qu’ils ne pratiquent plus ni la Prière, ni le jeûne, ni le sacrifice ni l’aumône ? » Houdhayfa se détourna de lui, puis, à la troisième reprise, il se tourna vers lui et lui dit, le répétant trois fois : « Ô Cila, cela les sauvera de l’Enfer » (rapporté par al-Hakim). En dépit de leur abandon de la Prière et des autres rites de l’islam, Houdhayfa (rad) affirme qu’ils seront sauvés de l’enfer, c’est-à-dire que s’ils y rentrent, ils n’y demeureront pas éternellement, ce qui est strictement réservé aux croyants.
Par conséquent, qualifier d’incroyance quiconque délaisse volontairement la Prière ou l’un des autres piliers de l’islam (en dehors des deux attestations de la foi) relève du discours dissuasif et menaçant, visant à attirer l’attention sur la gravité de ce péché. Ceci peut également être interprété par le fait que quiconque délaisse l’un de ces piliers a commis un acte d’incroyance, partageant ainsi cette caractéristique avec l’incroyant, sans pour autant être qualifié d’incroyant au sens propre du terme.
L’avis de la majorité représente en réalité un consensus pratique étant donné qu’à aucune époque, les musulmans n’ont laissé celui qui a abandonné la Prière sans toilette ni Prière mortuaire, et ne l’ont privé d’hériter de son parent musulman.
Les savants comparent la foi à un arbre formé de racines et de ramure. Le terme arbre désigne à la fois les racines et la ramure. Si une partie de la ramure venait à le quitter, on ne pourrait dire qu’il ne s’agit plus d’un arbre mais d’un arbre diminué.
Dieu fait cette comparaison dans le Coran en disant : « N’as-tu pas vu comment Dieu propose en parabole une bonne direction pareille à un bel arbre dont la racine est fermement ancrée et la ramure s’élançant dans le ciel ? Il donne à tout instant ses fruits, par la grâce de son Seigneur » (Ibrahim : 24 – 25). La bonne direction désigne celle du monothéisme pur. La racine désigne le monothéisme pur fortement ancré dans les cœurs et les fruits désignent les bonnes œuvres.
De même, le Prophète (saws) compare le musulman au palmier. Si une partie de la ramure ou des dattes s’en détachaient, on ne pourrait dire qu’il ne s’agit plus d’un palmier, même s’il a perdu une partie de sa ramure ou de ses fruits.
Par ailleurs, les cinq piliers de l’islam sont indissociables ; les uns sont fortement liés aux autres. Il est rapporté que les uns ne peuvent être agréés sans l’accomplissement des autres à l’instar du hadith rapporté dans le « mousnad » de l’imam Ahmed : « Il existe quatre choses prescrites par Dieu en islam. Quiconque en accomplit trois, cela ne lui servira à rien, à moins qu’il ne les accomplisse toutes : La Prière, la Zakat, le jeûne du mois de Ramadan et le Pèlerinage à la Maison sacrée »[7].
Ibn Mas’oud (rad) dit : « Point de prière pour quiconque ne s’acquitte pas de la Zakat »[8].
Mais en réalité, il s’agit ici de la réfutation de l’agrément et non pas de la validité. Ainsi, quiconque ne s’acquitte pas de la Zakat, par exemple, sa Prière ne sera pas acceptée mais n’en demeure pas moins valide.
D’autres savants estiment que l’individu sera récompensé pour le pilier qu’il aura accompli, sanctionné pour le pilier qu’il aura délaissé conformément au verset : « Quiconque fait un bien fût-ce du poids d’un atome, le verra, et quiconque fait un mal fût-ce du poids d’un atome, le verra » (la secousse : 6 – 7)
Par conséquent, le fait de commettre des péchés qui sont de nature à affaiblir la foi, empêche l’acceptation de certaines obéissances à l’instar des hadiths : « Quiconque boit de l’alcool, Dieu n’acceptera pas sa Prière pendant quarante jours »[9], « Quiconque consulte un devin, sa Prière ne sera pas acceptée pendant quarante jours »[10].
Moncef Zenati
[1] – Ibn Kathir dans son tafsir (1/368) et rapporté par as-Souyouti et Ibn Abi Shayba
[2] – rapporté par Ibn Abi Shayba
[3] – « jami’ al-‘ouloum wal-hikam » d’Ibn Rajab 1/148
[4] – rapporté par al-Boukhari
[5] – rapporté par al-Boukhari et Mouslim
[6] – rapporté par al-Boukhari et Mouslim
[7] – rapporté par Ahmed jugé « détaché » (moursal) par Ibn Rajab dans « jami’ al-‘ouloum wal-hikam » (1/149). Il s’agit donc d’un hadith faible.
[8] – « jami’ al-‘ouloum wal-hikam » d’Ibn Rajab 1/150
[9] – rapporté par Mouslim
[10] – rapporté par Mouslim