Les peuples qui tombèrent entre les griffes des Romains et des Perses désespéraient de voir un jour leur salut.
Quel espoir de délivrance et de libération restait-il à l’Égypte, par exemple, après avoir été pendant cinq siècles une colonie romaine ? Sa déplorable situation était devenue une destinée à laquelle elle ne pouvait échapper. Cet état de fait se retrouvait à l’identique sur les rivages de la Mer Méditerranée — devenue un lac romain — dont le pourtour fut occupé pendant de longs siècles.
Les Compagnons de Muhammad furent néanmoins les seuls à avoir brisé les portes de la prison et à crier aux prisonniers hagards : « Partez, car vous êtes libres ! »
Ce qui s’est passé fut un véritable miracle, que seuls les Compagnons de Muhammad pouvaient accomplir. Car ils avaient soumis leur face à Dieu, s’étaient débarrassés des ornements et des visées de la vie présente, et avaient suivi les pas de leur Prophète, qui donnait sans rien prendre, qui redonnait la vie sans donner la mort, qui recherchait l’au-delà éternel en s’élevant au-dessus de cette vie éphémère.
C’est ce type de prédicateurs qui peut changer la face du monde.
Un quart des Compagnons tombèrent en martyrs pendant l’expansion de l’Islam. Ceux qui survécurent consacrèrent leur vie à la diffusion de l’Islam par l’éthique, l’adoration, l’enseignement et le bon exemple. Ainsi, ceux qui moururent moururent pour Dieu et ceux qui vécurent vécurent pour Dieu. Les fruits de ces efforts furent admirables. Les nations qui acceptèrent l’Islam, non seulement abandonnèrent leur incroyance, mais s’étaient transformées en des nations nouvelles qui disaient à leurs conquérants : « Si vous vous relâchez, c’est nous qui prendrons le relais de la prédication et qui porterons le flambeau ! »
Ce bien immense et cette grande influence jaillirent d’une seule conscience, celle du porteur du message ultime.
Il savait parfaitement ce qui allait se passer. Méditons ce hadith rapporté par Al-Bukhârî et Muslim dans lequel le Prophète dit : « Viendra un temps où des groupes d’hommes se lanceront dans des conquêtes. On leur demandera : “Y a-t-il parmi vous des gens qui ont accompagné le Messager de Dieu ?” Ils répondront par l’affirmative, et on leur ouvrira les portes. Puis viendra un temps où des groupes d’hommes se lanceront dans des conquêtes. On leur demandera : “Y a-t-il parmi vous des gens qui ont accompagné les Compagnons du Messager de Dieu ?” Ils répondront par l’affirmative, et on leur ouvrira les portes. Puis viendra un temps où des groupes d’hommes se lanceront dans des conquêtes. On leur demandera : “Y a-t-il parmi vous des gens qui ont accompagné ceux qui ont accompagné les Compagnons du Messager de Dieu ?” Ils répondront par l’affirmative, et on leur ouvrira les portes. » [1]
Cet échange verbal n’a jamais eu lieu et n’a pas été relaté par l’histoire. Il constitue néanmoins une représentation de l’action des grands cœurs dans ce monde, une représentation de l’influence des élèves et des apôtres de Muhammad sur les hommes, une représentation de l’accueil favorable, animé par des sentiments d’amour, d’agrément et d’admiration, que leur réservèrent les différents peuples.
Ces compagnons étaient des écoles de la foi et des phares de guidance.
Je ne nie pas que, plus tard, d’autres les suivirent sur la même voie pour aboutir au même but ; mais comme le dit le Noble Coran : « une multitude d’élus parmi les premières générations, et un petit nombre parmi les dernières générations » [2]
Ce que j’observe, c’est que les vieilles ténèbres reviennent et qu’elles ne pourront être dissipées que par une grande armée de ces premiers guides qui reprendront le parcours de nos ancêtres conquérants.
Cheikh Muhammad Al-Ghazâli
Notes
[1] Hadith authentique rapporté par Al-Bukhârî dans son Sahîh, dans le Livre des Mérites, au chapitre des mérites des Compagnons du Prophète. NdT.
[2] Sourate 56, Al-Wâqi`ah, L’Événement, versets 13 et 14.
P.-S : Traduit de l’arabe du livre de Sheikh Muhammad Al-Ghazâlî, Al-Haqq Al-Murr, tome 1, éditions Nahdat Misr, décembre 1996.
Source : Islamophile.Org