Nous continuons à vivre à la lumière du Coran, avec les serviteurs du Tout Miséricordieux que Dieu a décrit dans la sourate « le discernement » (al-fourqan).
Dieu a décrit leur rapport avec eux-mêmes, leur relation avec les gens et leur rapport à Lui, exalté Soit-Il. Puis, il nous décrit leur rapport avec leurs biens matériels. Il dit : « Qui, lorsqu’ils dépensent, ne sont ni gaspilleurs ni avares mais se maintiennent au juste milieu. » (25 :67).
Ainsi, les serviteurs du Tout Miséricordieux ne sont pas supposés êtres des pauvres, des êtres sans biens matériels. La pauvreté n’est pas une caractéristique de la servitude à Dieu, de même que la pauvreté n’est pas une condition d’ascétisme selon la conception musulmane. Les serviteurs du Tout Miséricordieux peuvent donc être riches. D’ailleurs, en décrivant les musulmans qui se rendent fréquemment aux mosquées, Dieu dit : « Dans les maisons (mosquées) que Dieu a permis que l’on élève, et où Son Nom est invoquée ; le glorifiant en elles matin et après-midi, des hommes que ni le négoce, ni le troc ne distraient de l’invocation de Dieu » (24 : 36 – 37). Il s’agit donc selon le jargon moderne d’hommes d’affaires, de commerçants, mais ni leurs affaires ni leurs commerces ne les détournent de leur devoir envers Dieu.
Dieu s’adresse aux croyant en ces termes : « Ô vous qui avez cru ! Que ni vos biens ni vos enfants ne vous distraient de l’invocation de Dieu… » (63 :9). C’est-à-dire que ces croyants ne sont pas des moines, au contraire, ils ont des biens et des enfants, cependant, il leur est ordonné de ne pas se laisser distraire du souvenir de Dieu ni par les biens ni par les enfants.
Les serviteurs du Tout Miséricordieux possèdent donc des biens. Mais, ils dépensent généreusement de ces biens dans la voie de Dieu.
D’ailleurs, l’islam incite à la générosité au point d’en faire une caractéristique des pieux. Dieu dit : « et dans leurs biens, il y avait un droit au mendiant et au déshérité. » (51 :19)
Au début de la sourate « la vache », Dieu dit en décrivant les pieux : « …et dépensent (dans l’obéissance à Dieu) de ce que Nous leur avons attribué » (2 : 3). « De ce que Nous leur avons attribué », c’est-à-dire qu’ils dépensent une partie de ce que Dieu leur a octroyé et non pas la totalité de ce que Dieu leur a attribué. D’ailleurs, lorsque Dieu a instauré la zakat, Il a exigé une partie des biens : 2,5%, 5% ou 10% selon le bien, sans alourdir les charges. C’est pour cette raison que Dieu n’a exigé que l’excédent des biens, c’est-à-dire, de ce qui reste après déduction des besoins de toute la famille. C’est dans ce sens que le Prophète (saws) dit : « Point d’aumône qu’en situation de richesse » (rapporté par Ahmed). L’islam ne te demande pas de donner en aumône ce dont tu as besoins. Une telle aumône serait alors méritoire mais pas obligatoire. Cela relève de l’altruisme « al-ithar » : faire passer les besoins de l’autre avant ses propres besoins : « et qui les préfères à eux-mêmes, même s’il y a pénurie chez eux » (59 :9), « et offrent la nourriture, malgré le besoin, au pauvre, à l’orphelin et au captif » (76 :8).
Et il y a des personnes qui donnaient au-dessus de tout cela, à l’instar de l’imam al-Layth ibn Sa’d, que l’on comparait à l’imam Malik. Il était très riche. On dit que ses revenus annuels s’élevaient à 80 000 dinars sans pour autant être en mesure de réunir les conditions d’exigibilité de la zakat, car il n’attendait pas l’évolution d’une année lunaire sur ses biens, mais donnait généreusement tout ce qu’il possédait. Pour lui, les biens sont de Dieu, destinés aux serviteurs de Dieu. Une fois, une femme est venue le voir pour lui demander un peu de miel, il ordonna de lui donner une grande jarre remplie de miel. L’un des présents lui dit alors : « Elle te demande une bouchée de miel, et tu lui donne une grande jarre ?! » Il répondit : « Elle, elle demande en fonction de son besoin, et nous, nous donnons en fonctions des bienfaits de Dieu sur nous ! »
‘Abdoullah fils de Ja’far ibn Abi Talib était du nombre des fortunés et des généreux. L’une de ses qualités, c’est qu’il ne repoussait aucun mendiant. Lorsque certains parmi les avares qui ordonnent l’avarice aux autres lui reprochèrent cette extrême générosité, il leur dit : « Dieu m’a donné une habitude, et j’ai donné à ses serviteurs une habitude. Il m’a habitué à me donner, et j’ai habitué ses serviteurs à leur donné. Aussi, je crains qu’en mettant fin à mon habitude envers eux, Il ne mette fin à Son habitude envers moi ! »
Ainsi, les serviteurs du Tout Miséricordieux dépensent généreusement, mais avec modération : sans excès ni avarice.
Les serviteurs du Tout Miséricordieux ne sont pas avares. Contrairement à certains qui font preuve d’avarice à leur propre égard et à l’égard de leurs familles. Les biens sont entre ses mains alors qu’il en est privé. C’est à son sujet que le dicton dit : « Que les biens de l’avare s’attendent à une adversité ou à un héritier », une adversité qui consommera ses biens dans leur totalité ou un héritier qui en profitera après la mort de l’avare.
Un homme se présenta au Prophète (saws). Le prophète (saws) trouva l’aspect de cette homme déplaisant. Il lui dit alors : « Possède-tu des biens ? » « Oui » dit l’homme « Dieu m’a donné de toutes formes de biens ». Le Prophète (saws) dit : « Dieu aime voir les traces de ses bienfaits sur toi » (rapporté par at-Tirmidhi et al-Hakim)
C’est d’ailleurs pour cette raison que l’une des finalités de la zakat consiste à libérer l’homme de l’avarice en l’obligeant de donner une partie de ce qu’il possède. Le Prophète (saws) dit : « Quiconque s’acquitte de la zakat est innocent de l’avarice, quiconque reçoit son hôte avec générosité est innocent de l’avarice, et quiconque dans l’adversité est innocent de l’adversité » (rapporté par Ibn Jarir). L’homme est ainsi innocent de l’avarice lorsqu’il s’acquitte de la zakat, fait preuve de générosité envers l’hôte qu’il reçoit ou donne pour une cause humanitaire, et « quiconque se prémunit contre sa propre avarice, ceux-là sont ceux qui connaîtront la réussite » (59 : 9)
Les serviteurs du Tout Miséricordieux, lorsqu’ils dépensent, ne sont avares ni envers eux-mêmes, ni envers leurs familles, ni envers leurs proches, ni envers la société, et avant tout cela, ils ne sont pas avares en ce qui concerne leur devoir envers Dieu qui réside dans l’acquittement de la zakat.
Mais aussi, lorsqu’ils dépensent, les serviteurs du Tout Miséricordieux ne commettent pas d’excès et ne gaspillent pas. L’excès ou le gaspillage étant le fait de dépenser ses biens dans la désobéissance à Dieu ou dans des futilités. Par contre, il n’y point de gaspillage dans le bien. Les pieux-prédécesseurs disaient : « Si quelqu’un dépensait tous ses biens dans la vérité et le bien, il ne sera point gaspilleur. Par contre, s’il dépense ne serait ce que la mesure d’un « moud[1] » dans une futilité ou dans un mal, il sera gaspilleur »
Quiconque dépense son argent dans l’alcool, dans les drogues, dans le cannabis, dans le tabac, achetant ainsi ce qui lui est nocif avec son propre argent, est un gaspilleur. Quiconque dépense son argent pour acheter des marchandises illicites telles que les marchandises volées ou d’origine illicite est un gaspilleur. Sache que chaque Euro que tu possède appartient à la communauté, en le gaspillant tu en prive toute la communauté.
Et quiconque dépense son argent dans les choses licites, qu’il ne dépense plus qu’il n’en a besoin, qu’il dépense avec modération car la modération est la valeur fondamental apportée par l’islam. Le Prophète (saws) avait l’habitude d’implorer Dieu en ces termes : « Seigneur Dieu ! Je t’implore ta crainte secrètement et en public, je t’implore la parole sincère dans la colère et dans la satisfaction, et je t’implore la modération dans la richesse et dans le pauvreté » (rapporté par an-Nasa-y). Il disait : « Ah que c’est bien, la modération dans la richesse ! Que c’est bien, la modération dans la pauvreté ! Que c’est bien, la modération dans l’adoration ! » (rapporté par al-Bazzar). Même dans l’adoration, la modération est exigée.
L’imam Ahmed rapporte d’après Abou ad-darda (rad) que le Prophète (saws) a dit : « Fait partie de la bonne compréhension de l’homme, la modération dans sa vie quotidienne ». Le Prophète (saws) dit également : « Quiconque fait preuve de modération ne connaîtra pas la pauvreté »
Et sachez qu’il n’y a pas d’excès ou de gaspillage dans le bien. Un homme parmi les pieux-prédécesseurs donna dans la voie de Dieu une bourse d’argent. On lui dit alors : « Ô untel ! Il n’y a pas de bien dans l’excès ! » Il répondit : « Et il n’y a pas d’excès dans le bien ! »
Par ailleurs, il y avait entre les compagnons une compétition lorsqu’il s’agissait de dépenser de ses biens en cas de besoin collectif : l’un donnait des milliers, l’autre des dizaines de milliers, quand un autre équipait toute une armée. En effet, lorsque le Prophète (saws) fut informé que le byzantins se préparaient à attaquer les musulmans, il décida de les précéder et d’aller à leur rencontre. Or, l’armée qui devait aller en expédition manquait terriblement d’armes et de montures. C’est pourquoi le Prophète (saws) lança un appel pour l’équipement des hommes devant partir en expédition. Bien évidemment, les musulmans et les musulmanes contribuèrent, chacun selon ses moyens, à pourvoir les soldats en armes, en montures et en provisions. Les femmes firent don de leurs bijoux, leurs biens les plus précieux. Mais en dépit de la bonne volonté de chacun, cela restait insuffisant. Le Messager de Dieu (saws) annonça alors : « Qui d’entre vous équiperait l’armée chargée de cette mission périlleuse et le Paradis lui sera attribué ? »
‘Othmân ibn ‘Affan (rad) dit alors : « Je m’engage à donner cent chameaux entièrement sellés ». Le Prophète (saws) réitéra son appel et ‘Othman dit : « Je m’engage à donner cent chameaux supplémentaires entièrement sellé ». Le Prophète (saws) dit alors : « Rien de ce que ‘Othmân pourra faire après ce jour, ne pourra lui nuire ! ». ‘Othman donna en tout neuf-cent-cinquante chameaux et cinquante chevaux. Il apporta mille dinars et les posa dans le giron du Prophète (saws).
‘Omar ibn al-Khattab (rad) dit : « Le Prophète (saws) nous ordonna de faire une aumône. Il se trouve que je venais d’acquérir des biens. Je me suis dis alors : « Aujourd’hui, je devancerai Abou Bakr, si jamais je peux le devancer un jour ! » avec « Je m’engage à donner cent chameaux entièrement sellés » Il donna alors la moitié de ses biens. Le Prophète (saws) lui dit : « Qu’as-tu laissé aux tiens ? » Il dit : « La même chose ». C’est alors qu’Abou Bakr arriva avec tous les biens en sa possession. Le Prophète (saws) lui dit : « Qu’as-tu laissé aux tiens ? » Il dit : « Je leur ai laissé Dieu et Son Messager (saws) ». ‘Omar dit alors : « Par Dieu ! Jamais je ne pourrais le devancer en quoi que ce soit » (rapporté par at-Tirmidhi)
‘Omar a donné la moitié de ses biens ! Vous vous rendez compte : la moitié de sa fortune ! L’un de nous serait-il prêt à donner en aumône la moitié de son compte bancaire ?!!!
Et que dire d’Abou Bakr !!! Les mots manquent pour décrire ces grands hommes. Mais bien sûr, si ‘Omar et Abou Bakr ont fait de telles aumônes, c’est que leurs épouses et familles respectives étaient du même niveau spirituel. Il n’est pas question que l’homme ordonne à son épouse l’avarice lorsque celle-ci veut faire une aumône. De même, l’épouse ne pourrait ordonner l’avarice à son mari lorsque celui-ci veut faire preuve de générosité. L’un ou l’autre, ni les enfants, ne pourraient faire partie de ceux qui sont avares et ordonnent l’avarice aux gens. Toute la famille doit s’imprégner de cette valeur ; s’imprégner des qualités des serviteurs du Tout Miséricordieux, car la bonté de la société est en fonction de la bonté des familles qui la composent.
Moncef Zenati – Sermon du vendredi
Série : Les qualités des serviteurs du Tout Miséricordieux (6)
[1] – estimé à environ un Euro et cinquante centimes