La mission de notre Prophète Mohammed (SAS) peut se définir comme un effort visant à ramener les humains, selon une expression coranique, « des ténèbres à la lumière ». Le Prophète (SAS) apparait dès lors comme le plus grand ÉCLAIREUR de peuples, le plus dévoué aussi, que le monde ait connu. Car, même au fait de son succès, et devenu chef d’un État vaste et puissant, il continuera modestement simplement, son œuvre libératrice : enseigner la piété comme critère essentiel par-delà le formalisme et les apparences ; aider les hommes à discerner le bien du mal ; revaloriser la dignité humaine aux yeux des gens d’orgueil et de mépris. Sa révélation ouvrit la voie à l’émancipation de l’individu. Le Prophète (SAS) prôna continuellement l’abandon de l’esclavage et prêcha une large tolérance à l’égard des « gens du Livre ». Et le Prophète (SAS), grâce au Coran, réussit totalement ce miracle : soustraire les esprits aux croyances asservissantes du paganisme.
En effet, devant la puissante montée de l’Islam, s’évanouirent toutes les survivances d’une antiquité relativement proche alors. Et bientôt se dégagea une authentique spiritualité, par dessus les obscurités byzantines et les cultes de la Perse. L’Islam marqua d’une façon plus décisive que ne put le faire le christianisme, l’éveil de l’homme méditerranéen, qui abandonne le mythe pour l’intelligence et l’obsession d’une multiplicité divine capricieuse pour la confiance en un Dieu Clément, Unique, « Maître des mondes ».
Et l’on peut dire sans exagérer, que l’Islam, c’est-à-dire le Coran en premier lieu, a inauguré l’ère moderne de la conscience et de la liberté émancipée. Le Coran a permis l’épanouissement des facultés individuelles en faisant maintes fois appel à la réflexion, je dirais même : au bon sens de chacun. « Le croyant est son propre arbitre», dit un adage musulman bien connu. En d’autres termes, le Coran n’exige pas l’impossible de l’individu. Il dit : « Dieu ne charge aucune âme au-delà de ce qu’elle peut porter » (S2,V286). Et aussi : « point de contrainte en religion » (S2,V256). Ce dernier est d’une importance exceptionnelle : ne réprouve t-’il pas implicitement les obligations aveugles auxquelles on souscrit à contrecœur, et ne semble t-il pas favoriser au contraire, l’adhésion lucide, mue par une intelligente compréhension?
Car, le Coran ne fait pas l’abstraction de la liberté, quoiqu’il ne lui donne pas une extension absolue. Maints versets répètent : « Croie qui veut ». Dieu à montrer à l’homme les divers chemins de la connaissance, et lui accorde de réfléchir : « Ne lui avons-Nous pas donné des yeux pour distinguer, une langue et deux lèvres pour s’exprimer ? Nous lui avons fait connaître les deux voies » (S90 V 8,9,10 )
Et, sans doute, c’est à cause de cette capacité de choix dont jouit le croyant, en vertu même des explications du Coran, que celui-là se trouve directement responsable devant son Créateur. Ni intercession ni rédemption : ce sont là deux conceptions étrangères au musulman. En un sens, à l’abri de la très dangereuse déviation, le croyant est débarrassé de quelque tutelle que ce soit, et se trouve ipso facto à l’abri de la très dangereuse déviation qui consiste à se tourner davantage vers le « rédempteur » que vers l’auteur de la grâce. Or, Dieu est TOUT pour le musulman. Les apôtres, les prophètes ne sont que des avertisseurs selon les ordres de Dieu. Il ne faut chercher en eux – comme les saints – que leur spiritualité pour en être éclairé. Par conséquent, pas de patronages spirituels, ni de castes pastorales ; pas même d’église au sens chrétien du mot. Le Coran proclame que tous les croyants sont de semblables humains aux yeux de Dieu. Cependant, « le plus estimable parmi vous est, devant Dieu le plus pieux. (S49 V13)
De ce fait, l’organisation de l’Islam, jusque dans la pratique du culte, et particulièrement démocratique. Et, l’inégalité sociale, loin d’être érigée en institution divine sur la terre, et légitimée par un langage sacré est réduite au strict domaine de l’inégalité des richesses. L’Islam ne reconnait pas de privilèges de la naissance ; il ne consacre, également aucune supériorité raciale. Le prophète (SAS) ne dit-il pas dans son Ultime sermon prononcé pendant le pèlerinage peu avant sa mort, « il n’y a aucune distinction entre un Arabe et un non-Arabe, si ce n’est par la vertu », civile et religieuse
D’ailleurs, l’institution de la Zakât tend à réduire les écarts, dans la société musulmane entre les possesseurs de richesses et les moins fortunés. Et, selon la lettre et l’esprit du Coran, la fortune est une épreuve qui doit conduire à la générosité, seule issue méritoire. Mais l’islam ne commet pas cette cruelle imprudence de légitimer par une autorité quelconque, l’exploitation de l’homme par l’homme, ou la vassalité d’une classe à une autre. Il recommande l’affranchissement des esclaves dans des termes équivalents à une véritable interdiction de l’esclavage (cf les deux longs versets 32 et 33 de la sourate 24). Tandis que le concile de Gangra (en 358) voue à l’anathème toute personne qui parlerai de l’abolir. Et Saint Augustin va plus loin, quand il dit (la Cité de Dieu ) : « l’esclavage est voulu par Dieu et c’est s’élever contre sa volonté que de vouloir le supprimer».
Proclamer l’égalité originelle des hommes, voilà certes un principe qui serait dépourvu de toute efficacité si l’islam le complétait par l’idée suivante : les souverains ne portent aucun sceau divin. En effet lorsque le Coran qualifie Jésus de simple humain, inspiré par la grâce divine et lorsque Mohammed (SAS) répète sans cesse aux contradicteurs : « Je ne suis qu’un homme comme vous chargé par Dieu de vous avertir », à fortiori il est inadmissible que l’on déifiât des souverains selon les principes islamique.
Or, telle n’est pas l’opinion de l’assemblé du clergé français de 1626 qui déclare : « Les rois ne sont pas seulement ordonnés de Dieu, ils sont Dieu eux-mêmes ». Et la théorie de la monarchie absolue, Bossuet, ne va-t-il pas jusqu’à dire : « Ô rois, vous êtes des Dieu… » ? Une telle conception – chrétienne- favorise logiquement l’orientation de la souveraineté dans le sens de l’abus de l’arbitraire. Le chef se prendrait alors pour une sorte d’identité divine sur la terre et perdrait de vue qu’il est comptable devant Dieu. Et, par un renversement de valeurs, tout à fait prévisible au lieu de se faire serviteur et bienfaiteur de ses populations, il se poserait comme leur maître et seigneur. Il ne souffrirait pas de rencontrer chez ses sujets cette fierté civique, expression de la liberté sans contraintes, et ne pardonnerait jamais aux personnes qui refusent d’être ses adorateurs.
Bref, la doctrine générale qui dégage du Coran est, du point de vue politico-social, une exigence de justice et de liberté, avec pour maxime, si l’on veut en trouver une :« ni tord ni dommage à personne » .Une justice qui n’admet ni lâcheté ni pardon facile, car l’esprit de facilité entraîne infailliblement crimes et injustices. D’autre part une liberté qui ne se confond pas avec la liberté-de-faire-du-mal et celle de trahir impunément. La liberté, ce n’est pas la faculté d’échapper à l’emprise de la loi. La justice non plus n’est pas la possibilité d’asservir les individus à n’importe quelle loi. L’Islam reconnaît aux personnes le droit d’intervenir pour corriger les déviations et redresser les chefs quand ils s’égarent.
Le « bon plaisir » n’est pas le fait du chef musulman, qui doit se tenir à exécuter la parole de Dieu. Evidemment, le Coran, libérateur des peuples, n’a pas été jusqu’au bout respecté. Après les quatre Califes orthodoxes, c’est le commencement des initiatives individuelles, parfois tout à fait contraires à l’esprit du Coran. Et l’on en vit des chefs musulmans injustes et oppresseurs. Et l’on vit des sanguinaires qui régnaient par la peur, et des despotes à la fois indignes et cruels. L’Islam se referma sur lui-même, comme écrasé par l’immense poids de son erreur : car l’Islam avait un moment détourné les yeux du Coran, ce Livre à la fois source, nourriture et lumière.
Mais, en dépit des fluctuations de l’histoire, le Coran demeure un Livre libérateur. Quand sa voix était toute puissante, je veux dire au temps où notre grand Prophète (SAS), et au temps du Califat orthodoxe, on sait les miracles qu’elle sut accomplir. Cette voix ne peut s’éteindre. Elle est même en train de reprendre vigueur. Il faut l’aider à percer le trouble et la clameur qui emplissent notre monde actuel. Il faut qu’elle revienne en puissance et en élévation ce qu’elle fut du vivant du Messager (SAS). Et notre devoir est de combattre, à l’exemple de notre glorieux Prophète (SAS), les croyances qui tendent à asservir les esprits et à les maintenir dans l’étouffement. De même que les tentatives, de toutes sortes, destinées à vous boucher les voies de la Liberté.
Abou Djamil Taha