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Trois questions à trois jeunes musulmans

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La rédaction a interrogé trois jeunes : Fares (24 ans), Kahina (22 ans) et Yunus (24 ans). Le but : en savoir plus sur la vision que porte la jeunesse musulmane de France et son opinion sur des questions d’actualités.


Il y a une semaine nous avons fêté  de l’Aïd Al-Adha, que représente cette fête pour vous ?

 

Fares : l’Aïd Al-Adha à une signification particulière pour moi , comme pour tout musulman c’est un rituel incontournable afin de montrer notre foi envers Dieu.

C’est aussi un jour de partage et de solidarité, j’ai pu constater durant ce jour les liens forts qui existent entre nous musulmans. On n’hésite pas à venir à plusieurs, à s’entraider pour sacrifier le mouton, à donner aux plus démunis.

Kahina : S’il est un moment marquant de ma religion qui est l’Islam, je dirai sans aucun doute la célébration de l’Aïd Al-Adha. Chaque année, cet évènement joue un rôle véritablement fédérateur autour des personnes de confession musulmane qui m’entourent. Tous les musulmans, sans distinction d’origine, partagent ce moment sacré et unique. Même si les traditions de chaque famille entrent en jeu, j’ai pu constater qu’il existe un noyau dur pour s’exprimer scientifiquement. Ce noyau dur, c’est cette sensation qui vous réveille le matin de l’Aid, un enthousiasme qui vous susurre: « Aujourd’hui est un jour sacré… ». C’est également le fait que les musulmans se rendent d’un seul pas à la mosquée du quartier. C’est aussi le sacrifice du mouton. Celui là même qui provoque la plupart du temps des éclats de rire auprès des frères et soeurs muslims. Qui ne peut s’empêcher de rire lorsque l’on voit son père courir après un beau mouton blanc ? Enfin, l’Aid el Kebir représente aussi le partage. En tant que musulmane, j’ai appris à vivre avec cette idée altruiste. J’essaie de l’appliquer au quotidien. Particulièrement ce jour saint où nous partageons le mouton, entre autres, avec les personnes nécessiteuses qui nous entourent. S’il est un de mes projets sur cette Terre, ce serait d’offrir à tous les musulmans nécessiteux l’assurance d’être heureux, encore plus ce jour de l’Aid el Kebir.

Yunus : J’aime bien la fête de l’Aid car au delà du sens religieux, c’est un moyen de se réunir en famille et entre amis. On met nos plus beaux habits le matin pour aller à la mosquée.

Généralement, je me retrouve avec quelques amis à la mosquée, on assiste à la prière et on continue nos débats religieux en dehors de la mosquée. Ensuite, vient l’heure du sacrifice, l’odeur du mouton est répugnante mais bizarrement c’est comme une fierté d’être là au moment de l’immolation.


Votre sentiment sur l’affaire « Charlie Hebdo » et plus généralement sur la liberté d’expression ?

 

Fares : Concernant Charlie Hebdo , je constate l’inégalité des traitements dans les médias , on s’indigne devant l’incendie mais personne ne se soucie de l’agression de ce journal en touchant à ce qui est de plus sacré aux yeux des musulmans.

La liberté d’expression à bon dos quand il s’agit de s’attaquer à l’islam et démontre une islamophobie latente en France que personne ne veut affirmer. Je me rappelle que Siné a été viré de ce journal pour avoir fait une caricature du  fils d’un certain président sans que l’on remette en cause la liberté d’expression, bref deux poids deux mesures…..

Kahina : Sur l’affaire Charlie Hebdo, je n’ai fais aucun commentaire auprès de mon réseau. Ceci pour une simple raison : nuire à Charlie Hebdo comme ils veulent nuire à l’Islam, en taisant simplement un buzz qu’ils veulent faire naître. L’Imam Ash-Shafi’i disait: « Dis ce que tu veux qui insulte mon honneur car mon silence sera la réponse au mesquin. Je ne manque pas de réponse mais il ne convient pas aux lions de répondre aux chiens. »

Je vis au quotidien de la liberté d’expression car j’aspire à devenir journaliste. Nous qui vivons en France, nous avons parfois à faire à de curieux paradoxes. De surcroît lorsque l’on est musulmans. Le 26 Août 1789 naissait la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. A l’article 4, l’on peut lire cette phrase: « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. » La liberté, théoriquement, permet donc de tout faire. Tant que cela ne nuit pas à autrui. Qui est l’autrui dans le cas occurent ? Les musulmans. L’Islam est considérée en France comme la deuxième religion. Une étude du Pew research center, datant de 2011, estime que la population de culture musulmane, mineurs compris, est de 4 704 000 en 2010. Une autre étude, celle de l’INED, publiée en 2011 estime à 2,1 millions le nombre de personnes âgées de 18 à 50 ans qui se déclarent musulmanes dont 70 000 à 110 000 convertis. Le ministre de l’Intérieur chargé des cultes a indiqué en 2010 qu’il y a entre 5 et 6 millions de musulmans en France. (Source: Wikipédia). Qu’importe, les chiffres sont là: les musulmans existent !  Si nous revenons un instant à la définition de la liberté, on ne peut que s’étonner devant la déferlante défense qui a pu naître devant l’acte commis au sein des bureaux de Charlie L’Hebdo. Se moquer ainsi d’une religion, quelle qu’elle soit, d’un Prophète et de son Dieu s’appelle-t-il liberté d’expression ? A mes yeux, la réponse est non. Certainement pas. Charlie Hebdo n’a t’il pas ouvertement nuit à ces 4 704 000 ou à ces 6 millions de musulmans en France ? Ne serait-ce pas à tous les musulmans de France de s’unir et d’aller ensemble porter plainte pour atteinte à notre religion ? Le musulman doit-il servir à faire le buzz d’un journal qui allait à sa perte en terme de tirages ? Quand donc enfin cessera t-on de traiter le musulman comme un être à traiter d’une « certaine » manière ? Pour conclure sur cette affaire, je dirais qu’il n’y a nul besoin d’être un docteur en Philosophie pour comprendre que derrière cette mascarade nationale se cache peut être un projet abjecte de faire une énième fois, de trop, passer les musulmans pour des criminels dépourvus de sens de l’humour de surcroît !

Yunus : Concernant l’affaire Charlie Hebdo, je trouve que le recours à la violence est excessif et dangereux. Personne n’a le droit de bruler le bien d’autrui. D’autant plus qu’il aurait pu être criminel. Imaginons un instant qu’un gardien était là cette nuit, et que cet incident lui avait coûté la vie. Ca aurait été vraiment dramatique.

Ça aurait encore fait du tort aux musulmans en général. Je condamne l’acte mais je peux le comprendre dans le sens où Charlie Hebdo multiplie les provocations à l’égard des religieux en général.

On essaie de faire croire que les croyants, toute religion confondues, sont une menace pour la liberté d’expression. Or, les relations interreligieuses sont un grand succès en Europe et en France particulièrement. La liberté d’expression est un bien pour la démocratie, d’ailleurs l’Islam l’a introduit avec ses valeurs d’égalité et de fraternité. Chaque personne de la Oumma (communauté) peut exprimer librement ses idées, peu importe son sexe, son statut social. On peut tout dire à condition que cela soit constructif.

Il ne faut pas que la liberté d’expression soit un moyen de blesser les gens dans leurs convictions intimes. On peut se moquer de la religion, des sketchs comiques sur le Ramadan ou le voile ont de plus en plus de succès. Les musulmans savent rire, notre Prophète PBSL riait lui aussi, dommage qu’on essaye de faire de nous des personnes sans cœur sans sourire.


Certains médias parlent d’une dérive « islamiste » des révolutions arabes avec notamment la victoire du parti Ennahda aux élections tunisiennes, votre analyse ?

 

Fares : Je n’ai pas d’analyse particulière concernant la victoire d’Ennahda, c’est un choix démocratique des tunisiens et nous n’avons rien à dire dessus. Cependant je constate que ceux qui critiquent cette victoire sont les mêmes que ceux qui ont soutenu un dictateur durant son règne donc je pense qu’il faut les laisser faire leur travail et juger sur le long terme.

Kahina : Des discussions que j’ai pu avoir avec des Franco-Tunisiens, j’ai appris que le parti Ennahda est un parti assez tolérant et ouvert. Les Occidentaux ont toujours eu besoin d’un bouc-émissaire. Cela se retrouve depuis la nuit des temps. Au 20ème siècle, les Juifs étaient en France les responsables des maux économiques de par leurs droits à faire des crédits, et de la place prédominante qu’ils ont acquit au fil des années. Plus récemment, les Roms ont fait l’objet de toutes les critiques du sommet de l’Etat au plus simple citoyen. Depuis des années déjà, l’Islam a été erigé comme la dangereuse religion a combattre par les Etats-Unis. Nombre de pays ont suivi le mouvement de la puissance américaine. La France n’aura pas tardé à le faire. Alors, on stigmatise les musulmans en les assimilant à des extrémistes et intégristes dès lors qu’on à le malheur de dire « Bismillah » en débutant un repas ou de choisir de porter le voile islamique. En même temps, et malgré la loi de 1905 séparant l’Eglise et l’Etat, on laisse vivre un parti comme le parti « Chrétien-Democrate » tenu par Christine Boutin, ancienne ministre du logement. Dit au passage, ce parti se présentera aux élections présidentielles de 2012. Alors que dira t-on si le parti « Musulman-Démocrate » se présente à ces mêmes élections ? J’ai d’or et déjà la réponse: on qualifiera de dérive islamiste la démocratie qui régie notre  patrie.

Yunus : Il est drôle de voir comment nos responsables politiques peuvent se montrer incohérent. On donne des leçons de démocratie à nos voisins sans les appliquer.

Souvenez vous en 2002, lorsque Le Pen se retrouve au second tour des élections présidentielles. Je trouve que les manifestations qui ont suivis, encouragés par certains politiques, étaient justement anti-démocratiques. On dit aux gens d’aller voter, et une fois le vote exprimé on leur dit qu’ils ont fait le mauvais vote. C’est encore plus fort avec l’exemple de la Palestine. On organise des élections, mais lorsque le Hamas sort grand vainqueur on parle d’échec pour la démocratie. Il faut respecter le choix des électeurs sinon c’est justement une atteinte à la liberté d’expression. Si les tunisiens ont voté en majorité pour Ennada c’est qu’ils ont confiance en ce parti qui a toujours été opposé à l’ancien dictateur. Laissons-leurs leur chance.

D’ailleurs peu importe leurs choix, notre mission est de les aider à se reconstruire. Tout cela va prendre du temps, il faut que les racines poussent pour avoir de bons fruits. Mais c’est très encourageant. Et il faut arrêter de limiter la chari’a aux châtiments corporels où à la polygamie. La chari’a c’est beaucoup plus vaste que ça et il ne faut pas oublier que Napoléon s’en est inspiré pour le code civil français. Encore, une fois on juge les musulmans sans connaitre leurs inspirations.

Depuis que je suis pratiquant, je trouve que mon rapport à la famille, à mon travail, mon argent, au monde se sont améliorés. Je ne suis pas une menace pour la liberté d’expression, je célèbre mes fêtes et participe aux fêtes des autres, j’aime mon pays,  je prie dans la rue parce qu’il n’y a plus de place, et non pas pour embêter les voisins que j’essaie de respecter au maximum. Stop aux préjugés, apprenons juste à nous connaitre plutôt que de se jeter des fautes. Ca sonne plutôt cliché mais c’est le seul moyen de retrouver une bonne harmonie. Il faut croire en l’être humain!

6 Comments

  1. barakalahoufik Younous !
    très bonne blague je l’avoue 😉
    concernant ton précédent message, je comprends où tu voulais en venir et je suis d’accord avec toi, il nous faut plus de sourires et d ejoies dans nos mosquées, je trouve parfois monotone et fastidieux de cotoyer des freres qui sont fermés.

    Qu’ALLAH nous accorde le paradis

  2. Et ça c’est cadeau:
    Un vieil Arabe vit depuis plus de 40 ans à Chicago. Il aimerait
    bien planter des pommes de terre dans son jardin mais il est tout seul, vieux et trop faible. Il envoie alors un E-mail à son fils qui étudie à Paris pour lui faire part de son problème :

    « Cher Ahmed, je suis très triste car je ne peux pas planter des pommes de terre dans mon jardin.
    Je suis sûr que si tu étais ici avec moi tu aurais pu m’aider à retourner la terre. Je t’aime, ton Père »

    Le lendemain, le vieil homme reçoit un E-mail :
    « Cher Père, s’il te plaît, ne touche surtout pas au jardin ! J’y ai caché la « chose ».
    Moi aussi je t’aime. Ahmed »

    A 4 heures du matin arrivent chez le vieillard la US Army, les
    Marines, le FBI, la CIA et même une unité d’élite des Rangers. Ils fouillent tout le jardin, millimètre par millimètre et repartent déçus car ils n’ont rien trouvé.

    Le lendemain, le vieil homme reçoit un nouveau E-mail de la part de son fils :
    « Cher Père, je suis certain que la terre de tout le jardin
    est désormais retournée et que tu peux planter tes pommes de terre.
    Je ne pouvais pas faire plus pour toi.
    Je t’aime. Ahmed »

    😉 et là je suis sur que tu as le sourire aux lèvres 😉

  3. Salam aleykum,

    Pour répondre à Wissem, tu as raison et je me suis mal exprimé. Quand je dis « se moquer de la religion », c’est une erreur. Je voulais plutôt dire « se moquer des musulmans ».
    C’est pas du mois béni de Ramadan dont on peut rire, mais de la manière dont les musulmans agissent durant ce mois.
    Voir des musulmans faire des sketchs comiques, c’est très encourageant. On a une religion de sourire qui passe inévitablement par le rire.
    Si les enfants riaient un peu plus dans nos mosquées ça serait magnifique et les enfants s’attacheraient à nos lieux saints.
    J’ai eu des fous rires dans ma mosquée, on se lance des vannes juste avant et après la prière et ça reste avant tout des moments de partage, des souvenirs, et peut être des actes qui pencheront dans la Balance.
    Donc voilà, c’est pas de la religion qu’on peut se moquer, mais on peut se moquer des musulmans. Merci de m’avoir rappeler sur ce point.

    Salamdr

  4. salam aleykoum,
    j’ai bien aimé cet article, mais je voudrais donner un petit conseil à Yunus et par la même occasion à tous les lecteurs, notre frère a fait une erreur et j’espere qu’il la corrigera lorsqu’il a dit :

    « Il ne faut pas que la liberté d’expression soit un moyen de blesser les gens dans leurs convictions intimes. On peut se moquer de la religion, des sketchs comiques sur le Ramadan ou le voile ont de plus en plus de succès.  »

    C’est grave de dire que l’on peut se moquer de la religion, cela est très dangereux et je t’invite à faire des recherches sur le sujet..
    Le fait de se moquer de la religion est un acte annulatif de l’islam et ce bien que la personne prie, jeune, fait des actes d’obéissances..
    qu’allah nous guide sur le droit chemin.

    à bon entendeur

  5.  » Depuis que je suis pratiquant, je trouve que mon rapport à la famille, à mon travail, mon argent, au monde se sont améliorés. Je ne suis pas une menace pour la liberté d’expression, je célèbre mes fêtes et participe aux fêtes des autres, j’aime mon pays, je prie dans la rue parce qu’il n’y a plus de place, et non pas pour embêter les voisins que j’essaie de respecter au maximum. Stop aux préjugés, apprenons juste à nous connaitre plutôt que de se jeter des fautes. Ca sonne plutôt cliché mais c’est le seul moyen de retrouver une bonne harmonie. Il faut croire en l’être humain!  »

    Macha’Allah !

  6. Merci de nous avoir fait partager ces visions de la jeunesse Musulmane de France !

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