Nous avons dit la dernière fois que le chemin de la purification spirituelle est un chemin difficile et long. Par conséquent, l’itinérant a besoin de s’arrêter à différentes stations d’épuration pour s’approvisionner de valeurs spirituelles et morales. La crainte et l’espérance constitue l’une de ces stations.
La crainte et l’espérance sont deux ailes à même de porter le musulman vers le chemin de la purification de l’âme, vers le chemin amenant au Paradis. Nous avons parlé lors du dernier sermon de la première aile qui est l’espérance, mais l’itinérant ne peut prendre son envol vers la purification avec une seule aile, il a besoin de l’autre aile, à savoir, la crainte.
Nous avons dit lors du dernier sermon que la miséricorde de Dieu embrasse toute chose, et c’est pour cette raison que nous devons l’espérer. Mais espérer cette miséricorde ne signifie nullement la négligence du sentiment de la crainte. Il s’agit plutôt de réaliser un équilibre entre la crainte et l’espérance dans le cœur du croyant. D’ailleurs, le Coran associe souvent ces deux sentiments. Dieu dit : « Ha mim. La révélation du Livre vient de Dieu, le Puissant, l’Omniscient, le Pardonneur des péchés, l’Accueillant au repentir, le Dur en punition » (Coran 40 :3), « Ton Seigneur est détenteur du Pardon pour les gens, malgré leurs méfaits, et Ton seigneur est assurément dur en punition » (Coran 13 :6), « Ton Seigneur est certes Détenteur du Pardon et Détenteur aussi d’une punition douloureuse » (Coran 41 :43), « En vérité, ton Seigneur punit rapidement, mais Il est aussi Pardonneur et Miséricordieux » (Coran 7 :167), « Sachez que Dieu est sévère en punition, mais aussi que Dieu est Pardonneur et Miséricordieux » (Coran 5 :98).
Par ailleurs, lorsque le Coran évoque la crainte de Dieu, Il l’associe à chaque fois à Sa miséricorde. Dieu dit : « Voilà ce qui vous a été promis, ainsi qu’à tout homme plein de repentir et respectueux des prescriptions divines, qui redoute le Tout Miséricordieux bien qu’il ne Le voit pas, et qui vient vers Lui avec un cœur porté à l’obéissance » (Coran 50 :32-33), « Tu avertis seulement celui qui suit le Rappel (le Coran), et craint le tout Miséricordieux bien qu’il ne Le voit pas » (Coran 36 :11).
Méditez cette expression « … qui craint ou redoute le Miséricordieux », Dieu n’a pas dit « qui redoute le dominateur suprême (al-qahhar) » ou « qui craint le Tout Puissant (al-jabbar) », il dit plutôt « quiconque craint le Tout Miséricordieux ». L’imam Abou Hamid al-Ghazali dit : « Dieu a voulu par là susciter le sentiment de crainte accompagné d’un sentiment de sécurité, Il a voulu susciter une réaction dans l’apaisement. Ainsi, Il na pas voulu associer la crainte aux noms évoquant Sa majesté et Sa grandeur, mais plutôt aux noms évoquant sa beauté et Sa bonté ».
Ainsi, la Miséricorde de Dieu embrasse toute chose, mais Son châtiment est sévère, Il faut donc espérer sa miséricorde tout en redoutant Son châtiment. Dieu a décrit Ses serviteurs vertueux en disant : « Ils espèrent Sa miséricorde et craignent Son châtiment » (Coran 17 :57), et c’est ainsi que doit être le croyant associant la crainte à l’espérance.
‘Ali ibn Abi Talib (rad) dit à l’un de ses enfants : « Redoute Dieu d’une manière à penser que si tu venais à Lui avec les bonnes actions de tous les habitants de la terre, Il ne saurait les accepter de toi. Et espère en Dieu de manière à penser que si tu venais à Lui avec les péchés de tous les habitants de la terre, Il te les pardonnerait ».
‘Omar (rad) dit : « Si l’on faisait cet appel : « Que tout le monde entre en Enfer à l’exception d’un seul homme, j’espèrerais que ce soit moi, et si on appellerait : « Que tout le monde entre au Paradis à l’exception d’un seul homme, je craindrais qu’il s’agisse de moi ! »
Les savants spiritualistes de l’islam ont établit une distinction entre deux choses : l’espérance (ar-raja) et le souhait (al-oumniya). L’espérance est ce qui est accompagné d’action. Quant au souhait, c’est ce qui n’est pas accompagné d’action. Par exemple, si un homme sème les graines, les arroses, met les engrais nécessaires et en prend soin, puis espère que Dieu lui octroie sa subsistance de qu’il a semé, il s’agit là d’espérance. Par contre, si un homme ne sème pas, ne plante pas, puis attend la saison de des moissons pour récolter comme le font ceux qui ont semé et travaillé la terre, il s’agit là d’un souhait et non pas d’espérance. C’est dans ce sens que le Prophète (saws) dit : « Le perspicace est celui qui s’autocritique et œuvre pour l’après mort. Quant à l’incapable, c’est celui qui laisse son âme suivre ses passions tout en nourrissant au sujet de Dieu de vains espoirs » (At-tirmidhi). Ce dernier, comme le dit le Prophète (saws) laisse son âme suivre ses passions ; il est le serviteur de ses passions et captif de ses désirs, puis souhaite que Dieu lui pardonne et le la fasse entrer au Paradis sans produire les efforts nécessaires. Il souhaite que Dieu lui accorde le Paradis sans en payer le prix. Avez-vous déjà vue une marchandise sans pris ? Sachez que la marchandise que propose Dieu est très chère ! La marchandise que Dieu propose est le Paradis !
Un hadith divin dit : « Quel manque de pudeur de ce celui qui convoite mon Paradis sans fournir d’action. Comment ferais-je don de ma Miséricorde à celui qui est avare de mon obéissance ».
Un homme posa la question à Ibn Sirin : « Je me suis vu en rêve entrain de nager sans eau, et voler sans ailes ! » Ibn Sirin répondit : « Tu es un homme habité par les souhaits et l’illusion ! »
Al-Hassan al-Basri dit : « Des gens se sont laissés distraire par les souhaits de pardon au point de sortir de cette vie ruinés, sans aucune bonne action. Ils dirent : nous pensons bien de Dieu. En réalité, ils mentent, car s’ils pensaient bien de Dieu cela les aurait poussé à bien agir »
On pourrait maintenant se poser la question suivante : Quel sentiment est meilleur ? La crainte ou l’espérance ?
L’imam Abou Hamid al-Ghazali répond à cette question en disant : « Cette question est vide de sens de même que la question : qu’est ce qu’est meilleur : le pain ou l’eau ? La réponse consiste à dire que le pain est meilleur pour l’affamé, et l’eau est meilleure pour l’assoiffé. Si les deux sensations sont réunies, on accorde la considération au plus dominant. Ainsi, si la faim est plus dominante, alors le pain est meilleur, et si la soif est plus forte alors l’eau est meilleure, et si les deux sensations se valent, alors le pain et l’eau se valent également … La crainte et l’espérance sont deux remèdes pour soigner les cœurs malades. Ainsi, le meilleur des deux est en fonction de la maladie en question. Si la maladie qui touche l’essentiel du cœur est le sentiment de se sentir à l’abri du châtiment de Dieu, alors, la crainte est meilleure. Et si la maladie prédominante est le désespoir de la Miséricorde de Dieu, alors, l’espérance est meilleure. De même, si la désobéissance prédomine l’homme, alors, la crainte est meilleure. »
Nous pouvons dire que de nos jours, la prédominance de la crainte est plus bénéfique, mais avant le moment qui précède la mort, et à condition que cette crainte ne provoque pas le désespoir, qui à son tour provoque l’abandon de l’action. La crainte dont il est question est celle qui éveille la conscience, pousse à l’action, perturbe les passions et empêche le cœur de s’abandonner à ce bas-monde. C’est dans ce sens que Abou Bakr dit : « Je ne me sentirai jamais à l’abri de la colère de Dieu, même si j’avais un pied dans le Paradis ! »
Par contre, au moment de la mort, l’espérance en Dieu est plus bénéfique. Le Prophète (r) : « Que l’un de vous ne meurt qu’en pensant bien de Son Seigneur » (Mouslim). Dieu dit dans le hadith divin : « Je serais à mesure de ce que Mon serviteur pense de Moi » (Mouslim). Au moment de mourir, les pieux-prédécesseurs aimaient qu’on leur rappelle la Miséricorde de Dieu afin de rencontrer Dieu en ayant les meilleurs pensées à Son sujet. A sa mort, l’imam Ahmed ibn Hanbal dit à son fils : « Raconte-moi les récits qui mettent en évidence l’espérance et les bonnes pensées »
Sermon du vendredi – Moncef Zenati
(Purification de l’âme 18ème partie)